Avec le lancement de la campagne « Zéro Mika » et les préparations pour accueillir la COP22 en novembre prochain, le Maroc accepte de débarrasser l'Italie de 2.500 tonnes de déchets à l'issue d'un appel d'offre international lancé par ce pays. Hakima El Haité, ministre déléguée chargée de l'environnement, affirme que ces déchets ne sont pas dangereux. Le ministère se défend En effet, suite à la vague d'indignation qu'a suscitée cette affaire, le département de la ministre a précisé dans un communiqué qu'il «n'a autorisé l'importation que des déchets type «RDF» qui sont des déchets non dangereux utilisés en tant que combustibles de substitution à l'énergie fossile classique dans les fours de cimenteries à l'échelle internationale ». Cette opération est conforme aux « dispositions de la loi 28-00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination et ses textes d'application et de celles de la Convention de Bâle ». Cette dernière, adoptée par le Maroc en 1995, contrôle les mouvements transfrontières des déchets dangereux afin d'éviter leur transfert des pays développés vers les pays en développement. Suite à cette convention, le Maroc ne devrait-il donc pas refuser d'importer les déchets d'un pays développé comme l'Italie ? Le communiqué souligne que cette opération s'inscrit « dans le cadre de la convention de partenariat établie entre ce ministère et l'Association professionnelle des cimentiers. Cette convention fixe les mesures et les conditions d'importation de ce type de déchets et leur utilisation comme combustibles dérivés au niveau des fours des cimenteries équipées de filtres et d'appareils de mesures des émissions atmosphériques ». L'usage des déchets comme substitut énergétique permet à l'Etat de faire beaucoup d'économies. Pourquoi donc l'Italie n'a pas tiré profit de ses déchets en les incinérant dans ses propres cimenteries ? Selon le ministère de l'Environnement, l'importation des déchets s'est opérée sous le contrôle et le suivi des autorités marocaines et italiennes qui ont veillé à sa conformité aux normes et lois, par « des analyses effectuées avant et après l'entrée des déchets sur le territoire national ». Reste à savoir quels ont été les résultats. La co-incinération se fera en présence de la police de l'environnement et du laboratoire national de l'environnement. En fin du communiqué, le ministère assure qu'il «veille rigoureusement à la préservation de l'environnement et à la protection de la santé des populations par la prise de mesures préventives contre toutes les formes de pollution et ce dans l'objectif d'assurer un développement durable du pays ». Interdire les sacs en plastique, puis importer 2.500 tonnes de déchets est-il une manière de prévenir la pollution ? On peut légitimement en douter. Toxiques ou non toxiques ? Selon des médias italiens, ces déchets proviendraient d'une célèbre décharge dans la Campanie à Naples, la « Taverna Del Re », qui avait allumé depuis une vingtaine d'années plus d'un débat au sujet de sa toxicité. Les industriels européens enfouiraient illégalement leurs déchets classés dangereux sous la terre napolitaine avec l'aide de la mafia locale « Camorra ». En mai 2016, Le président de la région de Campanie fêtait déjà le transfert de « sa décharge », auquel il a consacré 118 millions d'euros, sans pour autant citer sa destination. Au début des années 2000, à l'issue d'une série de rapports concernant la falsification de documents relatifs à la destruction des déchets de la « Taverna Del Re », la justice italienne a découvert qu'elle contenait des produits chimiques hautement toxiques jugés fatals pour la santé et l'environnement, dissimulés dans les déchets domestiques. Autre point au passif du ministère marocain de l'Environnement, un rapport juridique publié en 2013 qui a refait surface en mars dernier grâce au journal « Il Fatto Quotidiano », révélant que l'accumulation de ces déchets depuis l'an 2007 et leurs composantes toxiques comme les métaux aggravent la situation. L'Italie a donc échoué dans la gestion de ses déchets, et a ainsi été condamnée à 20 millions d'euros en 2015, en plus d'astreintes journalières de 120.000 euros. La communauté marocaine en mouvement Une pétition a été mise en ligne le vendredi 1er juillet et a été signée par près de 11.000 personnes. Elle appelle à la mobilisation contre le contrat d'importation des déchets pour éviter les conséquences désastreuses sur la santé et l'environnement qui en découleraient. D'autre part, le groupe socialiste à la Chambre des représentants a adressé une question orale au chef du gouvernement Abdelilah Benkirane dans laquelle il a demandé des clarifications sur la position du gouvernement qui, dans un premier temps, interdit les sacs en plastiques pour protéger l'environnement et qui, dans un second temps, importe des déchets nuisibles à ce même environnement. On attend donc la réaction du gouvernement marocain : mettra-t-il fin à cet accord signé par le ministère de l'Environnement ? Sinon, fournira-t-il des preuves concrètes, et si possible convaincantes, sur la non toxicité des déchets importés ?