Alors que nous clôturons la deuxième année de reprise après la pandémie, le secteur de la construction peine toujours à retrouver des couleurs, alors qu'il devait jouer un rôle clé dans le soutien de la croissance économique du Maroc cette année. La loi de finances 2022 avait prévu des investissements supplémentaires de 6,5% du budget par rapport à 2021 dans la santé, les réseaux routiers et d'autres infrastructures publiques. Cette approbation devait être bénéfique pour les entreprises du BTP, et devait également contribuer à accélérer la reprise du segment de l'infrastructure. Cependant, selon la dernière note de conjoncture publiée par la Direction des études et des prévisions financières (DEPF), les ventes de ciment ont connu une baisse de 9,4% en novembre, ce qui représente un repli de 9,2% depuis le début de l'année, comparativement à une hausse de 15,6% à la fin de novembre 2021. Cette tendance est principalement due à une performance inférieure aux attentes des ventes dans les segments de la distribution (-13,8%), du bâtiment (-9,7%) et du préfabriqué (-6,3%). En revanche, on a enregistré des hausses dans les secteurs de l'infrastructure (+6,9%) et du béton prêt à l'emploi (+3%). Aussi, le segment résidentiel n'a pas connu la croissance observée en 2021 en raison des perspectives économiques moroses et incertaines, liées à la hausse du niveau d'endettement, à la forte appréciation des prix des matières premières et de l'énergie, et à une campagne agricole difficile cette année en raison de faibles précipitations et de l'inflation des coûts de production agricole. En effet, le montant total des crédits immobiliers a augmenté de 5,5 milliards de dirhams MMDH, soit 1,9%, durant les dix premiers mois de 2022, par rapport à une hausse de 5,1 MMDH, soit 1,8%, durant la même période l'année précédente. Cette évolution est due à une augmentation de 5,2 MMDH, soit +2,2%, des crédits accordés pour l'habitation, tandis que les financements destinés à la promotion immobilière ont diminué de -2,7 MMDH, soit -4,8%. Le nombre de bénéficiaires du fonds DAMANE ASSAKANE a atteint 11 914 à la fin octobre 2022, en baisse de 25,5% par rapport à la même période de l'année précédente. Dans cette tendance, on a observé une baisse de 29,6% du nombre de bénéficiaires du FOGARIM (6 379 ménages) et de 20,2% du nombre de bénéficiaires du FOGALOGE (5 533). De leur côté, les montants accordés ont chuté de -30,5% pour atteindre 1,04 MMDH pour le FOGARIM et de 13,9% à 1,73 MMDH pour le FOGALOGE. Depuis sa création, 271 600 ménages ont bénéficié de l'aide du Fonds DAMANE ASSAKANE pour un montant global de 51,8 MMDH. En conséquence, cela a eu un impact négatif sur la valorisation des entreprises du BTP. En effet, cette année, l'action de LafargeHolcim a chuté de 36,36%, celle de Ciments du Maroc de 28,95%, celle de TGCC de 26,64% et celle de Jet Contractors de 17,39%. La hausse des prix des matières premières en cause Il faut rappeler que l'année 2022 a été marquée par de nombreuses perturbations et incertitudes. Et la guerre entre l'Ukraine et la Russie a eu des répercussions importantes sur les prix du pétrole et du gaz, le commerce mondial et les chaînes d'approvisionnement. En outre, la sécheresse a porté un sérieux coup à une économie marocaine déjà fragilisée. « Nos prévisions font ressortir que l'inflation passerait à 6,6% en 2022, avant de revenir à 3,9% en 2023. Il s'agit d'un taux qui dépasse toujours l'objectif de stabilité des prix », a déclaré Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al Maghrib (BAM), à l'issue de la réunion de son dernier Conseil de l'année tenue le 20 décembre dernier, laissant entendre qu'il faudra continuer à combattre ce phénomène à moyen terme. Rappelons que depuis le début de la pandémie de COVID-19 en 2020, les principaux matériaux de construction, tels que l'acier, le ciment, l'aluminium et la céramique, ont connu une hausse des pressions inflationnistes. Cette hausse est principalement due à la pénurie croissante de matières premières, aux prix mondiaux des matériaux et aux défis logistiques, ainsi qu'à l'augmentation des prix du carburant. Depuis janvier 2020, les prix de l'acier ont augmenté de 72% à 489,2 dollars la tonne métrique, l'aluminium a augmenté de 55,5% à 2864,8 USD la tonne métrique, et le prix du carburant (principalement du diesel) a augmenté de 92,4% pour atteindre environ 1 906,3 dollars la tonne. Selon une enquête de terrain menée par les services extérieurs du ministère de l'Industrie et du Commerce, la plupart des matériaux de construction ont en moyenne connu une hausse à deux chiffres. La hausse la plus importante a été observée pour le verre, qui a atteint un prix de 260 MAD/m2. Le prix du Cuivre, de l'aluminium et de l'Inox ont également atteint des niveaux record affichant ainsi des progressions respectives de 61%, 51% et 39%. Essoufflement du marché immobilier En 2021, le marché immobilier au Maroc a connu une croissance exceptionnelle, avec un total de 459 766 transactions immobilières enregistrées, soit une hausse de 51 % par rapport à 2020 et de 29 % par rapport à 2019. Cette croissance s'explique notamment par le report de ventes de 2020 (année de confinement) sur 2021, la prolongation de l'exonération et la réduction des droits d'enregistrement pour l'acquisition d'un bien immobilier, ainsi que par l'attractivité des taux immobiliers. Toutefois, l'année 2022 a marqué la fin à cette croissance. En se référant aux dernières données publiées par BAM, l'économie marocaine enregistrerait un taux de croissance de 1,1% après le rebond de près de 8% enregistré en 2021. Rappelons que la loi de finances 2022 tablait sur un taux de croissance de 3,2%, ramené à 1,8% par les dernières estimations du Ministère de l'économie et des finances. En conséquence, l'offre sur le marché immobilier a fini par ralentir. Selon les derniers chiffres publiés par l'Association professionnelle des cimentiers (APC), la consommation de ciment à fin novembre à baissé de 9,24% par rapport à la même période en 2021 à 11,5 Mt. Durant l'unique mois de novembre, la baisse est de 9,45% à 1,11 Mt.