Tout a commencé à Tétouan, mais c'est désormais depuis Bruxelles qu'Anwar confirme son nom sur la scène musicale internationale. Féru de voyages, enfant de l'immigration marocaine en Belgique, il s'exprime par les sonorités folk, blues et pop pour effacer les frontières, comme en témoigne son nouvel album qui sort en mars 2024. Natif de Tétouan, Anwar n'a découvert sa vocation pour la musique que plus tard. Dans un premier temps, tout l'a prédestiné à une carrière en économie et gestion. «Mes grands-parents maternels ont migré en Belgique en 1962 et ma mère y est arrivée à l'âge de trois ans», nous raconte le chanteur, qui grandit avec son frère et sa sœur à Bruxelles. Après ses études primaires et une partie du secondaire, il suit ses aïeux, qui décident cette fois-ci de se réinstaller au Maroc. Ils envisagent d'y créer une entreprise, son grand-père étant un investisseur connu pour être derrière la seule usine de «qoffa» dans le pays. «C'était très difficile pour moi d'opérer ce retour, à 15 ans, d'autant que je parlais un arabe désuet des années 1960, celui que j'entendais mes grands-parents parler en Belgique. Je devais me réadapter et me reconnecter au pays, où je venais surtout passer les étés. J'ai appris beaucoup de choses du Maroc, de mon histoire, de l'histoire de ma famille, du quartier où mes aïeux ont grandi… Puis j'ai appris à écrire l'arabe», se souvient l'artiste, qui fait la suite de son parcours scolaire dans sa ville natale. Après son baccalauréat en sciences économiques, il continue des études de technicien informatique pendant deux ans. Sans pour autant se projeter dans une carrière musicale, Anwar a été influencé par ce qu'il a entendu ses parents écouter. «Mon père était très porté sur les tubes des années 1960 et 1970, tout ce qui est du registre de Woodstock, Jimi Hendrix, James Brown. Ma mère écoutait plutôt Julio Iglesias, BB King, mais aussi de la musique arabe comme celle de Warda, de temps en temps», se souvient-il. Parmi ses amis depuis le lycée, certains jouent de la guitare. Amoureux de la littérature française et surtout des œuvres d'Alexandre Dumas, il se met également à écrire des textes. Anwar / Ph. Irina Belashov (Incognito Wanderer) «Cela me permettait aussi de m'évader et de me créer des moments où je pouvais me reconnecter avec la culture où j'avais grandi en Belgique», nous confie Anwar. «Aussi, mon père aimait acheter des instruments de musique dans les marchés aux puces de Bruxelles ou dans les brocantes. Nous avions donc du matériel à la maison et ma petite famille écoutait beaucoup de musique», ajoute encore l'artiste. Un premier contact avec la scène nationale Dans son entourage amical, Anwar prend plus confiance et écrit davantage. «Un jour, l'un de mes amis m'a entendu chantonner 'Killing me softly' de Laurin Hill. Il m'a dit que j'avais une très belle voix et cela m'a mis une graine dans l'esprit. Je me suis créé une vocation qui a commencé à pousser comme une plante, pour donner ce que je fais aujourd'hui», se souvient le chanteur. Son premier contact avec la musique locale à Tétouan se fait par ailleurs lors d'une rencontre avec un gnaoui. Fasciné par les percussions et le chant, il s'intéresse de plus près au répertoire ancestral. Plus tard, il fait connaissance avec le groupe de fusion Rif Gnawa, qui l'intègre pour écrire des textes en français et accompagner les chœurs. Avec cette formation, Anwar se produit au Festival Gnaoua des musiques du monde à Essaouira, ainsi qu'à L'Boulevard à Casablanca. Initié à la scène peu avant sa décision de repartir du Maroc, il se lance dans l'aventure et décide de tracer son chemin dans la musique. En Espagne, il travaille dans deux cyber-cafés pour subvenir à ses besoins, puis il met le cap sur Bruxelles, où il finit par poser bagage. «Mes parents m'ont beaucoup aidé, financièrement notamment, mais à un moment, il faut savoir voler de ses propres ailes. Cela dit, ils ont toujours continué à me soutenir dans mes choix, bien qu'ils n'aient pas prévu initialement que je devienne musicien», nous dit-il. Anwar / Ph. Antoine Hénault «Mes parents ont même assisté à plusieurs de mes concerts, que ce soit en Belgique ou ailleurs. Mon noyau familial, mon père, ma mère, mon frère et ma sœur ont toujours été mon premier soutien. Je pense que c'est la plus grande chance que l'on pourrait avoir dans une vie: une petite famille qui vous encourage à aller jusqu'au bout de ce que vous faites, peu importe si elle est d'accord ou non avec vos choix.» A Bruxelles, Anwar multiplie les boulots dans le nettoyage et dans le bâtiment, entre autres. Parallèlement, il multiplie aussi les Jam Sessions et les Open Mics, guitare à la main. Entouré de jeunes passionnés, il s'imprègne de la scène underground, qui lui permet de se former musicalement et d'améliorer ses prestations. De Tétouan à Bruxelles, Anwar efface les frontières entre les sonorités musicales Petit à petit, Anwar passe sous le feu des projecteurs, en commençant par les scènes de quartier. «Chaque personne qui m'a rencontré et qui a vu un potentiel artistique en moi m'a ouvert une porte», se souvient-il, soulignant que l'«on ne se construit pas tout seul». «Quand on voit un artiste réussir, on sait qu'il y a eu des milliers de gens qui l'ont aidé, qui lui donné une opportunité, l'ont conseillé, l'ont encouragé et cru en lui. On n'arrive jamais seul, mais il faut bien sûr faire le travail derrière, avoir l'envie de le faire, sacrifier d'autres choses et avoir peu de temps de repos.» Pour passer des scènes locales aux grands spectacles en Belgique, en France, au Maroc ou encore en promotion aux Etats-Unis, Anwar a d'ailleurs fait une rencontre artistique, qui l'a fondamentalement propulsé auprès des labels internationaux. Se produisant sur une petite scène dans l'Hexagone, il est abordé par l'artiste Zaz, qui lui exprime sa volonté de l'aider à mieux se faire connaître. «Elle m'a proposé de l'accompagner en tournée pour la première partie de ses concerts. Je me suis trouvé dans des salles de 8 000 à 10 000 places, notamment le Zénith, mais aussi L'Olympia ou Le Casino de Paris», nous confie-t-il. Une double-culture célébré ici et ailleurs C'est d'ailleurs dans la salle mythique du Casino de Paris qu'Anwar est repéré par des représentants de Sony Music, qui lui proposent un premier album. Il joue aussi des premières parties avec Mickey 3D, Jaine, Boulevard des airs, Yuri Buenaventura… Depuis, il multiplie les concerts et sort «Beautiful Sunrise», avec Sony Music France et le label américain Colombia Records. Début 2023, son EP «Lights» sort avec le label indépendant ThinkZik, en distribution chez Universal Music. Confirmant son nom en tant qu'artiste à part entière, il sort «Lights» en version album, en mars 2024, toujours avec ThinkZik et Universal Music. «J'ai eu le temps de murir, d'apprendre, de travailler mes textes, ma direction artistique, les styles que j'ai voulu proposer et exprimer des émotions, des ressentis et des sentiments. A chaque période de la vie, on a le besoin de s'exprimer musicalement sur certaines choses plus que d'autres», nous confie Anwar. La ligne directrice de ce deuxième album reste pour autant fidèle au registre qui fait toute la particularité de son auteur, permettant à chacun de s'y reconnaître, transcendant ainsi les frontières grâce au caractère universel de la musique. «Mes chansons s'inspirent de la vie de tous les jours et font de moi une sorte de griot, qui raconte son vécu et celui des autres qu'il croise sur son chemin, d'autant que j'aime beaucoup les voyages et les rencontres que cela nous permet», ajoute-t-il. Après une première tournée avec le Cercle des lauréats de Belgique (CLB) au Maroc, Anwar a fait partie des têtes d'affiche de la dixième édition de Visa For Music en 2023, à Rabat. De cette «belle expérience», il espère désormais que les passerelles se renforceront entre les artistes marocains d'ici et d'ailleurs. En ce mois de février, il fait partie des enfants de l'immigration marocaine qui célèbre cette année ses 60 ans en Belgique. A Bruxelles notamment, plusieurs rencontres et évènements mettront en avant les concitoyens émigrés d'hier et d'aujourd'hui, pour commémorer leur histoire depuis les années 1960. «Mes grands-parents font partie de ces gens-là. Cette commémoration se transforme en communion, pour témoigner de l'apport des différentes générations qui portent cette double-identité, qui se sont intégrées ici et qui ont été d'une grande richesse pour leurs deux pays», nous déclare Anwar, qui se dit «honoré» d'être mis en avant à cette occasion. 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