Khadija, Ilham et Basma, âgées respectivement de 7 mois, 2 ans et demi et 15 ans, sont des enfants cancéreux. Leurs histoires sont émouvantes et révèlent l'espoir et la peur de leurs parents. Un combat quotidien face à la maladie. Mardi 6 juin. Il est 8 h 30 mn du matin. Une quarantaine de personnes investi l'unité d'hémassent-oncologie pédiatrique de l'hôpital d'enfants de Rabat. Visages crispés, des parents portent leurs enfants malades dans leurs bras. Ils viennent de différentes villes du Royaume. Appartenant à des niveaux socio-économiques différents, ils ont un seul point en commun, en l'occurrence la maladie qui frappe leurs progénitures. La plupart de ces familles sont indigènes et analphabètes. Chacune attend patiemment son tour pour rencontrer le médecin. Les heures apparaissent plus longues que d'habitude. Assise sur une chaise, Farida, mère de trois enfants, porte sa petite fille cancéreuse de 7 mois, Khadija. Ayant passé la nuit à la maison de l'Avenir, elle est venue de Marrakech pour faire examiner son bébé. Khadija souffre d'un neuroblastome, une tumeur maligne touchant le système nerveux sympathique et qui se développe le plus souvent au niveau abdominal. Après avoir subi une opération chirurgicale, elle a bénéficié en phase post-opération d'un traitement médical. Face à la maladie de son bébé, Farida montre un courage et une résistance remarquables. « Au début, l'annonce que mon enfant a le cancer était un choc pour moi. J'ai pleuré. J'étais anéanti. Mais plus tard, j'ai réalisé qu'il faut que je sois forte pour ma fille. J'ai appris à accepter sa maladie et vivre avec. La foi en Dieu m'aide beaucoup. C'est Dieu qui me l'a offerte et c'est Dieu qui la protégera.», confie–t-elle. Loin des autres patients, Basma, est assise sur une chaise roulante. Cette adolescente à la fleur de l'âge attendait calmement avec sa mère dans le couloir. Habillée d'un jean bleu et d'un tee-shirt orange, elle scrutait avec ses yeux doux les autres enfants malades. Originaire de Tanger, elle est atteinte d'une tumeur osseuse. Depuis plus d'un an, elle mène avec ses parents une lutte quotidienne contre sa maladie. Auparavant, Basma était dynamique, vivante et une élève assidue. La survenue de la maladie a fait tout basculer dans sa vie. En raison de sa tumeur osseuse, elle a interrompu ses études. L'ablation chirurgicale d'une partie de son pied droit et les séances de chimiothérapie rendent les choses encore plus difficiles pour elle et ses parents. Cependant, Basma fait preuve de courage inégal. Patience, espoir, tels sont les maîtres-mots de cette jeune fille. « A ceux qui souffrent de la même maladie que moi, je leur dis: armez-vous de patience et d'espoir. Un jour on guérira. », a tenu Basma à exprimer, le sourire aux lèvres. En regardant sa fille, la mère a du mal à contenir ses larmes. « Je suis prête à faire tout ce qui est dans mon possible pour sauver ma fille et lui rendre son sourire d'autrefois. C'est un combat de tous les instants que je mène. Malgré la souffrance et le traitement onéreux, je n'abandonnerai pas ma lutte par amour à ma fille. » confie -t-elle, les larmes aux yeux. Et d'ajouter « Je ne compte plus l'argent qu'on dépense. Les dépenses sont énormes. A titre d'exemple, les frais du transport nous coûtent parfois 2000 DH le jour ». En effet, les cancers de l'enfant nécessitent un traitement long, dur et onéreux. Selon les données fournies par l'Association Avenir, le traitement par chimiothérapie coûte de 7000 à 50 000 DH en moyenne par malade selon le type de cancer. Le prix des médicaments (antibiotiques, antalgiques et autres) est de 1000 à 60 000 DH par patient. La durée du traitement est variable allant de 3 mois à 3 ans. Dans un autre coin, un père, Mohammed, originaire de Tétouan, tente de calmer sa petite-fille très agitée, Ilham. Souffrant d'une tumeur appelée tératome, la petite Ilham, qui n'a pas encore terminé ses trois printemps, a subi une intervention chirurgicale. Après quoi, elle vient à l'hôpital de Rabat tous les 15 jours pour son traitement médical. Un déplacement qui occasionne des frais de plus pour le père. « Sincèrement, je n'ai pas les moyens pour soigner ma fille. S'il n'y avait pas les dons des bienfaiteurs, j'aurais abandonné le traitement de ma fille depuis longtemps. Le traitement est très coûteux et au-dessus de mes moyens. En plus, j'ai sept enfants à nourrir. », explique-t-il, l'air on ne peut plus angoissé. Des cas comme Mohammed, sont nombreux au Maroc. Pauvres et n'ayant même pas de quoi payer le transport, certains abandonnent le traitement de leurs enfants, qui meurent dans de grandes souffrances. En effet, les malades sont pour la plupart d'un niveau socio-économique bas (58 %) ou moyen (24%); seuls 15 % des patients sont mutualistes et 3 % sont issus de familles aisées. « Après la création de la Maison de l'Avenir, le nombre d'abandons a chuté. Ce centre d'accueil loge les enfants qui sont suivis à l'unité d'hémato-oncologie pédiatrique de l'hôpital d'enfants de Rabat, et leurs parents résidant dans des régions éloignées. », souligne Fouzia Msefer Alaoui, chef du service d'hémato-oncologie pédiatrique de l'hôpital d'enfants de Rabat et directrice de la Maison de l'Avenir. Cependant, plusieurs enfants meurent chaque année faute de traitement et à cause du manque d'infrastructures. Les trois unités principales hôspitalières de Rabat et de Casablanca (hôpital d'enfants de Rabat, Hôpital du 20 Août et hôpital d'enfants de Casablanca) ne répondent plus aux besoins des patients. En outre, le nombre de médecins spécialisés et de personnel paramédical bien informé reste insuffisant. Les ruptures de stocks des médicaments (au niveau de la pharmacie de l'hôpital et dans les pharmacies de la ville) est un problème majeur et responsable de nombreux échecs. Beaucoup de patients sont insuffisamment traités par manque de médicaments. En terme de chiffres: 1200 à 1500 enfants, chaque année au Maroc, sont atteints d'un cancer. Seulement 700 nouveaux cas sont diagnostiqués. « Le cancer est une maladie qui peut être guérie. Malgré les moyens limités, deux sur trois malades guérissent au Maroc. A titre d'exemple, le taux de survie concernant la leucémie s'est sensiblement amélioré. Il est passé de 15% en 1982 à 60% en 1998», explique Pr Fouzia Msefer Alaoui.