A 27 ans, Karim El Hayani est déjà un champion de course qui a tracé son chemin en Espagne, où il est arrivé seul à 11 ans. Installé désormais au Canada, il s'est fait connaître pour sa grande capacité à défier des conditions extrêmes de la nature en courrant pieds nus ou en sandales. Le 3 mars sous une température de moins dix degrés, le coureur marocain de 27 ans, Karim El Hayani, a battu pieds nus un record du monde en courant un semi-marathon (21,1 kilomètres), sur la patinoire naturelle du lac gelé de Beauport au Québec (Canada). En une heure, 37 minutes et 54 secondes, il a réussi à battre le précédent record établi par le Néerlandais Wim Hof, également connu sous le nom de «Snowman», qui a battu le record en 2007 après avoir couru pendant deux heures et six minutes. Le coureur maroco-espagnol a soumis une demande au Guinness World Records Book. Mais il faudra plusieurs semaines pour que son nom soit officiellement inclus dans la liste des records du monde. La route vers les titres et les records de Karim El Hayani n'a pas été facile. Le coureur a eu une enfance difficile, migrant seul à l'âge de 11 ans, avec un groupe d'autres mineurs en Espagne. De migrant en situation administrative irrégulière à recordman «J'ai grandi en voyant de nombreux jeunes hommes qui ont immigré en Europe et qui revenaient avec de nouvelles voitures, exhibant leur argent. L'idée de migrer a occupé mon esprit, jusqu'à ce que le bon moment vienne pour me cacher dans un camion, accompagné d'un nombre de jeunes de mon quartier», a confié ce natif de Tanger. A son arrivée sur l'autre rive, il a appelé sa famille, «qui ne connaissait pas [ses] projets». «C'étaient des moments difficiles, traumatisants, surtout pour ma mère», raconte-t-il. Karim El Hayani a voyagé d'Algésiras à Madrid, où il a cherché refuge auprès de la police, qui l'a emmené dans un centre pour mineurs migrants non accompagnés. «Là, j'ai été confronté à deux options, soit avoir le comportement qui permet de vivre dans de bonnes conditions, soit devenir un délinquant. Mais j'ai réussi le test et j'ai été transféré dans un centre appartenant à une famille espagnole qui hébergeait des enfants espagnols abandonnés ou dans une situation difficile. Là-bas, la vie était meilleure, nous recevions beaucoup d'attention et nous menions une vie normale.» Karim El Hayani Dans cette nouvelle maison, Karim a retrouvé la chaleur familiale qu'il avait laissée au Maroc, ce qui l'a aidé à retourner à l'école. A 14 ans, au hasard d'un tournoi scolaire, il révèle un grand talent de coureur, bien qu'il rêvait de devenir footballeur. Son école lui demande en effet de représenter l'établissement dans l'un des concours. Il accepte le défi et sans préparation, il se classe deuxième. Ses entraîneurs ont été surpris par sa victoire, d'autant plus qu'il a réussi à vaincre un coureur professionnel sans même s'entraîner. «Mon entraîneur a cru en mon talent et m'a invité à rejoindre l'un des meilleurs clubs d'Espagne. J'avais quatorze ans lorsque j'ai commencé la course professionnelle. J'ai remporté plusieurs médailles, ce qui m'a motivé et j'ai été sacré champion de Madrid à plusieurs reprises», déclare El Hayani. Le jeune coureur se distingue du reste des candidats qui avaient des vêtements de sport, alors qu'il portait des sandales et courait parfois pieds nus. Des plaines aux montagnes En 2013, Karim a décidé de passer de la course sur terrain plat à la course dans les montagnes. Il remporte des compétitions jusqu'à ce que son nom devienne célèbre en Espagne. Il a ensuite reçu une offre pour participer à la Coupe d'Espagne et a pu remporter le titre. Les grandes portes s'ouvrent à lui et il participe à des compétitions internationales. En 2015, il rejoint l'ultra-trail Javelina Jundred sur 100 km aux Etats-Unis, où il a de nouveau couru en sandales. «Je participe à des compétitions en sandales, car je m'y suis habitué depuis mon enfance au Maroc, et j'y suis plus à l'aise qu'avec des chaussures de sport.» Karim El Hayani Après son retour en Espagne, Karim a été obligé de quitter temporairement le monde de la course, à cause d'une blessure à la jambe. En 2016, il a décidé de retourner aux Etats-Unis, en quête d'une nouvelle vie où il se concentre sur sa santé. «C'était une période très difficile», se rappelle-t-il douloureusement. Mais l'ouragan est passé et Karim revient à la compétition en 2017, grâce au Coldwater Rumble Championship en Arizona. Il a été sacré champion, puis se rend au Canada et décide de s'y installer pour y travailler comme cuisinier dans un restaurant. «Je me suis éloigné de l'ambiance des compétitions officielles pendant environ 3 ans, mais sans rompre avec le sport», déclare l'athlète qui a décidé récemment de participer au semi-marathon sur neige sur le lac de Beauport. «C'était un défi pour moi, je n'avais jamais couru dans la neige. Avant de participer au semi-marathon, je m'entraînais seul dans la neige et je suis passé de la course de 5 minutes à 10 minutes, puis plus, jusqu'à ce que mes pieds s'y habituent.» Karim El Hayani Désormais, Karim se sent prêt à affronter de nouveau défis. Il décide de passer de la neige et le froid au sable et à la forte chaleur. En effet, il envisage de participer au marathon des Sables, qui sera organisé soit au Maroc, soit au Pérou. Il devra courir plus de 250 km, en compétition avec d'autres champions du monde. Article modifié le 2021/03/27 à 22h47