Sur les six derniers mois, 5 ministres ont quitté le gouvernement, pour raisons diverses : Abdallah Baha, ministre d'Etat, est mort dans les conditions qu'on sait, Mohamed Ouzzine (Jeunesse et Sports) a « démissionné » pour cause de scandale du Complexe Moulay Abdallah à Rabat en plein Mondial des Clubs, Abdeladim el Gherrouj (Education nationale) est parti pour avoir acheté des chocolats pour chez lui et les avoir fait régler par son ministère, et le « couple » gouvernemental Habib Choubani (Relations avec le parlement) et Soumaia Benkhaldoune (Enseignement supérieur) ont été contraints également à « démissionner » pour idylle mal perçue par le Maroc d'en bas et d'en haut aussi, semblerait-il. Le PJD connaît déjà les noms des ministrables, mais observe un mutisme plus que strict. Rien ne filtre, personne ne parle, tout le monde attend. Les noms sont déjà au cabinet royal, le roi ayant demandé la semaine dernière au chef du gouvernement de lui transmettre les noms des ministrables. Et une demande royale, en notre pays, sonne comme un ordre. La procédure de nomination au sein du PJD se fait par une commission de 50 membres, selon une procédure complexe, faisant intervenir les membres du Conseil national, lesquels proposent chacun 5 noms pour le gouvernement. Ensuite, c'est la commission qui tranche sur les noms qui reviennent le plus souvent, mais, en cas de conflit ou de débat sur un nom, le secrétaire générale et par ailleurs chef du gouvernement Abdelilah Benkirane a le dernier mot. C'est ce qui s'est souvent passé d'ailleurs ; la démocratie au PJD est une chose réelle, participative, mais le SG est lui aussi bien plus que réel… Plusieurs scénarios sont envisagés pour le mouvement de chaises musicales qui se dessine, détaillées ci-dessous par ordre décroissant de plausibilité. Pour autant, iIl est fortement envisageable que les deux ministères délégués de Guerrouj et de Benkhaldoune ne soient pas reconduits dans le Benkirane III. En effet, ces deux portefeuilles avaient été créés spécialement pour y caser les deux partants. Et donc, les scénarios sont relativement nombreux et ce qui confirme cela est le mutisme observé et qui signifie que c'est finalement au roi de trancher les enjeux stratégiques de l'une ou l'autre des options ci-dessous. 1/ Trois désignations : Dans ce cas de figure, seuls les deux ministères pleins (Jeunesse et Sports, Relations avec le parlement) seraient concernés par ce qui serait alors un mini-remaniement. On donne pour cela deux noms pour remplacer Habib Choubani, à savoir Abdelali Hamieddine, théoricien islamiste, universitaire, et successeur de Ramid au Forum de la dignité. Il y a ensuite Saadeddine Elotmani, qui commence à être plutôt remuant à l'extérieur du gouvernement, agissant de plus en qualité de président du Conseil national du PJD et sillonnant le pays. Rien de mieux que de l'occuper aux relations avec le parlement. Et puis, mettre un psychiatre face à Chabat et à Lachgar ne serait pas forcément une idée de fou… Quant à Ouzzine, il serait remplacé par un cadre de son parti, le MP. Six profils sont évoqués, mais des noms inconnus du grand public. 2/ Trois désignations et des chaises musicales, 1 Dans ce scénario, on garderait le scénario 1, en l'enrichissant d'un mouvement de chaises musicales. Dans cette configuration, on pourrait placer Mustapha Ramid à la fonction de ministre d'Etat, mais son successeur reste inconnu (peut-être Elotmani). Cette option reste tout de même peu probable car, en plus d'être le seul ministre PJD décoré par le roi alors qu'il est en fonction, Ramid conduit une réforme du Code pénal et du système judiciaire. Cela étant, on pourrait penser que, précisément, parce qu'il conduit ces deux importantes réformes, il serait mieux à la présidence du gouvernement, pour y occuper le ministère d'Etat, lui qui entretient de bonnes relations avec Benkirane. Quant aux réformes, elles seraient récupérées par un technocrate, c'est-à-dire un homme du palais. Le cas d'Ouzzine demeure inchangé, remplacement d'un ministre MP partant par un autre. 3/ Trois désignations et des chaises musicales, 2 Ce serait le même cas de figure que le 2, sauf que cette fois-ci, ce ne serait pas le ministère régalien de la Justice qui connaîtrait un changement à sa tête, mais celui des Affaires étrangères. Dans ce cas, on donnerait l'actuel titulaire du poste, Salaheddine Mezouar, partant vers le ministère d'Etat, mais pas en raison de l'amitié avec Benkirane. Non, en effet, les deux hommes sont alliés, pas amis, et Mezouar irait au ministère d'Etat pour lui maintenir prestige et fonction au gouvernement, et garder le RNI aux affaires. Et si Mezouar s'en va des AE, il y serait remplacé alors, vraisemblablement, par son propre prédécesseur, Elotmani, qui reviendrait à la tête de la diplomatie maintenant qu'il a pris de la bouteille, qu'il a appris de ses erreurs passées et que les relations du Maroc avec les pays du Golfe ont connu un net raffermissement. Le cas d'Ouzzine resterait là encore le même. 4/ Arrivée plus soutenue de technocrates Ce serait la surprise, avec l'arrivée de technocrates aussi bien à la Justice pour parfaire, et « sécuriser », le travail abattu par Ramid, qu'aux Affaires étrangères, pour reprendre ce département encore plus réservé que jamais au roi qui s'y investit de plus en plus. La diplomatie se retrouverait donc, encore une fois, relevant directement du palais. C'est déjà le cas, mais cela serait cette fois personnalisé. Dans ce cas-là, Ramid remplacerait Baha et Elotmani resterait au parti, en dehors du gouvernement. Quant à Mezouar, il pourrait soit reprendre les Finances – au grand dam de Boussaïd – soit devenir ministre d'Etat. Cela en ferait deux mais dans les gouvernements marocains, quand on joue les équilibristes, on ne compte pas… Mais tout ce qui précède ne reste que scénarios, et c'est finalement le roi qui, encore une fois, tranchera au mieux des intérêts du palais, puis des partis.