En 1998, Abderrahman El Youssoufi avait décrété une amnistie fiscale au profit des sociétés marocaines peu conformes avec la loi. En 2014, Abdelilah Benkirane promet une amnistie aux auteurs de détournement d'argent. C'est la première mise en application de son appel, en 2012, aux fraudeurs pour tourner la page et oublier le passé. Pour faire face au manque de liquidité de l'Etat de plus en plus inquiétant, le gouvernement Benkirane promet à une partie des Marocains ayant acquis illégalement des biens (argent, actions et immobiliers) à l'étranger, une amnistie en échange du rapatriement au Maroc d'une partie de ces avoirs achetés par de l'argent détourné. Pas de poursuite judicaires contre les fraudeurs Pour séduire davantage sa cible, le cabinet Benkirane n'hésite pas à exempter de toute poursuite judiciaire les fraudeurs en échange du paiement d'amendes ou selon l'expression du ministère des Finances de «contribution libératoire» dont le montant est fixé en fonction des avoirs : 10% de la valeur des biens immobiliers, de la valeur d'acquisition des biens immeubles détenus à l'étranger et des actions, 5% du montant du compte en devises. L'amendement qui a de fortes chances d'être adopté par les députés même si les conseillers pourraient s'y opposer, sera la première concrétisation de l'appel lancé, en juillet 2012, par Benkirane à l'adresse des prévaricateurs et des fraudeurs de tourner la page et de commencer à zéro car «Dieu est clément et miséricordieux». Risque du rapatriement de l'argent sale pour le blanchir au Maroc Mais cette amnistie, une fois adoptée, pourrait inciter les groupes spécialisés dans le blanchiment d'argent à rapatrier une partie de leurs biens en liquide au Maroc. Ce qui n'est pas sans conséquence sur l'image du royaume auprès de ses partenaires à l'étranger et des institutions financières. En octobre dernier à Paris, le Maroc a été retiré de la liste noire du GAFI (Groupe d'Action Financière) des pays dont la législation est trop «poreuse» aux blanchiments d'argents. Une décision qui est venue couronner l'approbation, en avril dernier, par le parlement marocain, d'un projet de loi relatif à la lutte contre ce fléau. El Youssoufi avait instauré une amnistie fiscale sans réel succès Cette main tendue du gouvernement Benkirane aux fraudeurs n'est pas sans rappeler celle de Abdrrahmane El Youssoufi, en 1998, aux entreprises marocaines peu conformes avec la loi. Une mesure qui avait été très controversée à l'époque. Même le patronat l'avait critiquée, arguant qu'il s'agissait d'une récompense à la fraude. Neuf ans plus tard, l'ancien premier ministre reconnaissait, dans un entretien accordé à l'hebdomadaire Le Point, l'échec de son initiative : «Nous avons voulu qu'ils travaillent (les pauvres) et avons mis en place une amnistie fiscale. Nous sommes donc surpris de constater une certaine frilosité». Abdelilah Benkirane aura-t-il plus de chance ?