Le président sénégalais Macky Sall a pris tout le monde de court en annonçant, le 3 février 2024, le report sine die de l'élection présidentielle qui devait avoir lieu le 25 février, à la veille du début de la campagne électorale. Cette décision, jugée inconstitutionnelle et arbitraire par ses adversaires, a déclenché une vague de contestation dans le pays, qui menace la stabilité démocratique et la paix sociale. Le lendemain de l'annonce présidentielle, l'Assemblée nationale, dominée par la majorité présidentielle, a examiné un projet de loi visant à entériner le report du scrutin et à prolonger le mandat de Macky Sall jusqu'au 15 décembre 2024. Les députés de l'opposition ont vivement protesté contre ce qu'ils ont qualifié de « coup d'Etat constitutionnel » et de « violation de la souveraineté populaire ». La séance a été marquée par des échanges houleux et des altercations entre les élus. Malgré ce climat tendu, le projet de loi a été adopté par 105 voix pour et une voix contre, sur les 165 députés que compte l'Assemblée. Face à cette situation, les candidats de l'opposition ont décidé de saisir le Conseil constitutionnel, l'instance chargée de veiller à la régularité des élections, pour demander l'annulation du report du scrutin et du décret présidentiel qui l'a instauré. Ils ont également formé un collectif, regroupant une vingtaine de candidats validés par le Conseil constitutionnel, ainsi qu'un pool d'avocats, pour coordonner leur action juridique et politique. Les candidats ont estimé que le report du scrutin était motivé par la volonté du pouvoir de modifier les règles électorales, notamment le système de parrainage citoyen, qui avait été mis en place en 2018 pour limiter le nombre de candidatures. Ils ont également rappelé que la Constitution sénégalaise ne permet pas à l'Assemblée nationale de proroger le mandat du président de la République, qui est de cinq ans non renouvelables. Le report de la présidentielle a également suscité l'inquiétude et la colère de la société civile, qui craint une dérive autoritaire du régime et une remise en cause des acquis démocratiques du Sénégal. Le fondateur du think tank AfrikaJom, Alioune Tine, a dénoncé une décision « inconstitutionnelle » et « unilatérale » du président Macky Sall, qui n'a pas consulté les autres acteurs politiques ni le peuple sénégalais. Il a affirmé que le report de la présidentielle « ouvre une ère d'incertitude et de chaos » dans le pays, qui connaît depuis plusieurs jours des manifestations, des affrontements et des arrestations. Il a appelé à un dialogue national pour sortir de la crise et à un respect scrupuleux de la Constitution et du calendrier électoral. Le report de la présidentielle fait également craindre une intervention de l'armée, qui a toujours joué un rôle républicain et apolitique au Sénégal. Le général Christophe Gomart, ancien patron du renseignement militaire français, a prévenu, sur la chaîne LCI, que Macky Sall risquait un coup d'Etat s'il perdait le soutien de l'armée et de la gendarmerie. Il a estimé qu'il était très important de suivre la position de ces deux corps dans cette situation, qui pourrait compromettre la stabilité du Sénégal et de la région.