A partir de fossiles découverts dans le gisement préhistorique d'Ifri n'Ammar, deux chercheurs allemands concluent que des vautours appartenant à l'Ancien Monde ont vécu autrefois au Maroc. Les vestiges d'au moins trois espèces de grands vautours du Paléolithique (première et la plus longue période de la Préhistoire) découverts au Maroc constituent désormais «les premières preuves» que les vautours de l'Ancien Monde ont vécu dans le royaume, selon une nouvelle étude. Ces vestiges «peuvent être provisoirement référés aux deux espèces existantes Aegypius Monachus (Vautour moine) et Gyps Fulvus (Vautour fauve) et au Gyps Melitensis disparu», indique l'étude publiée la semaine dernière dans Paläontologische Zeitschrift (PalZ), revue scientifique trimestrielle de paléontologie à comité de lecture. Intitulée «First substantial evidence for Old World vultures (Aegypiinae, Accipitridae) from the early Palaeolithic and Iberomaurusian of Morocco», elle est rédigée par les chercheurs allemands Albrecht Manegold et Rainer Hutterer, qui se sont penchés sur des fossiles découverts dans le gisement préhistorique d'Ifri n'Ammar, situé dans la commune du Rif oriental d'Afsou, à environ 50 km au sud de la ville de Nador. Dans cette grotte, de fouilles archéologiques ont été menées entre 1997 et 2015 par des membres de l'Institut National des Sciences de l'Archéologie et du Patrimoine de Rabat (INSAP) et de la Commission d'Archéologie des Cultures non Européennes (KAAK, Bonn) de l'Institut Archéologique Allemand DAI. Les fossiles avaient alors été confondus avec d'autres espèces de rapaces. Les preuves d'une présence au Maroc Ils ont ainsi comparé les fossiles avec des spécimens ostéologiques existants de Gypaetinae et Aegypiinae, deux sous-familles de vautours de l'Ancien Monde, pour conclure que les vautours moines et fauves auraient «cohabité dans l'Ifri n'Ammar pendant plus de 2 000 ans». «La distribution moderne des vautours aegypiines au Maghreb a radicalement changé au cours de la première moitié du XXe siècle», font-ils remarqué. Un vantour Aegypius de la famille Aegypiinae. / DR Les deux chercheurs rappellent que si le vautour fauve était un oiseau nicheur commun au Maroc, en Algérie et en Tunisie avant son extinction locale depuis 1900, «la présence de Vautour moine durant le Pléistocène supérieur est particulièrement remarquable, car cette espèce ne se reproduisait pas dans la région du Maghreb». «Tous les restes ont été trouvés avec des objets humains dans un gisement de la grotte. Peu d'os présentent des égratignures longitudinales, qui sont probablement des marques de coupures, indiquant que les humains se sont servis de la chair, des plumes et/ou des os de ces vautours», précise l'étude. Ses rédacteurs mettent ainsi en avant le poids de cette découverte, rappelant qu'«aucune de ces espèces n'a été enregistrée auparavant pour le Pléistocène supérieur du Maghreb». «Les spécimens fossiles fournissent des preuves importantes de l'ancienne répartition des vautours de l'Ancien Monde dans cette région, qui est insuffisamment connue et qui a radicalement changé au cours du XXe siècle». Enfin, ils n'excluent pas que certains os découverts pourront appartenir à une quatrième famille ; l'Aegypius prepyrenaicus, vautour disparu de l'Ancien Monde qui existait dans ce qui est aujourd'hui l'Espagne pendant la période du Pléistocène moyen.