Yabiladi s'est penché sur le commerce juteux des produits de beauté en ligne qui, derrière des labels et slogans bios et de qualités, proposent aux consommatrices des produits dont l'origine est souvent impossible à établir, très souvent sans respect des obligations légales et fiscales. Alors que le développement de la vente sur internet offre pour beaucoup d'acheteurs des perspectives d'obtenir facilement et rapidement des produits difficiles à trouver dans le commerce classique, certains entrepreneurs n'hésitent pas à jouer avec la légalité pour proposer, loin des contrôles de l'Etat et des services fiscaux, des produits aussi attractifs qu'incontrôlables. Un des principaux sites ayant attiré notre attention est la boutique en ligne devenue rapidement populaire LS Cosmetics qui propose tout type de produits, des savons aux colorations végétales et même des produits pour bébés. Mais si le site est bien construit et présente la plupart des informations attendues comme les frais de ports, une section contact et des questions fréquemment posées, les informations légales sont absentes. Ces informations ne sont pas anecdotiques puisque rien sur le site ne permet d'identifier les propriétaires du site ou la société derrière la «LSfamily». En effet, bien que l'article 29 de la loi sur la protection des consommateurs le prévoit, le client ne peut savoir quelle est l'entreprise responsable, ni son numéro d'identifiant commercial et fiscal, ou encore l'adresse postale. Moyennant quelques recherches et après avoir contacté la responsable du site, Yabiladi a pu vérifier que la société LS Cosmetics est bien inscrite à l'Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC), une SARL AU créée en juin 2021 avec un capital de 100 000 dirhams. Questionnée sur ses obligations relatives à l'article 29, la présidente directrice générale de LS Cosmetics a affirmé compter mettre le site internet en conformité prochainement. Une société aux pratiques particulières Yabiladi a réussi à rentrer en contact avec des clients du site et ceux-ci ont rapportés que lors de leurs commandes, ils n'ont pas obtenu de factures en bonne et due forme, pas plus qu'ils n'ont été soumis à des conditions générales de ventes. Le paiement se fait en principe à la livraison, et lorsqu'un client demande à payer immédiatement, ce sont les coordonnées bancaires personnelles de la gérante qui sont envoyées. Difficile dans ces conditions pour le fisc de tracer les transactions commerciales, et pour les clients de faire valoir leurs droits en cas d'incident. Une nouvelle forme de vendeurs à la sauvette ? Cette situation quoique critiquable n'est pourtant pas la plus problématique. Les réseaux sociaux tels que Facebook, WhatsApp ou plus fréquemment Instagram, se sont transformés en places pour vendeurs à la sauvette. Ainsi, on peut citer l'exemple du compte Natur'zyne dont la gérante va jusqu'à vendre ses confections sur son compte WhatsApp personnel, elle aussi recevant le paiement sur un compte bancaire à son propre nom. Un business qui est loin d'être anecdotique en termes de revenus financiers, les commerçants n'hésitant pas à recourir à des influenceuses pour vanter leurs produits sur les réseaux sociaux, telle qu'Asmaa El Arabi avec LS Cosmetics ou la diététicienne Ibn Khayat Salma avec Natur'zyne. D'autres comme AliCha Cosmetics tentent de mettre en place une image plus professionnelle pour proposer des produits aux origines non communiquées, derrière une marque introuvable à l'OMPIC. Si les entrepreneurs sont parfois facilement faciles à identifier derrière les marques, les responsables d'AliCha Cosmetics restent dissimulés et les images promotionnelles présentées par des montages graphiques. Le fait que de jeunes entrepreneuses s'affranchissent des obligations légales pour vendre des produits directement au consommateur comportent un risque bien plus grand que la «simple» fraude fiscale. Sans mention légale, ni contrôle sanitaire, les produits cosmétiques peuvent causer des dommages conséquents sans possibilité de recours. Pourtant, le cadre relatif à l'enregistrement des produits cosmétiques est aussi strict qu'indispensable eu égard des risques encourus pour les utilisateurs. LS Cosmetics a assuré que la demande d'enregistrement de ses produits était en cours et était confiante déclarant que tous provenaient d'un laboratoire certifié par la Direction des médicaments et de la pharmacie (DMP). Si elle prend la peine de faire les démarches nécessaires, la gérante reconnait que beaucoup de ses confrères et consœurs ne s'en donnent pas la peine. Selon elle, la DMP serait trop lente dans sa gestion des dossiers, presque inefficace. Et lorsque les entrepreneurs pensent être en conformité, des lois arrivent «tous les mois» pour ajouter de nouvelles contraintes, tente-t-elle de justifier. Le secteur de la cosmétique n'est pas le seul à attirer sur les réseaux sociaux des entrepreneurs ambitieux de développer par ces canaux non traditionnels le commerce de leurs produits. On peut trouver notamment des bijoux comme chez Kenza Klay ou des hijabs proposés par Señora. Derrière ces comptes à l'allure professionnelle, nous n'avons trouvé sur l'OMPIC aucune entreprise correspondante. Pour Kenza Klay, le site internet spécifie que le paiement se fait «par virement bancaire ou Paypal» et ne précise lui non plus les informations légales exigées par l'article 29.