Désormais, tous les chemins mènent au Mali sauf celui emprunté par la CEDEAO. La crise malienne est devenue une crise des grandes puissances. En toile de fond, le terrorisme, mais en clair un amas d'enjeux qui ne dit pas son nom, pour l'instant. La Communauté économique de l'Afrique de l'Ouest, La CEDEAO, a imposé de nouvelles sanctions contre le Mali. Selon l'organisation ouest africaine, la junte militaire au Mali continue de s'opposer à de nouvelles élections dans un avenir proche. Pourtant, la junte militaire malienne d'Assimi Goita avait précédemment annoncé qu'elle resterait au pouvoir pendant encore quatre ans, bien que Goita ait initialement promis d'organiser de nouvelles élections au bout de 18 mois après son premier coup d'Etat, fin février. La CEDEAO a rejeté le retard comme « totalement inacceptable » et considère le gouvernement militaire de transition illégitime et la junte tient le peuple malien en otage pendant les cinq prochaines années. A l'annonce des sanctions, la main de la CEDEAO n'a pas tremblé. La plupart des aides commerciales et financières seraient suspendues et toutes les frontières avec le Mali seraient fermées avec effet immédiat, selon la déclaration finale du sommet de la CEDEAO au Ghana. Au-delà des lourdes sanctions prononcées contre les dirigeants du pouvoir, c'est le peuple malien dans sa globalité qui risque de pâtir contre ces sanctions. Cependant, il faut considérer que l'approche de la CEDEAO pour gérer la crise malienne est un échec. Après moult rencontres et discussions, l'organisation sous régionale n'a pas pu dénouer la tension non pas avec les terroristes mais aussi avec la junte au pouvoir, ce qui pourtant était facile. → Lire aussi : Mali : Le gouvernement militaire indigné par les sanctions Mais au regard des évolutions précédentes, notamment la question de la présence des paramilitaires russes Wagner et l'équation insoluble de l'avancée des djihadistes, Bamako a pris ses responsabilités et entend « chercher de nouveaux partenaires » stratégiques. Il faut se rappeler que c'est depuis la tribune de l'ONU que le premier ministre malien, Choguel Maïga, avait accusé la France d'un « abandon en plein vol » avec sa décision de retrait du Mali de la force Barkhane. Guerre de positionnement Avec cette décision prise par les dirigeants de la CEDEAO, l'organisation sous régionale, longtemps traitée d'être à la solde de la France semble donner raison à ces critiques. Ceci ne fait, d'ailleurs, que renforcer le sentiment anti français dont s'indigne le président Français, Emmanuel Macron. Car aujourd'hui, une très bonne partie de la jeunesse africaine est contre la politique française en Afrique. A ce titre, au vu des manifestations pro russe qui se multiplient, la France perd du terrain dans son pré carré. Autre partenaire malien qui suscite des questions c'est Téhéran, qui depuis le face à face entre Bamako et Paris, se presse pour prêter main forte à Bamako dans sa croisade d'en finir avec Paris. Si la Guinée estime n'être pas concernée par les décisions de la CEDEAO, le président de transition Mamady Doumbaya a déclaré ouvertement que la Guinée continuera à commercer avec le Mali et que les frontières resteront ouvertes. Côté marocain, la visite de travail du ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop à Rabat, en octobre dernier, a été l'occasion pour passer en revue la coopération entre Rabat et Bamako. « Cela a surtout permis de réactiver tous les mécanismes ». C'est ainsi que dans ce contexte, les commissions mixtes sectorielles, le dialogue politique, la commission consulaire... vont reprendre avec des dates et des échéances de rencontres. Le Mali est la troisième destination des investissements du Maroc en Afrique, a fait savoir le Ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita. Et de conclure que cette visite de travail du ministre malien a été une occasion pour rappeler la doctrine claire du Royaume à savoir, « celle de ne pas s'ingérer dans les affaires internes des pays et de faire confiance au génie des peuples ». Le Conseil de sécurité de l'ONU plus que divisé Au cours de la réunion au Conseil de sécurité de l'ONU, tenue mardi soir à New York, la Russie et la Chine ont bloqué l'adoption d'un texte prônant des sanctions contre la junte militaire au Mali. Selon des diplomates, les représentants des gouvernements à Pékin et à Moscou ont empêché l'initiative portée par la France. Macron, dont le gouvernement assure actuellement la présidence du Conseil de l'UE, a accusé mardi la junte de « prendre le pouvoir pendant des années et de priver le peuple malien de ses options démocratiques ». Washington a également soutenu les « mesures fortes » de la CEDEAO. L'ambassadrice américaine aux Nations unies, Linda Thomas Greenfield, a pour sa part, appelé la junte militaire à tenir sa promesse de retour à la démocratie. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a ensuite réitéré ses allégations selon lesquelles la junte militaire était soutenue par des mercenaires russes du groupe dit Wagner sous couvert de contre-terrorisme. Le Drian a également accusé la Russie de « mentir » sur le statut de la troupe Wagner, qui est considérée comme l'armée de l'ombre du Kremlin. De leur côté, la Russie et la Chine ont plaidé la non-ingérence au Mali. Conformément à l'annonce du président Assimi Goita, le représentant de Bamako a également jugé « illégales» les décisions de la CEDEAO. Le représentant de la Russie Vasily Nebenzia a annoncé que les sanctions strictes imposées par la CEDEAO dans les circonstances actuelles, sont irresponsables. Répondant à la polémique en cours, sur la présence de mercenaires de son pays au Mali, le diplomate russe déclare que « le Mali a le droit de travailler avec d'autres alliés qui sont disposés à travailler avec lui pour renforcer la sécurité ». Dans cette optique, il a annoncé que « les nations occidentales veulent un monopole sur la fourniture de services » au Mali.