La 5 e édition d'APSACO, l'une des conférences phares du Policy Center for the New South, s'est clôturée le 23 juin 2021 avec la présentation des « ISIS Files » et du Rapport annuel du Policy Center sur la géopolitique de l'Afrique. Les « ISIS Files », un rapport de l'Université George Washington, porte sur l'analyse et la présentation de 15 000 documents administratifs laissés par l'Etat islamique (EI) en Irak et collectés en 2016 et 2017 par Rukmini Callimachi, journaliste du New York Times. « Depuis l'adoption de la résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité, la sécurité des femmes reste menacée, a expliqué Mehdi Benomar, responsable du Département de la recherche en relations internationales du Policy Center. Les groupes terroristes se servent de la dynamique pour recruter, exploiter et dominer des populations au XXIe siècle. L'Etat islamique a instauré une bureaucratie massive en Irak et en Syrie, et les conséquences de ses actes vont se faire ressentir sur plusieurs générations à venir ». La vie des femmes sous le califat Devorah Margolin, Professeur adjoint à George Washington University, a retracé le travail collectif mené par des experts de l'extrémisme et la bibliothèque de l'Université pour analyser ces documents, qui reflètent une idéologie, une éducation, des services (dont l'immobilier) fournis par Isis. Elle a également évoqué le rapport qu'elle a tiré de cette analyse, intitulé « Les femmes sous l'Etat islamique : victimisation, soutien, collaboration et acquiescement », à paraître le 29 juin 2021, et qui reviendra sur le sort réservé aux femmes durant l'occupation brutale d'Isis. De son côté, Dina Hussein, responsable de la politique de contre-terrorisme pour Facebook, a livré un témoignage passionnant sur son activité. « Mon équipe et moi cherchons à retirer le contenu terroriste de Facebook tout en cherchant à comprendre, pour nous-mêmes ainsi que les autres sociétés de Tech, quelles sont les meilleures pratiques ». Facebook compte plus de 35 000 personnes œuvrant à la sûreté et la sécurité, sur lesquelles 10 % travaillent sur le terrorisme. « Nous demandons régulièrement à nos partenaires tels que George Washington University de nous donner des avis sur les tendances qu'ils perçoivent parmi les groupes terroristes, de manière à développer une intelligence artificielle capable de détecter le langage de ces groupes sur Internet, puis retirer les contenus. (…) Isis a vraiment cherché à se faire reconnaître en tant qu'Etat à part entière, capable de fournir des services à ses soi- disant citoyens ». El Mostafa Rezrazi, Senior Fellow au Policy Center for the New South, a rappelé que certains groupes extrémistes ont lancé en 2018 une stratégie dénommée « Observer l'observateur », qui passe par des groupes de gens lettrés, appartenant à l'élite, qui surveillent les inquiétudes des experts sur leurs activités. Le Rapport du PCNS sur la géopolitique de l'Afrique Présenté par Abdelhak Bassou, Senior Fellow du Policy Center for the New South, le Rapport sur la géopolitique de l'Afrique est marqué par « l'afro-réalisme » : « L'Afrique est décrite telle qu'elle est vue par des experts africains, avec une perspective africaine marquée par une ouverture d'esprit ». Le document, qui s'articule en cinq parties, repose sur la nécessité d'aller plus loin, a souligné Khalid Chegraoui, Senior Fellow : « Décoloniser l'histoire de l'Afrique et critiquer la suprématie occidentale n'est pas suffisant. Que faisons-nous, en tant qu'Africains ? L'objectif est d'élaborer un agenda qui nous soit propre ». Le rapport, qui contribue à décomplexer la relation Nord-Sud, se démarque des tendances médiatiques pour ne consacrer qu'un seul de ses cinq chapitres à la crise Covid. Il fait le point sur la situation région par région, et revient sur les motifs d'inquiétude liés à l'insurrection islamiste de Cabo Delgado au Mozambique et la situation dans le Sahel, en cherchant à proposer des solutions susceptibles d'éradiquer les causes du terrorisme. En conclusion, le Senior Fellow Rachid El Houdaigui a remercié les 40 intervenants à la 5 e édition de la conférence APSACO, qui ont permis d'axer les discussions sur « trois réalités africaines : la sous-représentation des femmes dans les organisations de défense et de sécurité ; les progrès faits vers l'application de la résolution 1325 du Conseil de sécurité, avec 30 plans d'action nationaux sur le continent ; l'impossibilité de fournir des solutions clé en main pour que les pays puissent appliquer leurs plans d'action, en raison de la grande disparité des situations dans chaque pays ».