Marocaine, d'origine berbère, désignée comme chanteuse française, dont les morceaux sont pratiquement tous écrits en anglais, arabe ou amazigh, Zahra Hindi est avant tout une artiste de talent. Loin d'être une nouvelle star à paillettes, et encore moins une étoile filante du jazz vocal, cette jeune femme pleine de charisme est depuis quelques mois de plus en plus courtisée par les médias français. Et pour cause, la sortie de son album Handmade (Fait main) est une véritable révélation musicale. Derrière ce titre, se cache une voix à la fois soul et légèrement folk, à la personnalité artistique clairement distinguée, qui habille une musique jazzy aux inspirations afro-américaines et à l'identité totalement berbérophone. Une découverte que le fameux label américain de jazz «Blue Note Record» peut être fier d'avoir pris sous son aile. Une consécration pour cette artiste qui chante depuis l'âge de 16 ans. Zahra Hindi rejoint ainsi la longue liste des plus grands jazzmen de l'après-guerre : Clifford Brown, Miles Davis, Lou Donaldson, Jay Jay Johnson, Sonny Rollins ou Wayne Shorter, pour ne citer qu'eux. Aujourd'hui, grâce à cet album, la jeune native de Khouribga fait le tour du monde et ce n'est que le début. From Khouribga to Paris «Je suis née à Khouribga, originaire du sud du Maroc, et j'ai vécu un peu partout dans le pays. Je suis une habituée du déménagement. Et tout cela fait de moi une sorte d'étrangère là où je vais», nous confie Zahra Hindi. Une globetrotteuse qui n'a pas peur du changement et des nouvelles découvertes, puisque de toute façon, elle sait ce qu'elle veut, et surtout qui elle est. «Certains journalistes m'ont demandé si je revendiquais mon identité berbère à travers ma musique. Mais, je n'ai rien à revendiquer, je le suis !». Une identité que l'on retrouve subtilement dans ses créations. A l'écoute des premiers morceaux de l'album, sans parler des titres en amazigh, les sonorités jazz se mêlent aux rythmes de ce rock'n'roll du bled à la Rimitti, auquel s'ajoute une pointe de musique traditionnelle berbère, qu'elle traduit à travers des instruments tels que les carcabous, le bendir, ou le ribab. Pour elle, il n'est pas besoin de clamer haut et fort qu'elle est berbère, «ce côté-là est présent dans ma musique, mais je le fais de manière subtile, car j'aime ces instruments et cette musique». Au détour d'une chanson, on surprendra un léger accent égyptien qui sous-entend les influences de la diva de la musique arabe, Oum Keltoum. Cette dernière ne sera d'ailleurs pas la seule à laquelle la musique de Zahra Hindi nous fera penser. Son timbre de voix légèrement voilé, tout juste écorché et totalement blues, nous fait remonter, le temps d'un «Beautiful Tango» (titre de son single), aux années d'Aretha Franklin. Et ce n'est pas un hasard, car la légende du jazz fait également partie de ces artistes qui ont inspiré Zahra. «Quand j'étais plus jeune, j'écoutais de la musique égyptienne, espagnole, américaine, de la musique traditionnelle berbère et marocaine... Quand j'ai grandi, toutes ces musiques se sont imprimées en moi», nous explique-t-elle. Se décrivant comme «une espèce de millefeuille culturel» qui s'est imprégné durant des années de ces styles musicaux qui l'entouraient, et qui sans le savoir ont construit sa personnalité, Zahra Hindi est aujourd'hui une artiste de caractère. Preuve en est, même pas une année après la sortie de Handmade, la jeune femme a déjà deux ans de tournées derrière elle. Un succès qui ne lui a pas toujours tendu les bras, comme elle nous le raconte : «La première fois que j'ai chanté en public, j'avais 16 ans. C'était lors de la fête de la musique, et je me souviens qu'une fois sur scène, j'avais l'impression que c'était normal... logique. Mais après, j'ai dû attendre trois ans avant de remonter sur scène». Entre-temps, Zahra Hindi continue de construire sa vie au cœur de la capitale française, qu'elle découvre autrement une fois installée avec son père. Mais ne vous y trompez pas, ce n'est pas Paris qui a fait de Zahra Hindi la chanteuse qu'elle est car, selon elle, même au Maroc elle aurait mené une carrière musicale. «Je crois qu'elle aurait été différente... plus underground. Je me serais moins inspirée des musiques égyptiennes et serais dans un registre un peu plus hip-hop». L'improvisation amazighe... De l'anglais à l'amazigh, il y a bien plus qu'une simple différence linguistique, et pourtant, ces deux langues se rejoignent dans la musique . «J'arrive plus facilement à trouver mes mots en anglais qu'en français. Et il y a beaucoup de rapprochement entre le jazz et la musique africaine et marocaine». Dans ce style où l'improvisation va de pair avec la justesse de la voix, Zahra Hindi tente le coup, et écrit avec sa mère un texte en amazigh, qu'elle «jazzera». «Ce n'est pas simple de chanter en berbère, mais j'ai essayé et ça a très bien marché», tellement bien qu'elle fera cadeau à son futur public de deux perles musicales «Oursoul» et «Imik Si Mik». Deux titres à son image que la jeune femme avait déjà griffonnés en 2005, parmi la centaine de chansons écrites cette année-là. «Notre âme» en anglais, ou «Plus jamais» en berbère, Oursoul est un titre au doux parfum d'ambiguïté dans lequel l'artiste évoque les mariages arrangés. Une mélodie qui se laisse écouter sans modération. Avec Imik Si Mik (petit à petit), dans l'album, l'artiste nous fait voyager dans un univers coloré. Ce morceau qui lui colle à la peau exprime comment cette touche-à-tout musicale s'est construite, sans faire de bruit, à l'ombre de la gloire éphémère. Et même quand Hindi Zahra chante en anglais, la culture berbère est aussi présente. Loin des fusions franchement commerciales, elle fait dans la simplicité de la composition, en donnant du plaisir aux autres. Et c'est là le propre d'un artiste. Et le Maroc ? Si l'on entend parler d'elle une fois ou deux ici et là, Hindi Zahra n'a pas encore fait de véritable apparition médiatique au Maroc. Et pourtant ce ne sont pas ses prestations au Royaume qui ont manqué. «Je suis venue plusieurs fois au Maroc, pour des festivals à Marrakech ou à Fès», rappelle-t-elle. Mais en dehors des événements saisonniers, l'artiste est bien consciente qu'il est aujourd'hui plus que difficile d'organiser une véritable tournée nationale. «Hormis les théâtres et les centres culturels étrangers, il n'y a pas d'espaces où se produire», regrette-t-elle. En attendant, les mélomanes marocains seront ravis de savoir que la chanteuse sera très bientôt au pays. «Je serai bientôt au festival Timitar d'Agadir, à Fès pour le festival de jazz et au festival de Casablanca», révèle Zahra.