Le ministre de la justice marocain, Mustapha Ramid, tient actuellement entre ses mains la plainte d'un Marocain emprisonné pendant un an, suite à un conflit commercial où deux sociétés marocaines se disputent le titre de distributeur exclusif des cafés Lavazza. 5 ans d'une querelle commerciale profondément envenimée entre Italian Line et Cafés Sahara pour la distribution du café italien Lavazza interpellent, aujourd'hui, les plus hautes sphères des Etats marocain et italien. Hier, jeudi 26 juillet, Mohamed Moutazakki, PDG d'Italian Line a rencontré Driss El Yazami, président du Conseil National marocain des Droits de l'Homme (CNDH) «Il m'a assuré que tout mon dossier avait été transmis au ministre de la Justice», souligne Mohamed Moutazakki, PDG d'Italian Line. «Je connais ce cas, il est bien examiné au ministère, mais je ne peux rien vous dire de plus», indique Mustapha Ramid, le ministre marocain de la Justice et des Libertés, lui-même. Le dossier en question est déjà sur le bureau de l'Inspection générale du ministère depuis plusieurs mois. L'affaire remonte à 2005, lorsque la société marocaine Italian Line voit le marché des cafés Lavazza grains et moulus dont il était jusque là le distributeur passer dans des conditions surprenantes dans les mains d'une autre société marocaine : Café Sahara. Sûr de disposer d'un mandat formel de la société italienne pour être l'unique distributeur de ses produits au Maroc, Mohamed Moutazakki porte plainte contre Cafés Sahara. Si l'affrontement a pris des proportions considérables, c'est parce que l'affaire met directement en cause plusieurs juges marocains. Condamné, en 2007, à trois ans de prison pour avoir possédé une forme de laisser-passer officiel auquel Mohamed Moutazakki, le PDG d'Italian Line, n'avait pas droit, il explique : «j'ai appris en sortant, un an plus tard, que le juge qui m'avait condamné n'était autre que le beau frère de l'un des administrateurs de la société Cafés Sahara, que le jugement n'était pas conforme et que mon incarcération avait pour but de m'éloigner le temps nécessaire pour que ma plante soit prescrite.» Le ministre de la Justice interpelé Depuis, qu'il est sorti, en 2008, Mohamed Moutazakki remue ciel et terre pour obtenir réparation et sollicite les soutiens de toutes parts. Avant le CNDH, il avait sollicité Nezha El Ouafi, député PJD au parlement marocain et ancienne MRE d'Italie. Le 7 février, le groupe PJD a demandé l'ouverture d'une enquête au ministre de la Justice sur la condamnation de M. Moutazakki, en 2007. «Nous avons déposé une motion avec tout le dossier associé pour demander l'ouverture d'une enquête. Un directeur au ministère de la Justice a reconnu devant nous qu'il avait été injustement condamné», souligne Nezha El Ouafi. Le PDG d'Italian Line a poursuivi ses requêtes. Auditionné par la Cour Suprême, en mai, sa plainte a également été transmise au ministère de la Justice et des Libertés. Fort de ces soutiens des plus hautes instances marocaines, Mohamed Moutazakki a porté plainte, le 10 mai 2012, contre le juge qui l'a condamné à 3 ans de prison en 2007. Le second front, l'affaire commerciale entre les deux sociétés marocaines pour la distribution du café Lavazza, reste également ouvert. Mohamed Moutazakki a porté à nouveau plainte contre Cafés Sahara, en 2008, puis, le 31 octobre 2011, contre un commissaire de police pour avoir «subtiliser les PV des témoignages de la clientèle en sa faveur». Le 14 juin 2012, enfin, il porte plainte contre le juge actuel de son affaire. «Il a repoussé trois fois les audiences parce qu'il refuse de verbaliser les témoignages en ma faveur», explique Mohamed Moutazakki. Pression de parlementaires italiens C'est sur cet aspect commercial que plusieurs acteurs italiens se mobilisent. «Nous aidons autant que nous pouvons notre ressortissante, Mme Giacomina Pensa, l'épouse de M. Moutazakki, dans cette affaire», explique le consul général d'Italie à Casablanca, Luca Attanasio. Le consulat suit l'affaire de près et envoie assister à chaque audience un personnel du consulat. «Nous suivons cette affaire avec le plus grand intérêt, elle est connue du ministère italien des Affaires étrangères, mais nous pouvons que faire sentir notre présence pour que la procédure se déroule correctement. M. Moutazakki est Marocain, au Maroc, et l'Italie ne peut pas intervenir plus avant. Cette affaire est du seul ressort de la justice marocaine», nuance le consul. De l'autre côté de la Méditerranée, son épouse, Giacomina Pensa a réussi à obtenir le secours d'un groupe parlementaire italien. Une interrogation parlementaire a été adressée, le 28 juin, par la Ligue du nord, un parti régionaliste de la droite voire de l'extrême droite italienne, au ministre marocain des Affaires étrangères pour obtenir des éclaircissements parce que les témoignages favorables ne sont pas verbalisés. «La réciprocité de l'administration de la justice marocaine est souhaitable compte tenue de la garantie de la reconnaissance des droits aux citoyens marocains présents en Italie», recommande Massimo Polledri, l'un des 59 députés de la Ligue du Nord. La prochaine audience durant laquelle doivent être verbalisés les témoignages de la clientèle favorables à Italian Line doit avoir lieu le 27 août. Le couple Moutazakki saura alors si toutes ses pressions auront porté leurs fruits.