Pour le think tank International Crisis Group (ICG), les hostilités récentes entre le Maroc et le Polisario «augurent d'une nouvelle escalade, en particulier en l'absence d'efforts internationaux pour calmer les esprits et inciter les parties à reprendre les pourparlers». Les puissances étrangères doivent prendre deux mesures essentielles pour la situation au Sahara occidental, a suggéré cette semaine le think tank International Crisis Group (ICG), basé à Bruxelles. Dans un rapport intitulé «L'heure du réengagement international au Sahara occidental», le groupe de réflexion estime ainsi que «la faible intensité du conflit du Sahara occidental ne doit pas être une cause d'inaction». «Le danger d'une escalade militaire majeure entre le Maroc et le Front Polisario est modeste, mais non négligeable. La stratégie de bombardement à distance du Polisario risque une frappe fortuite qui pourrait causer des pertes marocaines plus importantes que prévu, déclenchant à son tour des représailles sous la forme d'une offensive visant les bases arrière du Polisario», estime le rapport. Dans ce sens, ses rédacteurs disent croire qu'il «serait erroné de supposer que l'Algérie -qui soutient la stratégie militaire d'attrition du Polisario-, restera neutre». Nomination d'un nouvel émissaire onusien, «un début nécessaire» Rappelant qu'«Alger pourrait recourir à des transferts d'armes» en cas d'attaques fatales par exemple, bien qu'il «n'y ait aucune preuve de nouveaux transferts» qui pourraient améliorer les capacités des milices du mouvement séparatistes, le think tank met ainsi en garde contre des «implications régionales» que pourrait avoir cette décision. «La négligence internationale du conflit pourrait également avoir des implications à long terme pour la stabilité régionale. Sans solution diplomatique, les Sahraouis mécontents, en particulier les jeunes, pourraient forcer le Front Polisario à changer de tactique», ajoute la même source. Celle-ci n'écarte, dans ce sens, des frappes des installations militaires au Sahara sous contrôle marocain ou à l'intérieur du Maroc, au lieu de se limiter à des cibles le long de la berme de sable, comme c'est le cas pour le moment. «Une telle escalade déstabiliserait l'Afrique du Nord et le Sahel, avec des conséquences imprévisibles pour les intérêts américains et européens», explique-t-on. Ainsi, International Crisis Group estime que la nomination d'un envoyé spécial de l'ONU au Sahara occidental est «un début nécessaire». «Si le Maroc a imposé des conditions préalables à la nomination, les Etats-Unis et la France doivent pousser Rabat à les abandonner», ajoute le rapport, qui estime qu'«un envoyé pourrait être en mesure de négocier une désescalade temporaire qui ouvrirait la voie à des discussions sur une trêve», ce qui «permettrait la reprise des négociations Maroc-Polisario (avec la participation algérienne et mauritanienne) sur le statut de l'ensemble du territoire». Des actions de Washington, sans annuler sa reconnaissance Cependant, les rédacteurs du rapport estiment que cette approche ne fonctionnerait que si les Etats-Unis et le Conseil de sécurité de l'ONU «intensifient considérablement leurs efforts pour résoudre le conflit». En effet, l'ICG considère que «bien que certaines voix bipartites appellent à un revirement, l'administration Biden peut juger politiquement trop difficile d'annuler la reconnaissance par Trump de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental». Néanmoins, «elle pourrait rechercher des moyens de rassurer le Polisario» et convaincre ceux qui rejettent une trêve. Le rapport ajoute que Washington pourra notamment «revenir à son soutien antérieur aux mandats renouvelables tous les six mois de la MINURSO». Car, pour le think tank, «une trêve, soutenue par une approche révisée du Conseil de sécurité des Nations Unies face au conflit, pourrait inaugurer une nouvelle phase». Pour entériner cette proposition, l'ICG argue que «le mandat Horst Köhler, bien que tronqué, rappelle que la pression internationale constante des deux côtés peut faire bouger les choses». «Pour que cela se reproduise, l'administration Biden devra coordonner sa position de manière plus étroite et transparente avec les autres membres du groupe des amis du Sahara occidental, à savoir la France et la Russie, ainsi que l'Algérie», estiment les rédacteurs du rapport. «La négligence internationale du Sahara occidental, exacerbée par le manque d'intérêt des médias étrangers, risque d'aggraver les tensions militaires qui sont restées jusqu'à présent contenues. Le coût du report de l'action est difficile à estimer, mais la situation est instable et pourrait rapidement s'aggraver», concluent-ils.