Organisé du 6 au 8 février à Addis Abéba sous une forme virtuelle, le dernier Sommet placé sous le thème « Art, culture et patrimoine : levier de l'Afrique que nous voulons » a abordé aussi la réalité factuelle de la pandémie et de la problématique sécuritaire. A juste titre, il a occupé les esprits des dirigeants africains qui ont participé à ce Sommet. Néanmoins, le passage de témoins de la présidence tournante du Président Sud-Africain Cyril Ramaphosa au Président congolais Félix Tshisekidi , la réforme institutionnelle et structurelle de cette instance dans le sillage du rapport Kagamé, l'élection du leadership de la Commission de l'Union et la mise en place de la zone de libre-échange africaine(ZLECA) figuraient parmi les points à l'ordre du jour. La pandémie a bousculé l'agenda du Sommet. La Covid 19 a été très prégnante dans le discours du Président sortant dont le pays très touché connait un variant beaucoup plus dangereux . Selon le centre de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC) quelques 3.700.000 cas , 97.000 décès ont été enregistrés en Afrique avec un taux de létalité de 3,5% supérieur à la moyenne mondiale. La réalité de la faiblesse du système sanitaire, du nombre de tests et le retard dans la vaccination des populations a été soulignée. Le Président en exercice a salué la collaboration et la coordination dans la lutte contre la pandémie et a promis la mise en place « stratégie continentale, le renforcement du fond africain pour la COVIC19 , la mise en place d'une plateforme africaine pour l'acquisition des matériels médicaux, enfin l'accélération des tests et de l'approvisionnement vaccinal ». La problématique sécuritaire : un frein au développement. En dressant une cartographie de la conflictualité en Afrique, force est de constater que hormis l'émergence du différend frontalier entre l'Ethiopie et le Soudan les conflits inter-états ont quasiment disparu. Néanmoins la conflictualité interne reste prépondérante sur le continent dans son aspect multiforme et polymorphe. Le terrorisme au Sahel ; dans le bassin du Lac Tchad, au Nigéria, en Somalie et même au Mozambique demeure la menace la plus endémique et ne cesse de s'étendre faute d'approche globale, d'absence de solidarité, de stratégie intégrée au sein des coalitions et de l'impréparation à ce défi en constante mutation. La conflictualité intercommunautaire dans ses aspects ethnique, confessionnelle, tribal et clanique ne cesse de s'exacerber. Selon le Peace Rechearche Institute d'Oslo, le nombre de conflits armés est passé de 7en 2005 à 24 valeur aujourd'hui ; les pays concernés sont la Libye, le Soudan, le soudan du sud ; la RDC, la République centrafricaine, le Cameroun, l'Ethiopie, le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Aussi, la piraterie dans le Golfe de Guinée et la prolifération de la criminalité transfrontalière viennent compléter ce sombre tableau du continent, considéré comme le plus conflictuel et le plus instable au monde avec toutes les répercussions négatives sur son développement en dépit des richesses de ses ressources humaines et de son sous-sol. L'Election du leadership de la commission de l'UA. LE 34ème Sommet de l'Union Africaine a procédé à l'élection des commissaires de la commission en fin de mandat ; c'est ainsi que nous avons noté quatre reconductions, une nouvelle élection et le report du commissariat a la santé, affaires humanitaires, développement social, éducation ,science ,technologie et innovation à la prochaine réunion du conseil exécutif (incompréhensible en période de pandémie). Sans surprise et seul candidat à sa propre succession, le tchadien Moussa Faki Mahamat a pu recueillir la majorité des deux tiers des votes requis pour sa réélection . L'autre reconduction concerne les commissaires à l'agriculture, développement rural, économie bleue et environnement durable. Le zambien Albert Muchanga également réélu aux affaires économique, commerce ; industrie et mines . Le poste de la vice-présidence est tombé dans l'escarcelle du Rwanda en la personne de Monique Nsanzagnwa et le désormais commissariat aux affaires politiques, paix et sécurité change de mains au profit du Nigéria dont le diplomate Bankol Adeoye devient le titulaire. Le Commissariat aux affaires politiques, paix et sécurité enfin libéré. Considéré comme le cœur du réacteur de la commission de l'Union Africaine, le conseil paix et sécurité créé par le protocole de Durban en 2020 , entré en vigueur en 2003 et opérationnalisé l'année suivante. Organe budgétivore avec 62% du budget de l'Union et une structure devenue au fil de l'exercice un outil entre les mains de certains grands contributeurs qui l'utilisent à des fins de maitrise de leurs agenda et décisions politiques propres. Depuis son installation cette institution a souffert de la mainmise de l'Algérie dix-sept ans durant . A coup de manipulation, d'instrumentalisation , de fraudes électorales et d'usage de cette arme de destruction massive corruptive (sport national algérien) incarnée par les Saïd Djinnit, Ramtane Laamamra et le tout dernier Ismail Chergui, ils en ont fait un outil exclusivement dédié à la nuisance au Maroc et à son intégrité territoriale, et au soutien d'un rejeton en mal de visibilité et de reconnaissance. Les succès engrangés par la diplomatie marocaine a permis à leurs derniers soutiens de se réduire comme « 'peau de chagrin » ou fondre comme « neige au soleil' » au grand dam des défenseurs des causes illégitimes et anachroniques. Résultat des courses : un dividende politique et stratégique très proches du niveau de la mer et dont le non-Maghreb continue de pénaliser la population de cette Région de près de 2,8% du PIB. Quel gâchis ! En élisant un nigérian à la tête de cette structure hautement stratégique, ce trente quatrième sommet aura marqué l'histoire de notre organisation qui a mis fin à cette hégémonie préjudiciable. J'ose parodier le discours du Général de Gaulle de paris en 1944 pour dire « CPS outragé, CPS brisé, CP martyrisé, mais CPS libéré ». La réforme de l'Union : Un ambitieux chantier inachevé. Face au consensus sur le caractère obsolète des institutions de l'Union , le Président Kagamé s'est vu confier la tâche de proposer des réformes censées redonner de la fluidité , de rationalisation, de l'efficacité et de l'harmonie au fonctionnement de l'Union. Le rapport qui porte son nom a fait des recommandations audacieuses dont le résultat est certainement mitigé. A ce stade celles réalisées concernent la réduction du nombre de commissaires de huit à six pour éviter des chevauchements, la mise en place de la ZLECA, la parité dans la répartition des postes de responsabilités dans les institutions de l'UA et la garantie des équilibres régionaux. Reste que les plus importantes tardent à voir le jour, dont la taxe kaberuka de 0,2% sur les importations des produits dits éligibles ; son apport estimé à 1,2 milliards ne suscite pas un consensus même si 23 pays l'auraient déjà signé, et 13 dont le Maroc ont commencé à verser des fonds. Cette taxe permettrait à l'UA d'atteindre son autonomie financière seul gage d'une indépendance stratégique, de maitrise de ses décisions et de son agenda. La réticence de certains grands contributeurs, et des pays de l'Afrique Australe en serait la cause sous prétexte d'incompatibilité constitutionnelle ou avec les règles de l'organisation mondiale du commerce. Par ailleurs le fond pour la paix de 400 Millions $ n'en recueillerait valeur aujourd'hui que 80, réduisant ainsi à la baisse l'ambition initiale de promotion, de renforcement de la paix et de réduction de la conflictualité dans le continent. La proposition de la révision des barèmes des contributions et des sanctions immédiates contre les retards de paiements y relatives tardent à se concrétiser. Enfin le programme « Faire taire les armes en Afrique en 2020 » décidé lors du cinquantième anniversaire de l'UA EN 2013, et soutenu dans un cadre partenarial conjoint ONU-UA pour créer une Afrique sans conflit est certainement le moins abouti. Aussi l'épineux problème des réfugiés et déplacés en Afrique ne cesse d'être un sujet de grande préoccupation du haut-commissariat des Nations Unies aux réfugiés ; Sur 70,8 millions de réfugiés, demandeurs d'asile, de déplacés à travers le monde, 29 millions (dont 72% déplacés internes) ont été recensés en 2020 en Afrique, enregistrant une augmentation de 16% par rapport à l'année précédente. Cette situation, avec tous ses dégâts humanitaires collatéraux dénotent si besoin l'incapacité des institutions africaines dédiées à assurer une déconfliction, une réconciliation interne qui permettraient aux populations déracinées un retour dans leur pays stabilisés et en paix. Sécuriser par le développement ou développer par la sécurité ; tel est le challenge et l'équation indivisibles que l'Union Africaine est appelée à résoudre ; Ceci passe par la coopération solidaire, à cette problématique globale indispensable à une approche globale, une stratégie globale par et avec des acteurs globaux dont le corollaire est l'incontournable bonne gouvernance, maillon faible de cette organisation continentale. (*) Hassane Saoudi est chercheur associé à l'IRES