La France s'apprête à durcir sa législation vis-à-vis des travailleurs sans titre de séjour, menacés d'expulsion. Dans ce cadre, Eric Besson, ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, a préparé un avant-projet de loi, qu'il compte présenter au Conseil des ministres durant le mois de mars. De nombreux médias se sont procurés une première version du texte. L'emploi des étrangers sans papiers est une réalité bien connue en France. Ils ont été plusieurs dizaines de milliers à rejoindre le mouvement de grève des sans papiers entamé en octobre 2009. Comme amélioration de leurs droits, l'avant-projet de loi veut octroyer à tout étranger travaillant illégalement, une indemnité forfaitaire pour rupture de son contrat de travail, équivalant à trois mois de salaire (au lieu d'un mois actuellement). Il aura aussi un rappel de salaire sur trois mois au minimum, au titre de sa période d'emploi illicite. Toutefois, dans le cas où le salarié doit être expulsé, l'entreprise devra prendre en charge tous les frais de voyage. Ainsi, la lutte contre le travail d'étrangers sans titre de séjour, est la principale mesure de ce texte. Les entreprises employant des sans papiers encourront de fortes amendes voire l'arrêt temporaire de leurs activités. Sur décision du préfet, tout employeur reconnu coupable de prêt ou d'utilisation de la main-d'œuvre sans papiers, de travail dissimulé, risque "la fermeture de son établissement, à titre provisoire et pour une durée ne pouvant pas excéder six mois". Le préfet peut aussi décider l'exclusion d'une entreprise des marchés publics pour une durée de six mois au plus, pour les mêmes infractions. Les donneurs d'ordre (sous-traiteurs) ne seront pas en restes. Même s'ils ne pourront être pénalement responsables de l'emploi de sans-papiers par leurs sous-traitants, ils participeront quand même au payement des indemnités sus-évoquées. En retour, les donneurs d'ordre auront l'obligation de faire agréer leurs sous-traitants, sous peine d'une amende de 7 500 euros. Eric Besson ne veut pas se limiter aux sans papiers présents sur le territoire français. Il veut s'attaquer également à ceux qui débarquent sur les côtes. Dans un entretien accordé au Figaro, le vendredi 12 février, le ministre a laissé entendre que la "législation française n'est pas adaptée à l'arrivée brutale et massive sur nos côtes d'un grand nombre d'étrangers". Auparavant, il avait annoncé des mesures, après l'arrivée de 123 Kurdes, le 22 janvier, sur une plage du sud de la Corse. Ces mesures devraient voir le jour avec l'avant-projet de loi. Ainsi, des zones spéciales dites "zones d'attente" seraient créées. Elles s'étendront "du lieu de découverte des intéressés jusqu'au point de passage frontalier le plus proche". Ces zones seront similaires aux principales frontières aéroportuaires, permettant de priver immédiatement tout candidat clandestin de sa liberté. Le pouvoir des juges des libertés et de la détention (JLD), seront réduits. Désormais, ils se prononceront sur le maintien en rétention des étrangers, 5 jours après leur placement en rétention, contre deux actuellement. Par ailleurs, la durée maximale du placement en rétention passera de 32 à 45 jours. Eric Besson souhaite éviter l'exemple des 123 Kurdes, libérés par les JLD pour irrégularités de procédure, et accélérer les refoulements. De ce fait, il pense diminuer fortement voire annuler le délai de recours pour les étrangers soumis à une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Dans le cas où son avant projet deviendrait une réalité, la "machine" administrative pourra décider de l'expulsion "sans délai". L'étranger menacé d'expulsion ne disposera alors que de 48 heures, contre un mois actuellement, pour déposer un recours. Enfin, l'OQTF pourra être assortie d'une "interdiction de retour sur le territoire français" qui pourra durer jusqu'à trois ans. Le texte veut également instaurer en France, une "carte de séjour temporaire", de trois ans maximum, renouvelable, à l'image de la "Carte bleue" européenne, destiné aux étrangers hautement qualifiés. Elle sera accessible uniquement aux étrangers titulaires d'un diplôme supérieur à la licence ou "d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans" et d'un contrat de travail d'au moins un an.