Dans un nouvel avis, le CESE appelle à «instaurer un équilibre entre développement, préservation et valorisation du littoral» et à «repenser la gouvernance et la gestion des zones littorales», tout en accordant aux communes des prérogatives décisionnelles en matière d'aménagement de leur territoire. Ecosystème hébergeant plus de la moitié de la population et représentant un important pôle d'attraction pour différentes infrastructures et activités économiques, le littoral marocain subit de manière croissante plusieurs pressions dues notamment à l'urbanisation. Celle-ci, non-maîtrisée, menace son équilibre écologique et obère sa contribution à un développement durable et résilient, estime cette semaine le Conseil économique, sociale et environnemental (CESE). Dans un avis intitulé «Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?», ce dernier se penche ainsi sur la question, en s'attardant sur quelques facteurs qui concourent à la dégradation des écosystèmes littoraux et de la qualité de vie et du bien-être des populations. Rappelant que la dégradation du littoral entraîne un coût total estimé à 2,5 milliards de dirhams, soit 0,27% du PIB, l'avis note que le littoral fait également face à d'autres risques induits par le changement climatique qui ont des répercussions non négligeables sur la dynamique d'urbanisation des zones littorales. Il cite à cet égard la hausse du niveau des mers située, les houles plus fréquentes et plus fortes, le réchauffement et l'acidification des océans ou encore la modification des courants marins, avant de se focaliser sur l'urbanisme. Pointant un contexte marqué par une pléthore de politiques et d'instruments liés à la gestion du littoral au Maroc, le CESE déplore que «les textes juridiques et les documents d'urbanisme n'explicitent pas suffisamment les questions liées au littoral». Il regrette aussi des contraintes structurelles entravent la planification urbaine, dont évolution lente de la décentralisation et de la participation citoyenne, l'absence de vision intégrée du développement urbain et le besoin de souplesse et d'adaptabilité pour ce qui est des documents d'urbanisme. Instaurer un équilibre entre développement, préservation et valorisation du littoral L'avis reconnaît toutefois que la complexité de la gestion du foncier entrave l'aménagement du territoire. «Il s'agit d'une problématique majeure qui entrave tout le processus de développement du Maroc. Le foncier, notamment littoral, subit les effets du morcellement, ce qui conduit, au fil du temps, à un parcellaire composé de petites portions, du fait du souhait des ayants-droits à préserver une façade sur la mer lors des divisions successives des terrains côtiers», ajoute-t-il. Il s'attarde sur le bilan mitigé de la gouvernance et aménagement du littoral et note, à cet égard, que la loi 81-12 sur le littoral «établit les principes et les règles fondamentaux d'une gestion intégrée durable du littoral en vue de sa protection, de sa mise en valeur et de sa conservation» et se fixe plusieurs objectifs. Cependant, sa mise en œuvre reste lente. Il met en avant l'«insuffisance en matière de convergence des politiques publiques» et la «faible cohérence de la planification territoriale du littoral». Partant du diagnostic de l'état actuel du littoral au Maroc, le CESE plaide pour l'instauration urgente d'un équilibre entre le développement, la préservation et la valorisation du littoral. «La concrétisation de cette vision permettra d'atténuer ou d'éliminer la pression croissante sur cet écosystème vulnérable», estime-t-il. L'avis souligne l'urgence d'une protection du littoral de la dégradation progressive des dynamiques (effets de la non-durabilité) avant d'engager par la suite une réflexion collective susceptible d'assurer à cet écosystème une durabilité à long terme face aux risques de pression anthropique et aux risques liés au climat. Maroc : 85% d'insatisfactions de l'urbanisation du littoral, selon le CESE Pour concrétiser cette vision, il propose une série de recommandations s'articulant autour de deux axes prioritaires : «la mise en place d'une gouvernance participative, efficace et efficiente du littoral» et «la refonte de la politique d'urbanisation basée sur les principes de territorialisation, de participation citoyenne, de respect des droits fondamentaux et de préservation de l'environnement et des ressources naturelles». Repenser la gouvernance et la gestion des zones littorales Ainsi, pour le premier axe, le CESE appelle à «accélérer la mise en œuvre du principe de gestion intégrée du littoral par l'application effective de la loi 81.12 relative au littoral» et à «repenser la gouvernance et la gestion des zones littorales en vue de renforcer la coordination inter-institutionnelle» notamment par des agences spéciales (à l'instar de l'agence de Marchica) tout en veillant à impliquer les instances élues dans ce processus. L'instance appelle aussi à «restructurer l'arsenal de documents, schémas et plans intervenant dans l'aménagement et la planification du territoire, l'urbanisme et le littoral, en vue de construire un dispositif allégé d'instruments cohérents et judicieusement hiérarchisés, au service d'une urbanisation et d'un développement durables» et d'«assainir la situation des constructions situées dans le domaine public maritime ou dans la bande des 100 mètres interdite à la construction». Quant au deuxième axe, le CESE appelle à «accorder aux communes, conformément aux principes de la démocratie locale et de de la décentralisation, des prérogatives décisionnelles en matière d'aménagement de leur territoire, de planification urbaine et d'élaboration des documents d'urbanisme» et à «doter la planification urbaine d'instruments efficaces de gestion et de développement du foncier permettant une meilleure maîtrise du processus d'urbanisation». Il recommande aussi de «développer des mécanismes de financement innovants pour faciliter la mise en œuvre des documents d'urbanisme, éviter le sous-équipement des villes et mener à bien les opérations de réhabilitation et de rénovation, notamment dans les zones littorales» et d'«attribuer aux communes l'entière responsabilité d'instruire les dossiers et de délivrer les autorisations d'urbanisme en s'appuyant sur le guichet unique dématérialisé». Le CESE propose enfin de «collaborer avec les universités et les instituts de recherche pour développer et mener des programmes de recherche scientifique multidisciplinaires sur le littoral» et de «mettre en place un observatoire national du littoral comme un mécanisme de veille et d'aide à la décision dans le domaine du littoral».