La semaine dernière, nous avons suivi l'affaire de la femme d'affaires Hind Achchabi qui a été condamnée à trois ans de prison ferme pour adultère, puis après cela, l'histoire des deux mineures qui ont été déférées devant la justice par leurs propres familles, pour s'être embrassées… Je m'interroge, donc : si Hind Achchabi avait été violée et violentée sur son lit conjugal (oui, le lit conjugal car dans tous les pays civilisés un mari ne peut contraindre sa femme à faire l'amour), la justice s'en serait-elle autant mêlée ? La société en aurait-elle été aussi intéressée ? (commentaires sous toute réserve de l'affaire de Hind Achchabi, dans ses détails intimes, si complexes). Si les deux filles mineures avaient échangé des coups au lieu de baisers, leurs deux pères en seraient-ils arrivés au tribunal pour les punir ? Si l'une d'elles avait été mariée, mineure donc, et qu'elle eût été exposée à des violences conjugales, les deux géniteurs n'auraient-ils pas tenté de calmer les choses pour éviter le « scandale » du divorce ? Cela ne montre-t-il pas que nos principes d'honneur et notre système de valeurs sont dévoyés ? Nous considérons les relations sexuelles librement consenties comme une menace pesant sur nos valeurs, mais nous nous taisons face aux cas de viols, conjugaux ou non… Nous défendons l'idée de condamner, juger et embastiller une femme accusée d'adultère mais nous tenons la demande de divorce (divorce et non incarcération de son époux) d'une femme trompée comme abusive et excessive. Dans les contrées civilisées, en cas d'adultère, les lois garantissent aux deux conjoints leurs droits civils… mais la relation adultérine n'est pas condamnable en elle-même. Le Code pénal ne prévoit pas l'incarcération d'un conjoint qui n'aurait pas respecté les termes de son contrat de mariage. Mais, sous nos cieux, il semblerait que des relations sexuelles librement consenties menacent la sécurité des citoyens, plus, bien plus que le vol, le viol, la violence et autres actes pédophiles. Voici quelques mois, nous avions vécu l'histoire des deux hommes accusés d'homosexualité à Beni Mellal, qui avaient été agressés dans leur domicile… La justice les avait condamnés à de la prison avec sursis, contrairement à leurs agresseurs qui s'étaient introduits par effraction dans l'appartement où ils se trouvaient, bien que cet acte soit illégal. Quel est donc le plus dangereux ? L'homosexualité ou la violation d'un domicile privé ? Des relations sexuelles entre adultes consentants ou la violence ? Pour combien de temps encore nos autorités s'intéresseront-elles aux corps de nos adultes et de leurs envies et pulsions sexuelles, tout en détournant les yeux des actes de viol, des pratiques pédophiles et des maris violents et violeurs ? Est-il sain, est-il naturel, est-il normal que l'Etat s'immisce dans la vie intime des gens ? Et puis, sur le plan social, le fait de légaliser les relations sexuelles entre adultes consentants et l'homosexualité oblige-t-il en quelque façon que ce soit les gens à adopter ces pratiques si cela ne leur convient pas ? Rien ne pourra conduire un hétérosexuel à devenir homosexuel, parce que cela est légal. De la même façon que criminaliser l'homosexualité ne changera en rien les instincts de ceux qui s'y inscrivent (car cette tendance n'est pas un choix, mais ceci est une autre question dont on doit prendre conscience). Et rien ne saurait inciter une personne désirant attendre d'être mariée avant de découvrir son corps à entretenir une relation sexuelle hors mariage. Et bien évidemment, le fait que ces relations hors mariage et consenties soient interdites ne les empêche en aucune manière que ce soit. La seule différence est que tout cela est entouré d'un halo de peur et d'hypocrisie, de mensonge et de faux-fuyants. Mais si on révise le corpus juridique en la matière, nous obtiendrons nécessairement une société plus mature où chaque individu assumerait les conséquences de ses choix, ne se dissimulerait plus pour des choses naturelles, et vivrait en toute liberté. Redisons-le une fois encore, une fois de plus : des relations sexuelles entre adultes consentants ne représentent aucun danger, ni menace pour la société. Mais ancrer une ambivalence judiciaire et sociétale est en revanche périlleux.