La ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, est attendue la semaine prochaine à Rabat. Plusieurs dossiers chauds l'attendent dans un voyage qui, dit-on, est en prélude de celui du Président français Emmanuel Macron, qui serait prévu en janvier. Selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères français, Catherine Colonna est attendue dans le Royaume les 15 et 16 décembre 2022. Durant cette visite, plusieurs dossiers et pas des moindres, seront au menu des discussions : Sahara, visa, Pegasus... La visite à Rabat et la rencontre avec le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, devraient permettre de mettre fin aux querelles politiques et diplomatiques entre les deux alliés pourtant proches. Depuis des mois, l'axe Paris et Rabat bat de l'aile du fait des pratiques diplomatiques de Paris très décriées presque partout : au Maroc, en France et partout en Afrique. Catherine Colonna, chiraquienne dans l'âme, vient donc raviver la flamme, que le Président Macron a su éteindre. Dans ce froid diplomatique, le président français était déterminé à exhorter ou à forcer le Maroc à accepter, sans réserve et selon les règles françaises, de reprendre les citoyens « marocains » présumés qui avaient émigré illégalement en France et dans ce lot de rapatriement, la France voulait y greffer de présumés criminels dont la nationalité n'était pas identifiée et qui seraient une menace pour la France. Cette volonté de Paris est interprétée comme une pêche des voix dans l'électorat de l'Extrême droite. C'est avec ce sujet qu'il aurait marqué des points auprès des électeurs tendanciellement nationalistes lors des deux dernières campagnes électorales (élections présidentielles et législatives). Dans le même temps, Paris s'indigne du concours d'appel d'offres pour l'extension du réseau ferroviaire à grande vitesse, puisque la première ligne de train à grande vitesse Tanger – Rabat – Casablanca a été construite par les sociétés françaises, VINCI Energies pour les contrats d'ingénierie électrique et Alstom pour les véhicules. Pour l'extension du projet de la LGV Marrakech-Agadir, la France espère, sans complication, mettre le grappin dessus, mais aussi avoir le renouvellement du contrat des lignes Casablanca -Rabat-Tanger, or au vu des évolutions, elle serait mal partie car fortement concurrencée par la Chine. Autres sujets que devrait aborder la ministre française des Affaires étrangères sont liés à la controversée affaire des écoutes téléphoniques via le logiciel Pegasus, dont une partie de la presse française accuse le Maroc d'utiliser le logiciel à l'aide duquel le téléphone portable privé du Président Macron aurait été mis sur écoute. Ce que le Maroc dément catégoriquement. La question des visas, si elle ne sera pas traitée en premier, ne devrait pas être loin des sujets à aborder durant les entretiens. En septembre 2021, Paris a décidé de réduire de moitié le quota de visa pour les Marocains et les Algériens et a par contre assoupli celui des Tunisiens. Cette mesure, qualifiée par Rabat d '« injustifiée », par les ONG humanitaires du royaume d' « humiliante » ainsi que dans les milieux marocains francophones empoisonne les relations depuis un an. Sur cette question, le Maroc a estimé être foncièrement réceptif, mais à condition que la nationalité des ressortissants ait été précisée au préalable. Tous les groupes de la population marocaine ont été touchés par ce problème de visas restreint, des étudiants déjà admis aux hommes d'affaires connus qui voyagent régulièrement et possèdent des entreprises en France. Le Maroc résiste à la pression de Paris Sur la question du Sahara, Rabat souhaiterait que Paris adopte une position au moins aussi claire que celle exprimée par l'Espagne et, dans une moindre mesure, par l'Allemagne sur sa propre revendication de souveraineté sur le Sahara marocain. Comme l'a rappelé Sa Majesté le Roi Mohammed VI invitant les pays amis du Maroc à avoir une position claire sur le sujet. Compte tenu du fait que la France soutient la position marocaine au Conseil de sécurité de l'ONU, depuis des années mais moins fort, Rabat souhaite que Paris adopte une attitude comme celle des Etats-Unis, en raison des relations historiques entre les deux pays. Fin 2020, Washington avait pleinement reconnu la revendication de la souveraineté du Maroc sur son Sahara. Certes, le Maroc ne voit pas le rapprochement de la France avec l'Algérie, mais le considère comme une alliance de circonstance dans le contexte de la pénurie énergétique dans l'UE. En réponse, le Maroc qui a intensifié ses relations avec les Etats-Unis, n'a pas rompu avec la Russie après la guerre contre l'Ukraine, a développé ses liens avec la Grande-Bretagne comme nouvel investisseur dans les énergies renouvelables et comme acheteur de produits agricoles marocains, s'est retrouvé avec l'Allemagne comme partenaire dans le développement des capacités de production d'hydrogène et des contrats de planification et de contrôle pour l'extension du réseau de trains à grande vitesse aux entreprises coréennes et allemandes. Dans le même temps, une décision culturelle semble avoir été prise au Maroc pour faire lentement reculer la langue française au profit de l'anglais. En outre, la France est toujours le plus grand investisseur étranger au Maroc, mais a maintenant été remplacée par l'Espagne en tant que partenaire commercial le plus important. Néanmoins, de nombreuses entreprises françaises, telles que Renault et Air France, sont intéressées par les relations étroites entre la France et le Maroc, car elles ont réalisé des investissements considérables et ont des intérêts correspondants dans le royaume, ce qui devrait motiver les politiciens français à améliorer à nouveau les relations. Par ailleurs, le Maroc est incontournable sur les questions de politique de sécurité dans la lutte contre le terrorisme international en Europe, mais aussi dans la zone sahélienne. Signe de rapprochement La porte-parole du ministère français des Affaires étrangères a laissé entendre que la question du Sahara marocain jouera un rôle lors de la visite de la ministre des Affaires étrangères française Catherine Colonna. Il n'a pas non plus été confirmé à quel point la visite reportée à plusieurs reprises du Président Emmanuel Macron était en cours de préparation. Actuellement, une éventuelle visite du président français en janvier 2023 est officieusement évoquée. La nomination d'un nouvel ambassadeur de France au Maroc après une vacance de plusieurs mois peut également être considérée comme un bon signe, en la personne de l'actuel directeur général du bureau français Business France, Christophe Lecourtier, qui aurait reçu, mardi 6 décembre, le feu vert de Rabat.