Le programme de recherche archéologique sur les premiers peuplements du littoral atlantique du Maroc, mené par des experts français et marocains, a remporté le 1er Prix Clio 2010 de l'Archéologie, décerné chaque année à Paris. Cette distinction a été remise aux lauréats, jeudi au musée du Louvre à Paris, à l'occasion du Salon international du patrimoine culturel qui se tient du 4 au 7 novembre. Composée de 13 chercheurs marocains et français pour la plupart des archéologues et paléontologues, la Mission préhistorique française au Maroc "littoral" a été primée pour son programme de recherches archéologiques dans la région du grand Casablanca. Conduite par l'archéologue français Jean-Paul Raynal (CNRS), l'équipe y fouille des sites uniques par leur richesse et a effectué des découvertes majeures pour la connaissance des premiers hominidés du Maghreb, de leurs environnements physiques et biologiques et de leurs répertoires techniques. Les archéologues marocains Fatima-Zorha Sbihi-Alaoui, Abderrahim Mohib, de l'Institut National des Sciences de l'Archéologie et du Patrimoine (INSAP), le géologue Mosshine El Graoui (INSAP) et la micropaléontologue Saida Hossini (Université Moulay Ismail, Meknès) font partie de cette mission. La mission a entrepris plusieurs chantiers de fouilles les sites préhistoriques anciens connus et nouvellement découverts à Casablanca et Dar Bou Azza: Grotte des Rhinocéros dans la carrière Oulad Hamida 1, Grotte des Ours et Cap Chatelier à Sidi Abderrahmane, gisement de plein air de Sidi Abderrahmane, carrière Thomas I, grotte Doukkala, grotte des Félins, Grotte des Gazelles, etc. Ces derniers ont livré des outillages du complexe Atéro-Moustérien et des faunes indiquant une grande aridité. La mission cherche à démontrer le rôle potentiel de l'Afrique dans les premiers peuplements européens. Le Maroc occupe une position-clé à l'extrémité nord-occidentale de l'Afrique du Nord pour explorer l'hypothèse de franchissements anciens du détroit de Gibraltar et leur rôle éventuel dans les premiers peuplements de l'Europe de l'Ouest. Pour les chercheurs, le Maroc reste tout à fait privilégié pour étudier les différents moments de l'évolution de l'Acheuléen africain, au plus loin de sa dispersion et de ses origines orientales. Le Maroc offre un registre remarquable d'hominidés pléistocènes, dont plusieurs ont été découverts dans les sites du Pléistocène moyen de Casablanca. Dar El Beida est internationalement connue depuis le siècle dernier pour son riche patrimoine préhistorique et sa séquence de dépôts "quaternaires" particulièrement développée. Le programme de recherche de la mission a permis la révision stratigraphique des localités classiques de Casablanca et la découverte de nouveaux et importants gisements paléontologiques dans les dépôts pliocènes et miocènes de la base de la séquence sédimentaire littorale, datée entre 2.4 et 6 millions d'années, permettant la caractérisation détaillée des associations fauniques et l'établissement d'une première échelle biostratigraphique régionale. Trente-et-une nouvelles espèces ont été identifiées dans cette région: dix chez les rongeurs, trois pour les chiroptères, quatre pour les oiseaux, onze pour les macromammifères herbivores et trois pour les carnivores. Le programme "Casablanca" a débuté en 1978 dans le cadre de la coopération entre le Maroc et la France, établie par le ministère de la Culture et poursuivie aujourd'hui par l'INSAP. Les opérations sont menées dans un contexte urbain où s'exerce une forte pression immobilière et les sites, même classés comme Sidi Abderrahmane-Cunette, subissent des agressions qui mettent en péril leur préservation à long terme. Les travaux de la mission sont soutenus par le ministère français des Affaires étrangères, le ministère marocain de la Culture, la région Aquitaine (France) et le Department of Human Evolution du Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology de Leipzig (Allemagne). Fondé en 1997 pour encourager la recherche archéologique française à l'étranger, le Prix Clio de l'Archéologie est décerné chaque année par un jury d'universitaires indépendants. Il est doté de 4 prix, dont un prix spécial du jury qui récompense l'ensemble de l'Âœuvre d'un archéologue.