L'emploi reste tributaire essentiellement de la dynamique économique, et sa promotion passe en premier lieu par des politiques publiques visant l'investissement et la croissance, a affirmé, jeudi à Rabat, le Wali de Bank Al-Maghrib (BAM), Abdellatif Jouahri. « Cette politique publique peut aussi contribuer sur plusieurs autres volets, en amont la préparation des jeunes au marché du travail, à travers l'amélioration de la qualité de l'éducation et de la formation, et plus globalement l'investissement dans le capital humain », a indiqué M. Jouahri qui intervenait à la conférence annuelle du réseau de recherche des Banques centrales de la région de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient (MENA). En aval, a-t-il soutenu, la contribution de la politique publique passe par la mise en place de mesures et d'une réglementation adéquate du marché du travail, facilitant l'embauche, octroyant des incitations ciblées à l'emploi salarié ou à l'entrepreneuriat, et apportant un soutien direct aux personnes ayant des difficultés d'accès à l'emploi. Toutefois, concevoir et réussir la mise en œuvre de politiques d'emploi efficaces reste un exercice complexe qui requiert une compréhension approfondie des dynamiques du marché et de ses interdépendances avec les différents secteurs de l'économie, a-t-il relevé. Par ailleurs, le Wali de BAM a souligné que pour les Banques centrales, l'emploi est une variable clé qui affecte la consommation et l'investissement et in fine les prix des biens et services, ajoutant qu'une compréhension approfondie des développements sur le marché du travail est ainsi essentielle pour la conduite de leurs missions, en particulier en matière de politique monétaire. Au niveau de notre région, a-t-il poursuivi, la problématique de l'emploi se pose avec davantage d'acuité, puisque le chômage atteint globalement un niveau deux fois plus élevé que la moyenne mondiale, soit 10,4% contre 5,8% en 2022. A cet égard, il a précisé que le chômage touche particulièrement les jeunes, notant que pour la tranche de 15 à 24 ans, environ le tiers ne sont ni employés, ni scolarisés, ni en formation. Lire aussi : Le Maroc et la France entre infantilisme et malveillances de Macron Dans de nombreux pays, ce sont paradoxalement les jeunes diplômés qui souffrent le plus du chômage, généralement de longue durée, a souligné M. Jouahri, pointant du doigt la faible participation des femmes dans la région, avec un taux d'activité avoisinant 20%, bien en dessous de la moyenne mondiale qui est proche de 50%. Il a, en outre, relevé qu'avec les changements de paradigmes et les transformations profondes que les chocs successifs des dernières années ont initiées ou accélérées, l'appréhension de l'évolution des marchés du travail devient de plus en plus difficile, ce qui rend plus complexe la formulation de la politique publique. Il s'agit , selon M. Jouahri, du changement climatique dont les conséquences directes et indirectes s'annoncent importantes en particulier dans des pays comme le Maroc , où l'agriculture concentre toujours une part importante de la main d'œuvre. A cet effet, il a plaidé en faveur de davantage d'investissement dans la production des données, dans l'amélioration de leur qualité et de leur granularité et surtout d'une plus grande accessibilité à la donnée en particulier publique, notant que c'est dans ces conditions que les pouvoirs publics, guidés par les résultats d'une recherche de qualité, pourraient mieux répondre aux attentes de la population en matière d'emploi décent en faveur de notre jeunesse et de nos femmes. De son côté, le ministre de l'Inclusion économique, de la petite entreprise, de l'Emploi et des Compétences, Younes Sekkouri, a indiqué que la question de l'emploi demeure un facteur important d'inclusion et de cohésion sociale, nécessitant une ferme volonté politique pour mettre en œuvre des réformes majeures dans le marché de l'emploi. A cet égard, le ministre a mis en exergue les stratégies mises en place pour promouvoir l'emploi dans notre pays, notamment le programme « Awrach » ayant enregistré un bilan positif pour l'année 2022, avec 30% de bénéficiaires femmes et près de 60% issus de zones rurales, notant que le programme se penchera, en 2023, sur le ciblage des besoins et sur les emplois de long terme. Evoquant le dialogue social, M.Sekkouri a souligné que le gouvernement a réussi à convenir avec ses différents partenaires sociaux à un accord social favorisant davantage le milieu de l'emploi au Maroc. Pour sa part, le vice-président régional de la Banque mondiale, Ferid Belhaj a fait savoir que la région MENA fait face à un contexte de plus en plus complexe, notamment après la succession de crises multiples, appelant à ouvrir la voie au secteur privé pour créer plus d'opportunités d'emplois. Il a également souligné l'importance d'assurer une meilleure formation au capital humain, à même qu'elle soit en constante adaptation avec les évolutions et les besoins du marché de travail. Organisée à l'initiative de BAM et du bureau de l'économiste en chef de la Banque mondiale pour la région MENA, la troisième édition de cette conférence, sous le thème » Marchés du Travail et Transformation Structurelle », se tient en prélude aux Assemblées annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, qui auront lieu en octobre prochain à Marrakech. La rencontre sera marquée par les interventions de plusieurs économistes de renommée internationale et connaîtra la participation de hauts responsables représentant des institutions nationales et internationales, le milieu académique et le secteur privé. Les travaux de la conférence traiteront principalement des enjeux et défis auxquels les marchés du travail sont confrontés particulièrement à l'échelle de la région MENA, en lien avec les séquelles de la pandémie du Covid-19, le changement climatique, la transformation digitale, les tensions géopolitiques et la montée du protectionnisme, ainsi que la qualité du capital humain et le développement du secteur privé.