Deux des suspects dans l'affaire du détournement, à Casablanca, de l'héritage de Gérard Bénitah, estimé à 143 millions de dirhams, connaît un nouveau rebondissement. Deux des personnes arrêtées dans cette affaire ont déjà été condamnées en France. Mustapha Him et Belkacem Laghdaiche, 2 des quatre hommes mis en détention provisoire à la prison d'Oukacha de Casablanca, depuis 2 semaines, pour constitution de bande de malfaiteurs, ont déjà été condamnés à la prison par contumace, en France, il y a 4 mois, pour trafic de drogue, par le Tribunal de grande instance de Paris. Les premières plaintes dans l'affaire qui leur a valu leur arrestation, à Casablanca, trainent depuis 2007 ; pourquoi Mustapha Him n'a-t-il pas été interpelé plus tôt au Maroc ? Ce n'est que le 17 octobre, que le Franco-marocain supposé promoteur immobilier, Redouane Khalfaoui, avocat, Lofti Benzakour et Belkacem Laghdaiche, ont été arrêtés, à Casablanca, pour faux et usage de faux et constitution de bande de malfaiteurs. Ils sont suspectés d'avoir détourné l'héritage d'un riche couple de Français nés à Fès, soit près de 139 millions de dirhams, de son destinataire prévu, le neveu, Gérard Bénitah. Les premières plaintes ont été déposées en 2007, mais les suspects n'ont été interpelés que 5 ans d'enquête plus tard, sans même parler encore d'un éventuel procès. 5 ans d'enquête «Je peux comprendre que l'enquête puisse prendre un ou un an et demi, mais 5 ans c'est trop», estime Leghlimi Messaoud, avocat de Gérard Bénitah, le plaignant, au Maroc. Alaoui El Belghiti Abdallah, procureur général du roi auprès de la cour d'appel de Casablanca, a eu le dossier entre les mains pendant plusieurs années. Interrogé sur la lenteur de la justice, il s'est défendu en a expliquant qu'une longue enquête était nécessaire pour ficeler parfaitement le dossier afin que les coupables n'échappent pas à leur condamnation. Ce qui s'est passé en France, à la même période, renforce le sentiment de lenteur dans ce dossier : Mustapha Him, poursuivit par la justice depuis 2001, mis en détention provisoire pendant 4 mois, entre 2001 et 2002, fait l'objet d'un mandat d'arrêt international lancé par la France depuis 2007. La justice marocaine ne pouvait l'ignorer, pourtant Mustapha Him est resté en liberté, à Casablanca, au vu et au su de tous. Le 14 juin 2012, il a été condamné par contumace à 3 ans de prison dans le cadre d'un procès collectif avec 10 autres prévenus, dont Belkacem Laghdaiche, pour trafic de drogue entre le Maroc et la France et participation à une association de malfaiteurs. Procès par contumace «Mustapha Him apparaît en permanence du début à la fin des écoutes téléphoniques comme étant le principal organisateur de l'association de malfaiteurs constituée en vue de l'importation et de la revente de résine de cannabis», établit le jugement du Tribunal de grande instance de Paris. En dépit des lourdes charges qui pèsent contre lui, le Franco-marocain n'apparait pas à son procès, tout comme Belkacem Laghdaiche. «Il [Mustapha Him, ndlr] a finalement fait l'objet d'un mandat d'arrêt international le 30 novembre 2007, qui n'a jamais été mis en exécution alors que plusieurs de ses coprévenus ont indiqué qu'il aurait une propriété en France et continuerait à séjourner sur le territoire national», s'étonne le tribunal dans son jugement. Un élément permettrait d'expliquer que, autant au Maroc, qu'en France, Mustapha Him soit resté libre comme l'air : «dans le département 92, personne n'ignorait que Him était une balance de police et un trafiquant de stupéfiants et que pour transférer l'argent des stupéfiants de France au Maroc, il passait par Laghdaiche», a déclaré l'un de ses coprévenus. «Lors des débats d'audience, ses conseils [ses avocats, ndlr] ont affirmé, avec rapport de police à l'appui, que leur client est bien un indicateur de la police qui leur avait permis de mettre fin aux activités de plusieurs réseaux», souligne le jugement. Dans ses déclarations Mustapha Him lui-même, qui a toujours nié son implication dans le trafic de drogue, indique être également un informateur du côté marocain. «Il a affirmé qu'il travaillait pour la DST marocaine. […] Il ne restait en contact avec les trafiquants que «pour les donner à la police», ce qu'il avait déjà fait par le passé et avec succès», rapporte le jugement du tribunal. Indic' des flics ? De telles déclarations ne sont pas sans rappeler l'arrestation très médiatique d'un responsable de la commune de Casablanca. En 2007, Mustapha Him réclamait la propriété d'un terrain contesté par la commune urbaine de Casablanca, jusqu'à ce que, selon l'Economiste, il parvienne, en collaboration avec la Brigade centrale de police, à faire interpeller l'un de ses membres corrompu qui lui demandait 200 000DH pour débloquer le dossier. Pourtant, si la collaboration de Mustapha Him avec les polices française et marocaine s'avère, peut-elle justifier qu'il passe outre une décision de justice : une condamnation à 3 ans de prison alors qu'«il n'apparait nulle part que concernant le réseau dont ce Tribunal est saisi [le trafic de stupéfiant organisé par Him, ndlr], il ait agi en concertation avec un service de police, qu'il a reconnu lui-même «qu'il n'avait parlé à aucun policier» de ses relations avec les coprévenus», souligne le jugement du 14 juin. Au Maroc, si la collaboration de M. Him avec la DST voire le police marocaine est également exacte, peut elle justifier que 5 ans soient passés depuis la première plainte, sans que rien ne soit fait alors que Mustapha Him est impliqué, selon maître Sonnier, saisies de plusieurs affaires du même genre, dans aux moins 4 autres affaires de spoliations immobilières à Casablanca?