Face aux critiques des députés et aux craintes des Marocains résidant à l'étranger (MRE), le gouvernement a décidé de reporter l'adoption d'un projet de loi sur l'échange automatique d'informations financières et fiscales avec l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Ce projet de loi vise à ratifier un accord signé en juin 2019 à Paris, dans le cadre d'un traité multilatéral entre autorités compétentes, qui regroupe les Etats membres de l'OCDE, dont les pays de l'Union européenne. L'objectif est de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, en permettant aux pays signataires d'accéder aux données bancaires de leurs ressortissants à partir de 2025. Or, cette perspective a suscité la panique chez les six millions de MRE, qui redoutent de voir leurs avoirs au Maroc exposés à une double imposition ou à une confiscation. En mars 2021, des rumeurs avaient circulé sur le début imminent de l'échange automatisé des coordonnées bancaires entre le Maroc et les pays européens, avant d'être démenties par l'administration fiscale (DGI). Depuis, plusieurs associations et militants marocains en Europe ont appelé à la suspension de l'accord controversé, arguant qu'il porterait atteinte à leur droit d'acquérir un patrimoine ou de prendre leur retraite au Maroc, où ils souhaitent transférer leurs économies. Ils ont affirmé qu'ils n'étaient pas des fraudeurs, mais qu'ils avaient travaillé dur pour construire un avenir dans leur pays d'origine. Leur voix a été entendue par les parlementaires, qui ont refusé d'approuver le projet de loi sans révision préalable de certaines clauses. La commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants a ainsi demandé au gouvernement, la semaine dernière, d'ouvrir des négociations avec l'OCDE pour lever toute ambiguïté et interprétation. Les ministres des Affaires étrangères, Nasser Bourita, et du Budget, Fouzi Lekjaa, se sont rendus mardi devant la commission pour s'expliquer sur le texte et promettre de le revoir. Ils ont assuré que le Maroc était engagé dans la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d'argent, mais que les intérêts du MRE étaient "une ligne rouge" pour le gouvernement. Les MRE représentent en effet une source importante de devises pour le Trésor marocain, avec près de 45,17 milliards de dirhams transférés à fin mai 2023, soit une hausse de 14,9% par rapport à mai 2022. Ils sont également essentiels pour le soutien financier de leurs familles au Maroc. Le gouvernement espère donc trouver un compromis avec l'OCDE qui satisfasse le parlement et rassure les MRE. Pour l'instant, aucune date n'a été fixée pour la reprise du vote sur le projet de loi. Les observateurs estiment que le Maroc a signé l'accord controversé pour être retiré de la liste grise de l'organisme de surveillance financière GAFI.