Si le pays ambitionne de réaliser une indépendance énergétique en tablant sur les centrales à charbon, à gaz ou utilisant le fioul, la pollution atmosphérique liée à cette production d'énergie coûte au Maroc 18% de son PIB, selon une étude publiée récemment par deux chercheuses allemandes. En juin dernier, le Maroc a soumis sa nouvelle contribution déterminée au niveau national (CDN) au secrétariat exécutif de la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC). Avec une nouvelle ambition, le pays s'engage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 45,5 % d'ici 2030, dont 18,3 % est inconditionnel et réalisé sans appui de la coopération internationale. Mais si l'engagement du Maroc émane de sa détermination à lutter contre réchauffement climatique et s'orienter vers les énergies propres, la décision est également dictée par les coûts de santé résultant de la pollution de l'air. Dans une étude publiée la semaine dernière dans la revue «Renewable and Sustainable Energy Transition», Franziska Dettner et Marina Blohm, deux chercheuses de l'Université de Flensburg en Allemagne se sont intéressées au coût externe de la pollution atmosphérique liée à la production d'énergie au Maroc. Elles ont ainsi tenté d'estimer l'ampleur des coûts et d'améliorer ainsi la compréhension des conséquences profondes des combustibles fossiles. Leur étude, en ligne le 8 juillet, revient sur les centrales au charbon, à gaz ou au fioul implantées dans le royaume pour produire de l'électricité. Pour les deux chercheuses, «bien que le Maroc ait réalisé des progrès économiques indéniables et amélioré le niveau de vie moyen de la population, le pays fait face à des défis considérables pour répondre à l'augmentation attendue de la demande d'électricité dans les années à venir». Elles rappellent que le Maroc compte construire une nouvelle centrale au charbon à Nador d'ici 2023, d'une capacité de 1 320 MW et augmenter les capacités de la centrale de Jerada de 350 MW, d'ici 2022. «Le système actuel basé sur les combustibles fossiles émet des niveaux élevés de CO2 ainsi que d'autres polluants atmosphériques nocifs, provoquant un stress sur l'environnement à travers un réchauffement climatique accru et un stress sur la santé de la population locale.» Extrait de l'étude Inclure le coût de la pollution atmosphérique pour des politiques énergétiques cohérentes Les deux chercheuses ont calculé le coût externe de la pollution atmosphérique liée à la production d'énergie au Maroc pour 2015. Elles ont conclu que cette pollution coûte au Maroc environ 18 milliards d'euros (plus de 190 milliards de dirhams), soit 18 % du PIB marocain (967,5 milliards de DH). «Pour les trois centrales à charbon de Mohammadia, Jorf Lasfar et Jerada, une part importante des coûts externes résulte des émissions de particules ; plus de PM10 que PM2,5. Les deux centrales électriques au gaz naturel, Ain Beni Mathar et Tahaddart, ont des coûts externes comparativement bas, en raison de faibles niveaux d'émission», indique l'étude. «Les résultats mettent en évidence et confirment que les impacts sur la santé de l'exposition aux polluants atmosphériques liés à la production d'énergie sont un défi urgent au Maroc. Ignorer les coûts externes de la production d'énergie peut entraîner une défaillance du marché, car les décisions d'investissement et de politique dans la production d'énergie sont prises sans tenir compte de ce facteur de coût important.» Extrait de l'étude Les chercheuses ajoutent que «les coûts externes de la pollution atmosphérique peuvent être une partie de la réponse à la question de savoir combien nous devons dépenser pour la protection de l'environnement et la réduction des émissions de carbone». «Dans un environnement caractérisé par le réchauffement climatique, des progrès économiques rapides et une demande énergétique croissante, comme le Maroc, une évaluation des coûts de santé résultant de la pollution de l'air par la production d'énergie peut être utilisée comme argument pour convaincre les décideurs d'investir dans les énergies renouvelables», estime l'étude. Pour celle-ci, «sécurité énergétique accrue» et «une indépendance énergétique» peuvent rimer avec «réduction des coûts pour le système de santé» et «amélioration globale du niveau de vie en raison de la réduction des niveaux de pollution atmosphérique».