Samedi dernier, le roi fêtait son anniversaire et le plus étrange est que personne ne s'en est aperçu ni préoccupé… à commencer par lui-même ! Le roi ne s'est pas autocélébré ce jour-là bien que les gens qui connaissaient la date de son 48ème anniversaire ont dû penser qu'il l'avait quand même fait. Il ne doit pas exister un seul monarque au monde qui, comme celui-là, se réveille le jour de son anniversaire en maugréant contre le fait que cette date se répète chaque année. Et même s'il avait décidé de préparer un gâteau, il l'aurait orné non de bougies marquant son âge mais de bougies dénombrant le nombre de problèmes qu'il a à affronter. Le jour anniversaire du roi Felipe VI d'Espagne est tombé donc à une période où l'Espagne ne parvient pas à former un gouvernement, un mois et demi après les élections législatives du 20 décembre 2015. C'est la première fois que cela se passe ainsi à l'ère de la démocratie en Espagne, et cela fait de très nombreuses années que ce pays n'a pas connu une telle crise. La raison ? La fin de la polarisation de la scène politique entre Parti populaire et Parti socialiste ouvrier espagnol, ou PSOE. Il est également fort probable qu'un autre fait inédit se produise pour le roi Felipe VI, et qu'il doive se résigner à vivre une nouvelle élection générale, 45 jours seulement après la précédente, pour clarifier les choses et apporter un peu plus de lisibilité et de visibilité à la politique dans le pays en endiguant l'extension de cette étrange créature qu'est le parti Podemos, sorti d'on ne sait où. Et puis, quelques jours aussi avant l'anniversaire de Felipe VI, il avait encore connu une mauvaise fortune à travers un épisode que pas une monarchie européenne, voire dans le monde, n'avait eu à connaître avant lui. En effet… la descendante des Bourbons, Cristina, sœur de roi (Felipe VI) et fille de roi (Juan Carlos 1er), comparaissait devant un juge comme le commun des mortels et des Espagnols. Le juge lui a lu les accusations qui pesaient sur elle, en l'occurrence son enrichissement illicite à elle et son mari, cet ancien joueur de hand-ball. Les deux époux sont poursuivis pour détournement à leur profit des aides et subventions versées à une association caritative dont ils avaient la charge, agissant comme s'ils se trouvaient dans la plus vulgaire des républiques bananières. En Espagne, personne ne pouvait rien pour la princesse et son indélicat époux. Même le roi, son frère, a affirmé sa confiance dans la justice de son pays ; et l'ancien roi, son père, celui qui a abdiqué, assistait à tout cela en n'en pouvant mais… au Royaume d'Espagne, la loi est au-dessus de tous, têtes couronnées comprises. Dans un lointain passé, le roi Felipe VI, alors prince héritier, fêtait son anniversaire à l'abri des regards. Mais une fois avoir accédé au Trône des Bourbons, et alors qu'il en est à se seconde année de règne, il s'en est abstenu. Pas de festivités privées, et encore moins officielles, pas plus que des photos le montrant festoyant. Il a mangé, seul, son gâteau car les Espagnols n'ont qu'une idée en tête, celle de se sortir de leur crise économique étouffante, qui les a étouffés. Dans ces conditions, la moindre erreur du roi pourrait lui coûter cher, comme cela est arrivé à son père. En ce jour anniversaire, Felipe VI a dû avoir bien des pensées pour son père « destitué », Juan Carlos, qui avait abandonné son peuple englué dans la fange de la crise et s'en était allé chasser l'éléphant, au prix de 40.000 $ l'escapade. Mais la chose a bruité et le roi avait été pris en faute, comme cet enfant qui chaparde du chocolat en en gardant sur la bouche… Alors Juan Carlos 1er avait dû battre sa coulpe et, contrit, était venu à la télé s'excuser et promettre qu'on ne l'y reprendrait plus… puis, quelques mois après, il avait abdiqué car, dans son pays, royauté et légèreté ne riment pas du tout ! Le roi fête donc, cette année, son anniversaire alors même que son pays est au bord de l'éclatement. Les indépendantistes catalans n'ont en effet jamais été aussi forts et n'ont jamais non plus été plus attachés à leur indépendance qu'aujourd'hui. Comment donc Felipe VI pouvait-il au demeurant fêter son anniversaire alors qu'il est déclaré persona non grata en Catalogne. Et que fera-t-il alors ? Il ira très certainement en visite à Ceuta et Melilla pour laver l'affront catalan. Au Royaume d'Espagne, en effet, à chaque crise interne, les dirigeants, rois et chefs de gouvernements, viennent dans les deux villes occupées pour créer une sorte d'unanimité nationale contre le péril marocain ! Il n'est pas vraiment étonnant que tous ces malheurs s'abattent sur le roi Felipe alors qu'il n'en est encore qu'au tout début de son règne. La famille des Bourbons en a connu des malheurs, en effet, et depuis longtemps… L'ancien roi Juan Carlos, qui était monté sur son trône à la mort du dictateur le Généralissime Francisco Franco, avait enchaîné les esclandres dont il avait fait ensuite des scandales, allant de ses amours interdites à la chasse à l'éléphant, passant par ses amitiés sulfureuses avec des gens peu recommandables, tout cela à un temps où des Espagnols mettent fin à leurs vies pour cause de crise et où d'autres, des dizaines de milliers d'autres, vont ailleurs que chez eux pour y trouver pitance…comme dans les années 30 été 40 du siècle dernier. En ce jour d'anniversaire de Felipe VI, donc, celui-ci a compris qu'il avait besoin du peuple bien plus que le peuple n'avait besoin de lui.