Et si cette fois c'était la bonne... Après une série de fusillades en moins de trois semaines, les politiques, après 30 ans de paralysie, seraient-ils prêts à commencer à prendre des mesures efficaces pour stopper l'hécatombe? C'est l'appel fort que leur a lancé le 2 juin, le président Biden, dans un discours à la nation. « Combien d'autres carnages sommes-nous prêts à accepter ? C'est assez. La question maintenant est que va faire le Congrès ? ». C'est aussi la question d'une majorité d'Américains après Buffalo, 10 morts dans un supermarché, Uvalde, 21 morts dont 19 enfants dans une école élémentaire, Tulsa, 4 morts dans un hôpital. Il semble toutefois que les images des croix blanches portant les noms des jeunes victimes, devant leur établissement scolaire, aient ébranlé même les plus loyaux défenseurs du port d'armes. C'est pourquoi il règne chez les démocrates un léger espoir de convaincre leurs collègues républicains de répondre au souhait d'une majorité d'Américains qui réclament des lois fédérales plus strictes pour contrôler les armes. A l'initiative du sénateur Chris Murphy, un groupe bipartisan a été formé pour examiner comment parvenir à un compromis qui puisse obtenir les 60 voix nécessaires à l'adoption de toute loi au sénat. Murphy est bien placé pour mener les négociations. Il représente le Connecticut, Etat qui vit en 2012 la première tuerie la plus sanglante dans une école, celle de Sandy Hook, qui avait fait 20 morts chez les écoliers âgés de six et sept ans, et six chez le personnel enseignant. L'auteur, un garçon de 20 ans, armé d'un fusil semi-automatique, avait abattu sa mère avant d'attaquer l'école et de se suicider. Beaucoup de larmes avaient été versées, mais aucune action n'avait été prise. Les cinq démocrates du groupe, afin de ne pas cabrer leurs collègues républicains, proposent des changements de bon sens qui, ils l'espèrent, seront acceptables. Etendre les vérifications des antécédents par exemple, ou confisquer les armes des personnes qui posent un danger pour leur communauté ou pour eux-mêmes. C'est la politique des petits pas. Si le sénat peut approuver les lois les moins controversées avec le soutien de 10 républicains, ce sera un progrès, juge le sénateur Murphy. Il reste à voir si un compromis peut être trouvé. La Chambre des représentants est plus ambitieuse, du fait que les démocrates y sont majoritaires. La commission judiciaire a adopté une série de mesures qu'elle compte soumettre à un vote dans les prochains jours. Le projet inclut notamment l'interdiction des fusils semi-automatiques, et le relèvement de l'âge qui passerait de 18 à 21 ans pour en acheter. Ce que demande Joe Biden. Mais si la Chambre approuve ces lois, elles sont condamnées au sénat. Le fossé idéologique est trop grand pour accepter des réformes trop profondes. A cet égard, les Etats sont plus performants. 16 d'entre eux et le district de Columbia ont déjà des lois prohibant les armes automatiques et leur achat par des moins de 21 ans. L'Etat de New York vient tout juste de les rejoindre. Pourquoi alors ce manque de courage du Congrès des Etats-Unis ? Plus de 60% des Américains veulent renforcer le contrôle des armes. Parmi eux des républicains et des propriétaires d'armes. Mais les lobbies des armes, dont la NRA, toujours influente, veillent. Trois jours seulement après la tuerie d'Usvalde, elle tenait à Houston sa convention annuelle qui réunissait des milliers de fans venus écouter entre autres Donald Trump : « L'existence du mal dans notre monde n'est pas une raison pour désarmer les citoyens respectueux de la loi. L'existence du mal est une raison de les armer » leur a-t-il déclaré sous les applaudissements. Une idée chère aux républicains pour mieux sécuriser les écoles, armer les enseignants. Ce à quoi leur syndicat s'oppose. Si l'on blâme essentiellement les républicains pour la paralysie du Congrès, il convient de noter que tous les démocrates, surtout ceux représentant des Etats pro-armes, ne sont pas enthousiasmés par des réformes de poids qui pourraient mettre en danger leur réélection. C'est le cas du sénateur d'Arizona, Mark Kelly, un ancien astronaute, dont la victoire en novembre n'est pas assurée. Il est discret durant sa campagne sur le sujet, bien qu'il lui tienne à cœur. Sa femme, Gaby Giffords qui siégeait à l'époque à la Chambre, avait été grièvement blessée à la tête en 2011, lors d'une réunion publique à Tucson, en Arizona. Côté républicain, certains pourraient être tentés de se joindre aux démocrates pour réduire la violence, mais ils craignent la colère de leurs électeurs et de leur parti. Crainte peut-être injustifiée : la Floride, bastion républicain, avait adopté en 2018, après la fusillade du lycée de Parkland (17 morts) des lois extrêmement strictes. Or sur tous les républicains qui avaient voté pour, aucun n'avait perdu son siège. Les semaines qui viennent diront si les parlementaires sont prêts à faire quelque chose. Les démocrates font preuve d'un optimisme prudent, mais un échange intervenu lors des travaux de la commission judiciaire de la Chambre souligne les difficultés à venir. Alors qu'un élu républicain de Floride qui participait au débat virtuellement a montré sa collection d'armes, une de ses collègues démocrates, présente à Washington a déclaré : « J'espère qu'elles ne sont pas chargées ». Ce à quoi le représentant de la Floride lui a répondu « Je suis chez moi. Je peux faire ce que je veux avec mes armes « . Atmosphère...