La Contrôleuse générale des lieux de privation de libertés en France a dénoncé, dans un rapport rendu public mercredi, les arrestations arbitraires et les conditions de garde à vue dans les commissariats à Paris lors des manifestations contre la réforme des retraites. Elle a adressé une lettre adressée au ministre de l'Intérieur après un contrôle réalisé dans des commissariats parisiens le 24 et le 25 mars 2023. Ces visites ont donné lieu au « constat d'atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes enfermées: d'une part en raison des conditions matérielles de prises en charge dans certains locaux et, d'autre part, du fait du nombre important de procédures conduites en méconnaissance des normes et principes qui régissent la procédure de garde à vue, voire, dans certaines situations, en violation des textes applicables", indique Dominique Simonnot dans son écrit. Elle a alerté principalement sur le fait qu'une grande majorité des gardés à vue n'ont commis aucune infraction caractérisée. « Les fiches sont souvent insuffisamment renseignées et imprécises sur les circonstances de l'interpellation", des manquements qui vont en contradiction avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), pointe-t-elle dans son rapport. Lire aussi : France/retraites: le chiffre d'affaires de 28% des entreprises impacté en avril par les grèves «Nombre de personnes ont indiqué avoir simplement participé à la manifestation [du 23 mars], et donc rien ne permet d'établir que leur comportement aurait justifié une intervention des forces de l'ordre», note le rapport. Ces nombreuses gardes à vue seraient selon elle totalement arbitraires, d'autant plus que "les constats lors des visites ont révélé que certains agents interpellateurs avaient eu pour consignes et ordres hiérarchiques d'interpeller sans distinction toute personne se trouvant dans un secteur ou un autre de la capitale". Pire encore, certains policiers auraient «décidé» aléatoirement du type d'infraction à retenir. Des cases auraient été cochées au hasard sur les fiches, indique le rapport. Au total 80 % des interpellations ont abouti à un classement sans suite, tandis que la minorité de personnes déférées, y compris dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate, quitte le tribunal libre, alors que la plupart d'entre elles aura néanmoins passé près de 24 heures en garde à vue. À ces gardes à vue sans réelles justifications s'ajoutent des traitements et des conditions de détention jugés indignes, le rapport pointant des interpellations violentes avec «coups de matraque, balayettes ou encore plaquages contre les murs», ainsi que des fouilles systématiques en sous-vêtements lors des gardes à vue qui auraient été réalisées. Les conditions d'hygiène et de détention ont aussi été pointées du doigt dans le rapport. Dans les cellules collectives, l'espace par personne compris entre 0,88 et 3m2 est jugé comme insuffisant. «Dans la plupart des lieux visités, les matelas ne sont pas nettoyés entre deux utilisations et les couvertures propres ne sont pas données systématiquement». La saleté et les odeurs seraient aussi très présentes. Lundi, le Conseil des droits de l'Homme (CDH) de l'ONU a rappelé la France à l'ordre concernant la situation des droits de l'Homme dans le pays, pointant notamment des attaques contre les migrants, le profilage racial et des violences policières. L'Hexagone a aussi été pointée du doigt au sujet de l'usage excessif de la force par les forces de l'ordre lors des manifestations, sujet qui fait débat dans le pays depuis plusieurs mois, notamment dans le sillage des interventions musclées des forces de l'ordre lors des manifestations contre la réforme des retraites.