Directeur artistique du Festival international du film de Marrakech et directeur des Ateliers de l'Atlas, Rémi Bonhomme s'est entretenu avec Yabiladi, suite à la clôture de la 4e édition des Ateliers de l'Atlas qui ont primés trois films marocains : «La mère de tous les mensonges» d'Asmae El Moudir avec le premier Prix Atlas à la postproduction, «La màs dulce» de Laïla Marrakchi avec le Prix Atlas au développement et «Sweet disposition» de Youssef Michraf avec le Prix ArteKino international. Ces dernières années ont été marquées par une situation sanitaire difficile et des retards dans les productions cinématographiques. Comment le monde du cinéma s'est-il adapté aux contraintes et comment les ateliers ont-ils fait pour maintenir la dynamique de production et proposer le palmarès de cette année ? L'impact de la pandémie sur le cinéma est comple, mais il touche particulièrement sa diffusion. Les salles sont restées fermées longtemps et les festivals reprennent tout juste. Malgré tout, la partie production a perduré et les Ateliers ont réussi à l'accompagner avec des projets en développement par de l'accompagnement artistique, des consultations avec des scénaristes professionnels ou la recherche de financements en coproduction avec des pitch devant 300 professionnels. Cette année, nous avons réussi à avoir 350 rendez-vous individuels autour de 24 projets sélectionnés, les cinéastes ont fait 20 ou 30 rencontres par jours. Dans ces projets, nous avions 15 scénarios et le reste dans différentes étapes de la postproduction. Le but, c'était d'aider à consolider le scénario et pour la post-prod, nous aidions à trouver le financement, dévoiler les premières images aux directeurs de festivals, des producteurs, pour diffuser les films vers le public. Nous accompagnons tout le continent africain et tout le Moyen-Orient avec des films venus d'Egypte, du Sénégal ou du Rwanda. Pour faire un bilan, comment les Ateliers du Cinéma ont grandi au fil des éditions pour mieux accompagner la nouvelle génération de cinéastes marocains et africains et comment les bénéficiaires ont à leur tour grandi ? C'est maintenant que nous arrivons à voir des résultats des Ateliers. Le temps de gestation des films est long, surtout dans le cinéma indépendant, avec parfois des délais de 3 ou 5 ans pour qu'un long métrage voit le jour. Les Ateliers servent justement d'accélérateurs et les cinéastes peuvent, en quelques jours, avoir des résultats qui auraient pu prendre plusieurs années. Il y a un intérêt grandissant de la part des professionnels et du public sur le cinéma africain et du Moyen-Orient, avec de plus en plus de représentations sur les grands festivals, par exemple à Cannes ou le réalisateur Omar El Zohairy a remporté le prix de la semaine de la critique pour son film Feathers qui avait participé aux ateliers 2020 et remporté le prix atlas à la postproduction. Les résultats des Ateliers sont très encourageants et nous nous adaptons chaque année, pour suivre la demande des cinéastes et les intérêts des professionnels. Ces dernières années, nous suivons la partie artistique des projets, nous nous adaptons à l'industrie. L'offre des plateformes en ligne propose de bonnes distributions et ça bouscule les financements. Les ateliers vont continuer de s'adapter pour répondre aux attentes des distributeurs. Pour l'avenir, deux longs métrages marocains sont attendus en 2022 et si les noms sont encore peu connus, je pense que rapidement le grand public les connaitra. Je pense notamment à Fyzal Boulifa ou à Sofia Alaoui qui avait remporté un César pour son court-métrage «Qu'importe si les bêtes meurent». Elle prépare un long métrage «Parmi nous» qui devrait être prêt pour Cannes l'année prochaine et qui faisait partie des Ateliers 2020. Le Maroc est un pays avec une culture du cinéma importante grâce à des grandes productions internationales qui ont choisi le pays comme lieu de tournage. Comment le royaume peut aider grâce aux Ateliers les autres productions africaines pour développer le cinéma dans le continent ? Pour moi, c'était une évidence de choisir une plateforme régionale comme le Maroc qui est une porte d'entrée sur le continent. L'histoire du cinéma au Maroc est forte et le pays a une bonne politique du cinéma grâce au Centre cinématographique marocain qui finance des films. La force du pays réside surtout dans un savoir-faire de techniciens très forts avec l'accueil de tournages de grosses productions. Le Maroc est un des pays du continent qui a le plus de savoir faire, d'expérience et d'infrastructures, même si aujourd'hui les salles de cinéma sont en baisse. Les Ateliers comblent la jeune génération qui présente des talents incroyables, avec des histoires et des envies différentes et qui ont besoin de partenaires internationaux. Nous nous proposons d'être une plateforme de rencontre pour cette nouvelle génération pour l'aider à grandir. Je suis ravi que sur le palmarès de cette année, on remette 3 des 6 prix à des films marocains et ça montre bien qu'il y a l'émergence de talents marocains très forts reconnus par les professionnels du monde entier. Je suis curieux de voir comment le public va accéder à ces œuvres et s'en emparer. Le plus important au final, c'est la rencontre entre le public et les films et les ateliers proposent d'aider cette émergence. Je l'espère le public sera en phase avec ces cinéastes très modernes avec des considérations particulières de sujet et d'esthétique. Qu'apporte aujourd'hui un partenaire comme Netflix avec des connaissances et un réseau mondial pour le cinéma africain en plein essor ? Quand on a créé les ateliers et discuté avec Netflix ils ont tout de suite voulu se positionner parce que le continent africain présente un fort enjeu pour eux et ils recherchent constamment des talents régionaux. D'un autre côté, en termes de partenaire financier, Netflix est très intéressant pour les cinéastes, en plus de la diffusion des œuvres. Concrètement on prépare différentes discussions et on collabore, cette année un directeur de la création chez Netflix a proposé une masterclass aux Ateliers de l'Atlas dans la création de personnages capables de toucher le public au cœur. Nous avons aussi eu l'intervention de l'actrice tunisienne qui travaille en Egypte Hend Sabry qui est récemment passée du côté de la production pour la série «Finding Ola» signant sa première collaboration avec Netflix.