Le rapport quinquennal du « Stockholm International Peace Research Institute » est tombé le 15 mars. Cet organisme indépendant, fondé en 1966, basé dans la capitale suédoise, a pour vocation de fournir des informations relatives à la conflictualité armée dans le monde, son intensité, ainsi que la vente des armes majeures (major arms) non ADM, ni biologiques, chimiques, nucléaires ou radiologiques. Cette approche comparative des deux quinquennats précédents (2011-2016 et 2016-2021) est adoptée pour une meilleure représentation. Ces informations puisées dans des sources ouvertes (Open Source) évaluent les volumes et non la valeur financière. Elle ne permet pas de cerner la triste réalité des mouvements des armes à travers le monde et pose le problème du « chiffre noir » et de la traçabilité à la faveur de l'opacité qui caractérise ce domaine. La géographie des ventes d'armes L'approche continentale du SIPRI révèle que l'Asie –Océanie représente, durant la période considérée, 42% des importations mondiales suivie du Moyen Orient à 33%, de l'Europe 12%, de l'Afrique à 7,5% et des Amériques pour un ratio de 5,4%. La course aux armements va de pair avec l'importance géopolitique, stratégique et économique des espaces, la nature des enjeux, des rivalités entre puissances et le degré de tension de la conflictualité. La mer de Chine méridionale, compte tenu de son positionnement, génère une tension latente entre la première et la deuxième puissance par alliés interposés. Le Moyen Orient où deux hégémons régionaux se livrent à une guerre par procuration en Syrie, Liban, Irak et Yémen, avec un réel risque d'internationalisation eu égard à l'ingérence des puissances dans cette région sensible en situation pré explosive. L'Europe, pour des raisons de modernisation des arsenaux nationaux, occupe le troisième rang suivie des Amériques et du continent africain moins dépensier en dépit d'une conflictualité intra-étatique à visage ethnique, confessionnel, tribal, clanique, l'implantation endémique d'un terrorisme à effet domino en métastase continue, la prolifération de la piraterie dans le Golfe de Guinée, de la criminalité transnationale et la résurgence sporadique de quelques conflits interétatiques de moyenne intensité. Dans cette partie du monde, l'Afrique du Nord est en tête de peloton des importations des armes avec dans l'ordre l'Egypte, l'Algérie et le Maroc. LIRE AUSSI : Sahara : La décision américaine renvoie « le référendum d'autodétermination aux calendes grecques » Répartition géographique comparée des transfert d'armes Les grands exportateurs d'armes mondiaux Le SIPRI a identifié 65 pays exportateurs d'armes à travers le monde où les cinq continents sont représentés. Dans le top 6 figurent dans ce nouvel ordre, les USA , la Russie, la France, l'Allemagne, la Chine et le Royaume Uni. Ces pays totalisent à eux seuls près de 80% des ventes mondiales. On y remarque les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l'Allemagne et, qui nous rappelle un P 5+1 dédié au programme nucléaire iranien. Un paradoxe, un de plus qui dénote si besoin en est, cette schizophrénie des grandes puissances jouant aux pompiers –pyromanes au gré des entreprises de défense florissantes qui ne connaissent jamais les temps de crise. En outre, ces marchands d'armes continuent d'en fournir aux pays qu'ils épinglent pour atteinte aux droits de l'Homme, en dépit des directives sur les exportations des armes qui « représente un risque manifeste qu'elles peuvent utiliser à des fins de répressions internes. » Sur les sept pays principaux exportateurs, les USA caracolent toujours en tête des ventes avec un pourcentage de 37% des opérations mondiales par rapport au quinquennat précédent. Par ailleurs, une cinquantaine de pays ont réalisé un total de 9,6% des deals des armements destinés à l'exportation. Les dépenses militaires enregistrées selon les données disponibles du SIPRI de 2020, sont passées de 1719$ à 1830 milliards $ soit une augmentation de 3,9%. Elles représentent 2,2% du PIB mondial. Le pays de l'oncle Sam, avec 732 milliards $ reste le plus dépensier suivi de la Chine, l'Inde, la Russie et l'Arabie saoudite et totalisent à eux seuls 62% des dépenses militaires mondiales. Rapportées au PIB, ce dernier pays et les Emirats Arabes Unis avec respectivement 8 et 5,6% sont les plus prodigues suivis des USA avec 4,7%. Répartition des pourcentages exportations militaires par pays Les principaux pays importateurs Le SIPRI, dans cette édition, met en évidence le top ten des importateurs des armes majeures. Hormis l'Inde, le Pakistan et la Corée du sud pour des raisons objectives de conflit récurent aux frontières qui incitent les uns et les autres à la course aux armements pour faire face à cette situation d'incertitude et d'imprévisibilité, les autres pays appartiennent au monde arabe. La menace iranienne, la nécessité d'assurer la sécurité des frontières terrestres et maritimes, ne peuvent justifier un tel engouement pour un armement excessif. Seules les ingérences dans des conflits extérieurs pourraient en être une explication, posture qui contribue à exacerber une instabilité dans l'espace MENA en soutenant des acteurs antagonistes. Le marché informel hors portée du SIPRI Reste l'équation du volume des armes écoulées au « marché gris » dont la frontière entre le licite et l'illicite est ténue, celles détenues par les entités terroristes et séparatistes, la société criminelle. Un volume sans doute énorme qui passe entre les mailles du filet et tombe généralement entre de mauvaises mains. Du Polisario au Hezbollah en passant par les milices chiites de Syrie et d'Irak et dans l'escarcelle des Houtis, les armes circulent à flot dans l'indifférence internationale (excusez l'euphémisme) pour attiser et faire durer les conflits. Ni le « Registre des armes classiques de l'ONU » (UNROCA), outil de transparence et d'alerte précoce dans ce domaine, ni le « Traité sur les armes classiques » de 2013 signé par 130 pays et ratifié par 109, n'ont réussi à résoudre cette équation. Si on y ajoute les stocks désuets normalement destinés à la destruction prévue par la réglementation, mais refilés généralement aux pays du Sud, on s'apercevra de la triste réalité de ce marché florissant qui continue sa perfusion des économies riches avec l'arrogance d'un secteur qui ne connaît pas de crise et nargue l'inédite pandémie de la COVID-19 dont tout le reste de l'économie mondiale a subi les effets dévastateurs.