Alors que le compte à rebours commence pour le vote décisif du parlement britannique sur l'accord de sortie du Royaume Uni du bloc européen, le nœud de ficelle se serre davantage autour du 10 Downing street. A moins d'une semaine de la décision politique qui déterminera l'avenir de cet Etat insulaire doté d'une économie ayant toujours bien tracé ses liens et ses distances avec l'Europe, rafler le vote de la majorité s'avère un pari difficile pour la première ministre qui fait face désormais à une situation politique plus que jamais empreinte de doutes, avec un avenir économique incertain et des alliés politiques qui démissionnent en cascade. A cela s'ajoute un rapport de la Banque nationale d'Angleterre, qui prédit des résultats catastrophiques en cas d'un Brexit sans accord et estime que l'économie britannique subira de lourdes conséquences, « quelques soient les scénarios de sortie de l'Union européenne ». Rendu public mercredi par le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney, ce rapport annonce « les pires scénarios » en cas d'un Brexit sans accord, et assure que cela mènera le pays vers « une crise économique jamais connue depuis 2008 ». « Ce scénario noir » pour reprendre l'expression de M. Carney, conduirait le PIB à une chute de 8% d'ici 2024 et ferait perdre à la livre sterling un quart de sa valeur. Il provoquerait également un plongeon de 30 % des prix de l'immobiliser et une montée en flèche du taux de chômage à 7,5 % et de l'inflation à 6,5 %. En outre, un autre défi surgit pour rendre la tache plus dure à la première ministre. Celle-ci est accusée de censurer l'avis juridique publié par le Conseil d'Etat sur le projet de loi anticipant un « hard Brexit », et la presse britannique en ranime le feu. « Theresa May défiera le Parlement en empêchant la publication de l'avis juridique complet sur l'accord du Brexit », écrit The Daily Telegraph dans son numéro de vendredi. « Des spécialistes du Brexit ont indiqué que la première ministre refusait de révéler cet avis, car il montrerait que son cabinet a été prévenu que l'accord sur le Brexit laissera le Royaume Uni coincé dans une union douanière », ajoute la publication. Et ce n'est pas encore fini. A tout cela s'ajoute la réaction du président Donald Trump qui n'a pas manqué de rajouter son grain de sel, en signalant que l'accord conclu entre Londres et Bruxelles sonnait comme un » bon plan pour l'UE », mais ne l'est pas vraiment pour le Royaume Uni. « Donald Trump a porté un coup dur aux espoirs de Theresa May de faire passer son accord au Parlement », estime le quotidien The Guardian, affirmant que le président américain a confirmé que ce texte « empêcherait le Royaume-Uni de développer ses échanges commerciaux avec Washington ». → Lire aussi : Brexit : une nouvelle démission dans le gouvernement de Theresa May Son confrère « The Daily Mail » commente que « le président américain a jeté les bottes sur Theresa May » en lui « suggérant d'apporter des amendements à son accord » pour protéger les échanges britano-américains, avertissant que « sa déclaration typiquement provocatrice, risque d'affaiblir la position de May » qui mène un combat de longue haleine pour convaincre le parlement britannique que cet accord « est la seule et unique solution possible ». La première ministre, qui rentre de Buenos Aires, après avoir tenté de vendre son accord auprès des chefs d'Etat réunis au G20, avait aussi une affaire à conclure en Argentine : réaffirmer la revendication de la Grande Bretagne sur les îles Malouines, un souci de plus pour la Première ministre plongée dans les affres du Brexit. En effet, durant son absence du Royaume Uni, la presse ne cesse de spéculer que le plan de May sur le Brexit tomberait à l'eau éventuellement le 11 décembre, date tant attendue du vote du parlement britannique, en faisant observer que la démission du ministre de la science et des universités et membre du parti conservateur britannique, Sam Gyimah, apporte un nouveau coup dur à la position de May. Gyimah, qui entendait par sa démission marquer sa désapprobation de l'accord sur le Brexit, a déclaré dans une interview accordée, samedi, à la chaîne « ITV News » qu »il ne pourrait pas voir Theresa May conduire la Grande Bretagne vers un second référendum », ajoutant que si le parlement approuvera cet accord, le Royaume Uni « se retrouvera plus pauvre, plus faible et moins sécurisé ». Le député conservateur qui avait défendu le maintien du Royaume Uni au sein de l'Union européenne lors du référendum de juin 2016 est le sixième des ministres britanniques à avoir quitté son poste depuis le début des négociations sur l'accord de divorce entre Londres et Bruxelles. En effet, le départ en masse des « Brexiters » du navire de Theresa May est la goutte qui fera certainement déborder le vase, selon la presse britannique. D'abord Steve Baker, sous-secrétaire d'Etat britannique chargé du Brexit, puis Boris Johnson, ministre des Affaires étrangères, et ensuite David Davis, partisan de la première heure du Brexit. Dans sa lettre de démission publiée, juillet dernier par The Guardian, David Davis avait expliqué son refus de paraître dans la position d' »un conscrit réticent » au plan sur le Brexit. Surnommés les « trois Brexiters », David Davis, Boris Johnson et le ministre du commerce Liam Fox, qui a aussi « claqué la porte » du gouvernement, représentaient des voix de soutien importantes au sein du cabinet de Theresa May, qui demeure déterminée à défendre son plan sur le Brexit en dépit de toutes les pressions subies. Or, bien que le 10 Downing street multiplie les tentatives pour récolter le maximum de soutien à son plan, notamment à travers une visite entamée, mardi dernier, en Irlande du Nord et une tournée à travers le Royaume-Uni pour recueillir l'appui de la population, parvenir à convaincre les députés britanniques très sceptiques à voter sur son accord semble être un défi dur à relever par la première ministre. Elle ne dispose en effet que d'une courte majorité à la chambre des Communes, alors que son allié nord-irlandais, le parti unioniste DUP, s'oppose à l'accord au même titre que les 80 députés conservateurs favorables à un "Hard Brexit », à savoir les travaillistes, les europhiles du parti libéral-démocrate et les députés écossais indépendantistes. Pourtant, plus déterminée que jamais, Mme May ne veut pas faire de retour en arrière. Elle commence déjà à discuter lors du G20 d'éventuelles opportunités d'échanges commerciaux après le Brexit, avec des partenaires privilégiés, dont le Canada, le Japon, le Chili et l'Australie.