Le Quai d'Orsay a interdit la publication du livre « Au cœur de la diplomatie française en Afrique » de Sylvain Itté, ancien ambassadeur de France au Niger. L'ouvrage, qui devait sortir le 15 janvier 2024, contenait des révélations explosives sur le rôle de la France dans la crise politique et sécuritaire qui secoue le Niger depuis le coup d'Etat de juillet 2023. Dans ce livre, Sylvain Itté, qui a été en poste à Niamey de 2019 à 2022, raconte les coulisses de la diplomatie française en Afrique, notamment au Sahel, où la France est engagée militairement depuis 2013 avec l'opération Barkhane. Il dévoile notamment l'existence d'un projet secret de déstabilisation du régime nigérien, mené par la France avec le soutien du chef rebelle touareg Rhissa Ag Boula, ancien ministre du Tourisme et de l'Artisanat sous le président Mamadou Tandja. Selon Sylvain Itté, ce projet visait à renverser le président Mohamed Bazoum, élu en février 2023, et à installer un gouvernement de transition dirigé par Rhissa Ag Boula, qui se présenterait comme le représentant des populations touarègues et des forces démocratiques du Niger. Le but de ce scénario était de contrer l'influence croissante de la Chine au Niger, qui exploite l'uranium du pays, et de favoriser les intérêts économiques et stratégiques de la France dans la région. Le projet aurait été lancé en réaction à la lenteur de la réaction de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), qui n'a pas réussi à rétablir l'ordre constitutionnel au Niger après le coup d'Etat du 18 juillet 2023, perpétré par des militaires dissidents. Ce coup d'Etat avait renversé le président Bazoum, qui avait succédé à Mahamadou Issoufou, considéré comme un allié de la France dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Le livre de Sylvain Itté aurait pu avoir des conséquences graves pour la sécurité des Français et des partenaires de la France au Niger, où la situation reste volatile et où les groupes armés djihadistes continuent de mener des attaques meurtrières. C'est pourquoi le Quai d'Orsay a décidé de bloquer sa publication, en invoquant la loi du 6 décembre 2013 relative à la protection du secret de la défense nationale. Dans un courrier adressé à l'auteur, le ministère des Affaires étrangères lui a signifié que son livre présentait « plus de risques que d'avantages » et qu'il devait retirer les passages concernant le dispositif français de gestion de crise au Niger. Sylvain Itté a dénoncé cette censure comme une atteinte à la liberté d'expression et à la transparence sur l'action de la France en Afrique. Il a affirmé qu'il ne comptait pas renoncer à la publication de son livre, quitte à changer de maison d'édition ou à le diffuser sur internet. Il a également appelé à une enquête parlementaire sur le projet de déstabilisation du Niger, qu'il qualifie de « scandale d'Etat ». Le Quai d'Orsay n'a pas souhaité commenter cette affaire, se contentant de rappeler que la France est attachée au respect de la souveraineté du Niger et qu'elle soutient les efforts de la CEDEAO pour restaurer la démocratie dans ce pays. La présidence nigérienne, dirigée par le général Salou Djibo, qui a pris le pouvoir après le coup d'Etat, n'a pas non plus réagi aux accusations de Sylvain Itté. Quant à Rhissa Ag Boula, il a nié toute implication dans un projet de déstabilisation du Niger, affirmant qu'il était un homme de paix et de dialogue.