Depuis presque deux années, les relations entre le Maroc et l'Allemagne sont devenues glaciales. Le roi Mohammed VI a pointé le jeu de l'Allemagne dans la région. Loin est encore le bout du tunnel vers une normalisation des relations entre le Maroc et l'Allemagne. C'est l'un des principaux enseignements à tirer du discours du roi Mohammed VI prononcé à l'occasion du 68e anniversaire de la Révolution et du peuple ce du 20 août. L'Allemagne n'est jamais citée nommément à l'instar de l'Espagne et la France, néanmoins des passages du discours ne laissent guère de doute sur le l'identité du destinataire des reproches du souverain. «Quelques pays, notamment des pays européens comptant, paradoxalement, parmi les partenaires traditionnels du Maroc, craignent pour leurs intérêts économiques, leurs marchés et leurs sphères d'influence dans la région maghrébine», a-t-il déploré. Et d'enchainer en constatant, avec étonnement, que «plutôt que d'appuyer les efforts du Maroc dans le cadre d'un équilibre souhaité entre les pays de la région, des rapports ont franchi toutes les limites de l'acceptable, allant jusqu'à recommander que soit freinée la dynamique de développement de notre pays, au motif captieux qu'elle crée une dissymétrie entre les Etats maghrébins». Le rapport de trop Mohammed VI se réfère probablement au rapport de l'Institut allemand des affaires internationales et de sécurité, un influent think-tank, comptant parmi ses fidèles clients : le gouvernement d'Angela Merkel et le Bundestag. Il a ainsi publié une étude, intitulée «Rivalités maghrébines sur l'Afrique subsaharienne : l'Algérie et la Tunisie cherchent à suivre les pas du Maroc.» Après avoir constaté que le royaume avance à un rythme qui laisse derrière lui ses deux voisins, l'Algérie et la Tunisie, l'Institut a recommandé à l'Union européenne de «considérer ces tendances comme une opportunité pour l'intégration africaine et la coopération triangulaire UE/Maghreb/Sub-Sahara. Cela pourrait contrecarrer le sentiment d'inutilité croissante de l'Algérie, renforcer l'économie tunisienne, relativiser les ambitions hégémoniques du Maroc et ainsi atténuer la dynamique négative de la rivalité». Dans ce contexte de crise entre Rabat et Berlin, le Maroc a rappelé, en mai dernier, pour consultation son ambassadrice en Allemagne pour protester, entre autres, contre l'«acharnement continu à combattre le rôle régional du Maroc, notamment sur le dossier libyen, en tentant d'écarter, indûment, le Royaume de certaines réunions régionales consacrées à ce dossier comme celle tenue à Berlin (en janvier 2020 sur la Libye, ndlr)», indiquait alors le ministère marocain des Affaires étrangères dans un communiqué. Signe de cette grave tension entre les deux pays, le rejet par Rabat d'une invitation du gouvernement Merkel pour prendre part à la conférence du 23 juin à Berlin sur la Lybie. Une semaine plus tard à Rome, le chef de la diplomatie, Nasser Bourita, a refusé de rencontrer son homologue allemand en marge d'une réunion de la Coalition internationale contre Daesh. Et contrairement à l'Espagne, la coopération sécuritaire entre le Maroc et l'Allemagne en a pâti. Une annonce faite le 26 mai par Haboub Cherkaoui, le directeur du Bureau central d'investigations judiciaires (BCIJ). Une évolution à l'espagnole est-elle envisageable ? Les prochains responsables allemands entendront-ils les messages du roi Mohammed VI ? L'Allemagne organisera des élections législatives le 26 septembre prochain. La chancelière Angela Merkel ne briguera pas un nouveau mandat.