Décidemment, la crise en Algérie est multidimensionnelle et n'épargne aucun secteur. Celui de la santé reste le plus affecté avec un déficit criant en infrastructures et la pénurie de médicaments pour les malades, notamment les enfants cancéreux. Cette situation alarmante a poussé les professionnels à tirer la sonnette d'alarme sur les répercussions des ruptures cycliques des médicaments sur la santé des enfants cancéreux et la hausse des taux de récidives, jamais enregistrée auparavant. La rupture de ces produits dans le traitement des leucémies, tumeurs du cerveau, cancer des os et les lymphomes chez les enfants a même déclenché une panique générale dans les services d'oncologie pédiatrique à travers le territoire algérien. Dans ce sens, les soignants ont lancé des SOS dans lesquels ils évoquent une « situation intenable », une grosse rupture nationale des médicaments étant enregistrée pour la prise en charge de ces enfants, notamment le Méthotrexate haute dose, l'Aracytine et l'Asparaginase. « Nous ne pouvons pas continuer à soigner dans de telles conditions. Nous avons vécu le même problème le mois de septembre 2020 et voilà trois mois après, nous faisons face à une situation similaire », lance le Pr Houda Boudiaf, chef de service d'oncologie pédiatrique au Centre hospitalier universitaire (CHU) Mustapha Bacha, dont le cri coïncide avec la Journée internationale du cancer de l'enfant (15 février). Tout en avertissant que les malades sont en danger de mort, la spécialiste a affirmé que « les professionnels ne peuvent pas se taire devant une telle situation dont la détresse des parents est incommensurable ». « Nous n'avons jamais eu autant de cas de récidive de maladie », a-t-elle regretté. Les professionnels demandent des médicaments pour soigner les patients, ni plus ni moins, note-t-elle. « Nous comprenons que la pandémie a effectivement bloqué les importations, mais on ne peut pas compromettre le pronostic de nos patients. On a bien pu importer des masques, des blouses et des vaccins, pourquoi pas le Méthotrexate qui est un produit vital et autres médicaments », s'est-elle offusquée, rappelant que quatre drogues majeures utilisées sont en pénurie. Et le Pr Houda Boudiaf de se demander : « Comment allons-nous faire. On nous demande de changer de protocole, alors qu'il n'y a pas de produits de substitution ». « Nous sommes contraints de donner des ordonnances aux parents afin qu'ils essayent par eux-mêmes de se procurer ces médicaments. Pourquoi le problème ne se pose pas ailleurs dans le monde ? Pourquoi tant de négligence ? » a-t-elle lancé. Pour elle, la « situation est inquiétante » pour les jours à venir, sachant que les taux de récidives augmentent de jour en jour et la demande de soins sera de plus en plus importante. « Ces molécules sont indispensables pour la guérison de ces maladies », insiste-t-elle. Ces ruptures de médicaments favorisent la progression de la maladie et les rechutes qui peuvent être fatales pour les patients, a mis en garde pour sa part le Pr Fatiha Gachi, chef d'unité oncologie pédiatrique au Centre Pierre et Marie Curie, expliquant qu'une leucémie non traitée peut évoluer rapidement et le pronostic vital est vite engagé. Le cancer de l'enfant, indique-t-elle, doit être pris en charge rapidement, vu l'évolution fulgurante de certaines formes de tumeurs, notamment les pathologies les plus fréquentes, les tumeurs cérébrales, les leucémies, les lymphomes, les neuroblastomes, rétinoblastomes et néphroblastomes, dont les incidences augmentent chaque année. « Nous sommes confrontés au retard de la prise en charge dont des complications sont aujourd'hui très nombreuses, notamment les métastases, grosse, tumeurs, récidives », s'alarme-t-elle, notant que cela est dû au fait que soit les malades ne consultent pas à cause de la pandémie Covid-19 ou bien pour manque de médicaments, notamment le Méthotrexate et autres produits qui sont actuellement en rupture de stock à la PCH. De son côté, le professeur Kamel Bouzid, président de la Société algérienne d'oncologie médicale, s'est demandé sur les raisons de ces ruptures cycliques d'un vieux médicament générique dont « le prix est dérisoire ». Expliquant cette situation, la directrice de la PCH, Fatima Ouakti, a affirmé que la rupture du Méthotrexate est liée au problème de fabrication et d'approvisionnement de la matière première en Inde et en Chine, impactées par la pandémie, soulignant toutefois que ce produit est difficile à fabriquer en Algérie de par son instabilité. En attendant les premières livraisons, qui devraient, selon des sources officielles, arriver dans un mois ou plus, les listes de malades s'allongent dans les services d'oncologie pédiatrique dans un pays malade de son système sanitaire.