Le Maroc se trouve à un tournant décisif, alors que les défis économiques et sociaux s'accumulent, fragilisant la stabilité du pays. En première ligne, la corruption et l'instabilité économique pèsent lourdement sur l'action du gouvernement. Un récent rapport de l'Observatoire du travail gouvernemental et du Centre Hayat dresse un tableau peu reluisant de la situation, soulignant l'impact de la corruption sur l'économie nationale. Au Maroc, le coût annuel de la corruption dépasse les 50 milliards de dirhams, un chiffre qui souligne à lui seul l'ampleur du problème économique et par ricochet social. Mais au-delà des chiffres, ce sont les répercussions profondes sur la croissance économique, la confiance publique et les services sociaux qui préoccupent. La corruption au Maroc affecte presque tous les secteurs, du plus petit fonctionnaire aux grandes entreprises, et ses effets sont vastes et profonds. Les ressources publiques, qui devraient être investies dans des projets de développement, sont souvent détournées, affaiblissant ainsi les capacités de l'Etat à fournir des services essentiels tels que l'éducation, la santé ou les infrastructures. Cet état de fait mine également la compétitivité du Maroc sur la scène internationale, en décourageant les investisseurs étrangers qui voient dans cette pratique une instabilité juridique et un manque de transparence. En outre, la corruption conduit à une mauvaise répartition des ressources, exacerbe les inégalités sociales et territoriales, et favorise un environnement où les réseaux de favoritisme et de clientélisme prédominent. Ces pratiques nuisent au développement économique à long terme, car elles freinent l'innovation, découragent l'entrepreneuriat et créent une distorsion dans les marchés publics. Lire aussi : Antidumping : Le Maroc renforce ses mesures de protectionnisme économique Confronté à cette situation, le gouvernement peine à mettre en œuvre des politiques capables de stimuler une croissance durable. Les dépenses publiques continuent d'augmenter, en grande partie pour financer des projets de développement ambitieux visant à assurer la stabilité sociale. Toutefois, ces investissements, couplés à une pression croissante pour maintenir un équilibre budgétaire, mettent les finances publiques sous tension. Malgré les tentatives d'augmenter les recettes fiscales, la mise en place de ces mesures doit se faire de manière délicate, sous peine d'affaiblir encore davantage la classe moyenne, déjà sous pression à cause de la hausse du coût de la vie. L'ambitieux programme de protection sociale du gouvernement serait, lui aussi, en difficulté, selon plusieurs observateur, mais aussi de l'opposition. Alors que la participation à ce programme est encore trop faible, les réformes mises en place avancent lentement, et la viabilité du système de retraite est sérieusement menacée. En l'absence de réformes profondes, celui-ci risque de s'effondrer, mettant en péril la sécurité des retraités actuels et futurs. D'ailleurs ces derniers ont récemment rappelé le gouvernement Quid de la crise énergétique et hydrique ? Le Maroc doit également relever deux défis majeurs sur le plan des ressources naturelles : la gestion de l'énergie et de l'eau. Le pays a entamé une transition vers les énergies renouvelables dans l'espoir de réduire sa dépendance aux combustibles fossiles. Cette démarche, bien que prometteuse, nécessite des investissements colossaux et des avancées technologiques substantielles. À cela s'ajoute une autre crise tout aussi alarmante : celle de l'eau. Les effets du changement climatique, combinés à une gestion peu efficace de la consommation, ont entraîné une raréfaction des ressources hydriques. Cette situation menace l'agriculture, qui est l'un des piliers de l'économie marocaine, et contribue à l'exacerbation des tensions sociales, notamment dans les zones rurales. Le chômage des jeunes et l'agitation sociale Par ailleurs, le chômage reste un problème structurel de grande ampleur, particulièrement chez les jeunes. Malgré les divers plans d'emploi mis en place par le gouvernement, les résultats se font attendre. Le taux de chômage reste élevé, et une large partie de la population active, notamment les jeunes diplômés, éprouve des difficultés à trouver un emploi stable. Cette situation a contribué à une montée de l'agitation sociale dans certaines régions du pays. La hausse du coût de la vie, les inégalités grandissantes et le sentiment que le gouvernement n'agit pas suffisamment pour remédier à ces problèmes sont autant de facteurs qui alimentent cette colère sociale. Face à ces défis, le gouvernement a pris plusieurs initiatives visant à améliorer la situation. La lutte contre la corruption est au centre de ses préoccupations, avec la création d'organismes spécialisés et l'adoption de lois pour renforcer la transparence. Néanmoins, ces efforts se heurtent à plusieurs obstacles, parmi lesquels l'absence de volonté politique réelle et une culture de l'impunité bien ancrée. En dépit des promesses, la perception de la corruption reste très élevée au sein de la population, qui réclame des actions plus concrètes. Les citoyens expriment une désillusion croissante face à des réformes qui semblent inefficaces, et l'attente de résultats tangibles pèse de plus en plus sur la stabilité du gouvernement. En parallèle, des réformes fiscales ont été introduites, notamment en 2023 et 2024, pour alléger les charges pesant sur les entreprises et encourager la compétitivité. La réduction progressive du taux d'imposition des sociétés devrait permettre d'attirer davantage d'investissements, mais ces mesures fiscales risquent de ne pas suffire à résorber le déficit budgétaire, qui continue de se creuser. Le plan de reconstruction budgété à 11,7 milliards de dollars (8,5 % du PIB), financé en partie par des prêts internationaux et des subventions, vise à redresser la situation économique. Ce plan est soutenu par des aides internationales, notamment une ligne de crédit flexible de 5 milliards de dollars accordée par le FMI en avril 2023 et un prêt supplémentaire de 1,3 milliard de dollars pour faire face aux catastrophes climatiques. Toutefois, cette augmentation de la dette publique, combinée aux pressions budgétaires internes, laisse présager une légère hausse de l'endettement extérieur, qui atteindra environ 42 % du PIB en 2024.