En seulement 2 mois, le nouveau gouvernement marocain est sur le point de nous faire regretter l'ancien. Autant la brutalité des décisions que le manque de communication ont plombé la politique sanitaire. Retour sur 60 jours de gestion calamiteuse du Covid-19 au Maroc. 60 jours d'exercice pour le gouvernement Akhannouch et la population exprime déjà son exaspération. Pourtant, la peine infligée un certain 9 septembre est de 60 mois de gouvernement des compétences. La coalition RNI-PAM-PI est littéralement en train de rendre fou le pays. Certains en sont même à regretter le psychiatre Saadeddine El Othmani. Conspué pour les mesures impopulaires lors de son mandat, l'ancien chef de gouvernement avait au moins la politesse de venir expliquer les mesures -qu'il n'avait pas prises- aux citoyens marocains. Plus de 60 jours à la tête du gouvernement et Aziz Akhannouch n'a pas fait l'effort de faire une conférence de presse ou une interview télévisée pour expliquer aux Marocains les nombreuses décisions impactant leur quotidien. Simple mépris ou incompétence en communication ? Comment rendre acceptable une mesure impopulaire, privative de liberté, voire même touchant aux revenus de certaines familles, sans faire œuvre de pédagogie ? Comment expliquer à posteriori la logique d'une mesure imposée de manière brutale et soudaine ? C'est comme asséner une gifle à un enfant, en espérant qu'il comprenne la raison de son propre chef. Or, n'en déplaise aux tenants de l'éducation autoritaire du peuple, cette méthode ne produit que ressentiment, frustration, instabilité et traumatismes sur le long terme. Pourtant, le peuple marocain a consenti beaucoup de sacrifices depuis mars 2020 et le déclenchement de la crise du Covid-19 dans le royaume. Si le ministre de la Santé s'enorgueillit de la stabilité de la situation sanitaire, c'est aussi grâce aux personnels soignants qu'il a trop vite oubliés, et aux Marocains qui ont accepté confinement, couvre-feux, fermeture des frontières, report de rentrée scolaire, tout en adhérant massivement à la campagne de vaccination. Comment flinguer une campagne de vaccination tout seul comme un grand... Or justement cette formidable campagne de vaccination qui avait démarré sur un énorme mensonge (25 millions de Marocains seront complètement vaccinés avant la fin du Ramadan 2021, dixit Khalid Aït Taleb), a été plombée par une décision aussi autoritaire que brutale du pass vaccinal obligatoire. Au lieu d'en tirer bénéfice, la dynamique vaccinale a été freinée sec par un souffle réactionnaire constitué à la faveur des errements du gouvernement. Sans expliquer la rationalité du pass vaccinal, sans l'inscrire dans un processus parlementaire rassembleur, et en l'imposant brutalement, le gouvernement a réussi à agglomérer tous les ressentiments qui s'exprimaient à bas bruit (antivax, peur de la vaccination des enfants, revendications sociales, etc.) Si le gouvernement avait respecté le processus parlementaire, nul doute que de précieux amendements auraient émergés des débats. Comment expliquer la logique d'imposition d'un pass vaccinal dans l'administration qui est un passage obligé pour le citoyen et où les fonctionnaires ne portent même pas le masque ? A vouloir éduquer par la force les Marocains, nos ministres ont flingué la confiance dans la campagne vaccinale en même temps que l'applicabilité du pass. Résultat de cette décision hors sol : les cafés, restaurants, hôtels ne demandent plus le pass vaccinal alors que certains fonctionnaires de l'administration -toujours sans masque- continuent de l'exiger. C'est avec la même verticalité et avec la même brutalité que la suspension des vols a été annoncée. Enfin «annoncé» n'est peut-être pas le terme le plus approprié. Nos concitoyens ont découvert par hasard chaque suspension de vols avec un pays par le biais des comptes Twitter de compagnies aériennes. Nos ministres, peut-être parce que trop compétents, ne daignent même plus envoyer un communiqué pour annoncer les mesures prises. Un gouvernement qui joue à cache-cache et aux devinettes avec la population qui ne sait plus quelle interprétation des mesures est la bonne. Passeport marocain insuffisant pour rentrer au Maroc Pendant ce temps, des milliers de Marocains sont bloqués à plusieurs milliers de kilomètres de leur domicile, parfois sans le sou, sans logis, dormant à même le sol de l'aéroport, des malades, des chibanis et même des mineures en voyage scolaire sont abandonnés par leur propre pays. Malgré un avis positif du Comité scientifique, le ministre de la Santé a coupé court à toute ouverture des frontières dans l'immédiat, évoquant du bout des lèvres, qu'il étudie un éventuel début d'opération de rapatriement sous condition. Dans la même allocution hier matin, pas un mot sur le prolongement de la suspensions des vols jusqu'au 31 décembre. C'est la RAM qui, quelques heures plus tard, a informé le grand public de cette nouvelle mesure. Khalid Aït Taleb était-il courant ? Pourquoi ne l'a-t-il pas annoncé lui-même de manière officielle ? Pourquoi laisse-t-il une compagnie aérienne jouer le rôle de porte-parole du gouvernement ? Pourquoi s'est-il empressé d'étouffer l'expression d'un avis consultatif du Comité scientifique ? L'exécutif a-t-il encore un pouvoir exécutif ? Pour finir, le plus grave dans tout ça, c'est qu'un an et demi après le confinement, nous n'avons toujours pas appris de nos erreurs, des 4 à 5 mois d'attente insoutenable pour des dizaines de milliers de Marocains interdits de rentrer chez eux, des décès qui ont eu lieu, des traumatismes infligés aux familles… de nouveau, en décembre 2021, des milliers de Marocains bloqués, et un secteur du tourisme qui se prend un coup de massue sans préavis. Les compagnies aériennes Easyjet et Ryanair n'ayant pas de visibilité avec les fermetures surprises et les conditions impossibles à appliquer, ont décidé de suspendre tous leurs vols vers le Maroc jusqu'en février 2022. Si les touristes étrangers et les Marocains lambda sont interdits de voyager, il y a tout de même quelques privilégiés bénéficiant de passe droit, à l'instar de la ministre du Tourisme bloquée en Espagne, du ministre des Affaires étrangères qui est rentré après une tournée en Europe ou encore les équipes de football allant et venant sans problème. De lambda à omicron, nous ne sommes décidément pas tous égaux face à l'alphabet grec. Bilan Coronavirus dans le monde 267 834 341 Contaminations 5 279 202 Décès 241 945 121 Guérisons 55.5% de la population mondiale vaccinée