Né en Algérie au sein d'une famille kabyle de célèbres caïds, Azouaou Mammeri est devenu tard professeur. Sous l'occupation française, il aura été le plus Marocain de tous les artistes algériens Né en Algérie, Azouaou Mammeri a évolué considérablement dans sa carrière de peintre au Maroc actuel, à commencer par la ville Fès où il a habité. Dans l'ancienne Médina de la capitale spirituelle, il a d'abord été enseignant. Emerveillé par la vie quotidienne dans cet environnement du début du XXe siècle, il y a trouvé une inspiration artistique qui coule de source. En effet, tout y prête à la reproduction picturale dans toute sa beauté : des écoliers assis autour de leur fqih dans une école coranique (m'sid), des joyaux architecturaux, des mosquées en tant qu'œuvres d'art à part entière, des ponts, des souks… Azouaou Mammeri a peint le Maroc comme l'aurait fait un artiste natif de ce territoire, bien que sa ville natale soit plus à l'Est. D'origine kabyle, il est né vers 1892 au sein d'une grande famille de caïds à Ait-Yenni, commune de la province de Tizi Ouzou, au nord de l'Algérie actuelle. Plus précisément, il a grandi à Taourirt-Mimoun, dans les montagnes de Kabylie au sud d'Alger, dans une zone alors sous occupation française. Un enseignant en Algérie française Dans l'entourage d'Azouaou Mammeri, l'éducation a été une véritable affaire de famille. C'est ainsi qu'il a été inscrit au système éducatif francophone. Il a fait ses études auprès d'«un vieux maître d'école français, devenu lui-même presque kabyle, après trente ans de vie dans la région», écrivent Jill Beaulieu et Mary Roberts, dans leur ouvrage «Orientalism's Interlocutors: Painting, Architecture, Photography» (Duke University Press). Azouaou Mammeri a ensuite accédé à l'Ecole normale de Bouzareah, où il a suivi une formation d'instituteur. Trois ans plus tard, il est nommé à des postes d'enseignant dans différentes régions algériennes, de 1910 à 1913. Parallèlement, c'est en autodidacte qu'il a laissé libre court à son talent artistique. L'enseignant et peintre décide d'envoyer un de ses tableaux d'amateur à Prospert Ricard, l'inspecteur d'éducation artistique en Algérie. Ce dernier lui a conseillé de consulter deux professeurs de français à Taourirt-Mimoun. L'un d'eux n'est autre que le peintre, dessinateur et illustrateur suisse Edouard Herzig, résident en Algérie française et auteur de plusieurs peintures en Kabylie. Plus tard dans, Azouaou Mammeri occupe un poste d'enseignant en 1913 à Gouraya, ville et commune de la province de Tipaza au nord de l'Algérie. Il y fait la rencontre de l'orientaliste français Léon Carré, qui devient alors son mentor pendant huit mois, influençant la suite de sa carrière de peintre. Pendant encore six ans et plusieurs affectations, Azouaou Mammeri a exercé dans le cycle de l'enseignement primaire, jusqu'à ce qu'il soit découvert en tant que peintre par les autorités marocaines. Selon Beaulieu et Roberts, le talent du jeune professeur algérien a été reconnu par le Maroc, qui l'a engagé comme professeur de dessin au Collège franco-musulman de Rabat. Un peintre qui a connu son essor au Maroc En 1916, Azouaou Mammeri quitte l'Algérie pour le Maroc, où il travaille aussi comme enseignant. Il s'installe d'abord à Fès, où son cousin Si Mohammed Mammeri est le précepteur du jeune prince Moulay Mohammed ben Youssef. Il devint plus tard vizir, après l'ascension du sultan Moulay Mohammed au trône, en 1927. Dans la majestueuse ville de Fès, enrichi pas son expérience accumulée dans l'enseignement, Azouaou Mammeri ouvre une petite école primaire. Il y propose un cycle d'éducation en français aux enfants de l'élite fassie. Dans la cité spirituelle, son talent pour la peinture se révèle davantage, au gré des inspirations à travers la nature de la médina. «Azouaou Mammeri a trouvé à Fès 'une ville de 100 000 habitants où les Arabes (...) possédaient de l'argent, du prestige et du pouvoir ; où tout le monde allait à la mosquée, où l'on parlait l'arabe le plus pur ; où l'on voyait des hommes élégamment vêtus qu'on aurait pu voir à Alger», écrivent encore Beaulieu et Roberts. Dans cette ville, Azouaou Mammeri commence à dessiner, d'abord dans le but d'illustrer les articles qu'il a écrit pour le magazine français France-Maroc. Ses publications portent sur ses sujets de prédilection : l'enseignement et l'éducation. La France a utilisé plusieurs de ses dessins pour illustrer cela ces thématiques, ce qui attiré l'attention du résident français Louis Hubert Gonzalve Lyautey. Ses peintures reproduisent la vie quotidienne ordinaire et traditionnelle des habitants de Fès, leurs petites écoles coraniques, leurs maisons, leurs rues et leurs marchés. La carrière de peintre d'Azouaou Mammeri se développe encore plus. Son travail est décrit comme une émulation de l'art occidental, avec des techniques proches de celles de l'école occidentale, compte tenu de son éducation et de sa formation. Les historiens estiment qu'il est même le premier peintre algérien à créer des peintures à l'huile. Mammeri a utilisé un «style plein air, mettant l'accent sur les nuances de la lumière naturelle», ont écrit Gitti Salami, Monica Blackmun Visona et Dana Arnold dans «A Companion to Modern African Art». Au Maroc, en 1918, il expose à l'hôtel Excelsior nouvellement construit à Casablanca, aux côtés des orientalistes européens. Après une carrière d'enseignant à Fès et quelques tableaux, Mammeri retourne en Algérie dans les années 1920. Il est nommé caïd de sa ville natale, comme le veut la tradition familiale. Mais en 1927, il retourne au Maroc, où il continue à peindre tout en gravissant les échelons du monde universitaire des arts. A Rabat, il est nommé en 1928 inspecteur régional de l'art indigène. Il s'installe ensuite à Marrakech, où il est nommé inspecteur des arts marocains. Dans la cité ocre, il crée le musée des arts indigènes «Dar Si Said», après sa retraite en 1948. Le musée a servi de résidence de Si Said ibn Musa, vizir et ministre de la Défense sous la gouvernance de son frère Ba Ahmad ibn Musa, Grand Vizir et dirigeant de renom au Maroc pendant la même période, sous le sultan Moulay Abdelaziz (1894 – 1908). Azouaou Mammeri a laissé derrière lui des centaines d'œuvres picturales, dont la plupart mettent en image des paysages de villes marocaines telles que Fès, Essaouira, Casablanca et Rabat. Il est ainsi resté le plus marocain de tous les artistes peintres algériens.