Alors que le polisario déclarait via la presse algérienne se préparer à la guerre, l'ONU rapportait des échanges de tirs entre le polisario et les Forces Armées Royales dans la nuit du lundi au mardi. Entre propagande et fake news du polisario qui tente tant bien que mal de rejeter la faute sur le Maroc, Dr. Yasmine Hasnaoui, experte dans la question du Sahara et les Affaires Maghrébines, nous explique l'impact potentiel de ces provocations du polisario sur la table des négociations ainsi que l'évolution du dossier au sein de l'ONU. MAROC DIPLOMATIQUE : Quelle est votre lecture des événements en cours à El Guergarat ? Yasmine Hasnaoui : L'intervention du Maroc est normale et légitime ! Si le Maroc et les Forces Armées Royales sont attaqués, elles ne vont pas croiser les bras ! Le Maroc a toute sa légitimité internationale pour défendre son territoire. D'ailleurs, rappelons que la zone tampon a été déléguée par le Maroc à la Minurso durant l'accord militaire numéro 1, afin que celle-ci supervise le cessez-le-feu. Donc, si les milices du polisario attaquent cette zone, le Maroc va répliquer tout en respectant le droit international, cela rentre dans ses attributions. Par ailleurs, le Maroc a tout le soutien de la part de la communauté internationale suite à cette riposte. Malheureusement de l'autre côté, il y a eu une propagation monstre de fake-news à travers la presse algérienne qui ressort d'anciennes photos, vidéos, alors qu'il n'y a eu aucun dégât humain ! Ce qu'il y a eu, ce sont des dégâts matériels de la part des membres du polisario, qui ont allumé le feu dans les tentes avant de fuir Mahbes et Guergarat, et qui ont aussi provoqué les FAR et la Minurso, avec des jets de pierres sur leurs hélicoptères. Les FAR ont néanmoins entamé cette opération sans aucune intention belliqueuse. Mais le polisario déclare quand même avoir manifesté pacifiquement, bien que des vidéos et des photos montrent le contraire. Il n'y a rien de pacifique dans ce comportement, c'est du harcèlement et tout le monde sait à présent, qui est le véritable provocateur. MD : Comment a évolué la question/le statut du Sahara à l'ONU au fil des années ? Y.H : Depuis que le référendum d'autodétermination n'est plus dans les annales ni dans les résolutions du Conseil de Sécurité, l'ONU a ouvert la voie devant une autre forme d'autodétermination, c'est-à-dire trouver une solution pragmatique basée sur le compromis. Le Maroc y a concrètement adhéré en 2007 en mettant sur la table son initiative de négociation de statut d'autonomie pour le Sahara. Il ne s'agit pas uniquement de la position du Maroc, mais également celle du Conseil de Sécurité, du Secrétaire Général et de l'ensemble de la communauté internationale. Par ailleurs, aucune des 34 dernières résolutions depuis 2001, ne mentionne ou ne fait la moindre référence au référendum, contrairement à ce que propage le polisario avec l'aide de l'Algérie. L'Assemblée Générale de l'ONU a définitivement délaissé l'idée de référendum depuis 18 ans. L'évolution du dossier du Sahara à l'ONU a par ailleurs, connu un élan important suite à la tenue des tables rondes de Genève dirigées par l'ancien envoyé spécial auprès du SG de l'ONU, M. Horst Köhler, qui a appelé les quatre parties concernées à trouver une solution politique à ce conflit. →Lire aussi : Mohamed Benhamou : « La dynamique diplomatique marocaine a complètement écrasé ce qui restait du rêve du polisario » MD : Que fait l'Algérie en attendant ? Y.H : Depuis 2007, le Conseil de Sécurité a mis en exergue l'absence de l'Algérie pour la résolution de ce conflit. À plusieurs reprises il a appelé à plus d'implication dans le processus de négociation, c'est une interpellation par rapport à un rôle que tout le monde lui reconnait. Elle est dans la genèse de ce différend depuis 1963 et encore plus avec le deuxième président Boumediene, qui a contesté l'action du Maroc à réintégrer les provinces du sud en 1975. D'ailleurs, elle est citée plus de cinq fois dans les résolutions ! Elle est aussi appelée à faire le recensement dans les camps de Tindouf, car il s'agit du seul camp où ne savons pas combien de personnes se trouvent. Ainsi, l'Algérie a un rôle et une influence essentiels sur le polisario qu'ils utilisent comme des marionnettes. Elle est également son soutien financier, logistique et politique. Regardez maintenant avec ce qui se passe à Guergarat, elle ouvre les camps de Tindouf et pousse des personnes à traverser des champs minés et des frontières pour se rendre dans une zone tampon. Elle met leur vie en danger, tout ça pour harceler des civils et des Casques bleus, et détruire une route qui sert uniquement le flux commercial. De telles provocations sont inacceptables, en période de pandémie, durant laquelle des personnes ont perdu leur emploi et ou la vente de fruits et légumes connait aussi une crise. Tout cela c'est mettre fortement en danger la stabilité de la région. MD : Pouvez-vous nous rappeler les résolutions qui ont été en faveur du Maroc ? Y.H : L'incident de Guergarat est survenu suite au résultat des dernières résolutions de l'ONU et du dernier rapport du Secrétaire Général qui appuie une solution politique pragmatique basée sur le compromis. Ainsi, les résolutions 2440, 2468, 2494 et 2448, depuis 2007, s'alignent avec le plan d'autonomie proposé par le Maroc et que beaucoup de pays considèrent comme une solution crédible à ce conflit qui dure depuis plus de 45 ans. MD : Ces résolutions sont-elles le déclencheur de ces provocations ? Y.H : Cette légitimité donnée au Maroc a déplu au polisario et à l'Algérie qui a décidé de défier la communauté internationale en bloquant le passage de Guergarat, en envoyant des femmes, des enfants et des personnes âgées de Tindouf, encadrés par les milices du polisario à détruire la route reliant la frontière marocaine avec la Mauritanie. Le polisario était présent dans cette zone tampon depuis le 21 octobre, ses membres ont harcelé les Casques bleus malgré les appels de l'ONU. Le Maroc a lui aussi alerté à plusieurs reprises le Secrétaire Général de l'ONU de ces développements graves, et de la violation par le polisario des résolutions et des accords militaires. Après une longue retenue, il n'a eu d'autre choix que de mettre fin à cette impasse pour restaurer la liberté civile du mouvement commercial. MD : Quels pays soutiennent le Maroc au sein du Conseil de Sécurité ? Y.H : Nombreux sont les pays qui nous soutiennent, grâce à l'action de notre société civile et de la diplomatie marocaine. D'ailleurs, le langage a beaucoup changé dans les résolutions. À titre d'exemple, la Russie qui était généralement contre le Maroc à travers ses votes, a évolué vers une position plus neutre et s'abstient. Ceci grâce aux actions du Maroc avec les homologues russes. Les relations sont donc au beau fixe, un changement s'opère, et la plupart des pays du Conseil de Sécurité sont en faveur d'une solution pragmatique basée sur le compromis. D'ailleurs, la plupart pointent également du doigt l'Algérie qui devrait s'impliquer davantage. Enfin, plus de 80% des Etats membres de l'ONU s'alignent avec la proposition du Maroc. Cela montre qu'il s'agit d'un conflit artificiel qui a été résolu en 1975 lorsque le Maroc a rejoint ses provinces du sud après le départ de l'Espagne. Maintenant il faut que le Conseil de Sécurité et la communauté internationale se réunissent au plus vite pour condamner ces actes et envoyer des messages clairs à l'Algérie, qui doit cesser ces provocations. MD : Sa Majesté le Roi Mohammed VI s'est entretenu il y a quelques jours avec le Secrétaire Général de l'ONU. Que signifie selon vous cet échange ? Y.H : Rappeler tout d'abord que le Maroc ne s'est pas défendu à la première occasion, et qu'il a rappelé à l'ONU à plusieurs reprises les violations du polisario dans la zone tampon et de l'accord militaire numéro 1. Il y a eu des condamnations de Guterres pour que le polisario sorte de ces zones tampons, mais pas de réelle action de la Minurso. Donc le Maroc en toute légitimité est parti pour répliquer et défendre son intégrité territoriale. Le Royaume s'aligne avec le Conseil de Sécurité, mais dans le cadre du respect de l'intégrité territoriale. Je pense donc que cet échange visait à faire ce rappel et qu'il allait dans le bon sens. MD : Quelles conséquences pourraient avoir les agissements actuels du polisario sur la table des négociations ? Y.H : Ces agissements représentent déjà l'énergie du désespoir du polisario qui vit une crise humanitaire et sociale dans les camps de Tindouf. Les jeunes Sahraouis sont contre le leadership du front séparatiste, contre les généraux algériens de l'armée nationale populaire qui ne cesse de leur dire de patienter. Ces jeunes Sahraouis séquestrés dans ces camps sont conscients de la réalité, beaucoup de manifestations ont eu lieu à Tindouf contre le leadership du polisario. Mais ces derniers continuent de les enfermer dans ces camps pour s'enrichir au détriment de ces familles, à travers notamment le détournement de l'aide humanitaire et les quelques pétrodollars du régime algérien. Tout cela, alors que 73% de la population sahraouie vit au Maroc et milite au sein de partis politiques nationaux et participe depuis 1976 à toutes les élections qui se déroulent au Maroc afin de désigner le représentant au parlement. Le polisario, quant à lui, n'a jamais enregistré la moindre évolution et continue d'imposer sa dictature dans les camps de Lahmada et de Tindouf, sous les ordres du régime algérien. De plus, rappelons que plusieurs membres du polisario sont liés à des groupes terroristes armés qui représentent une menace pour la région. La Communauté internationale doit être consciente que ce dossier, même si c'est un différend artificiel qui a grandi, doit à présent être pris au sérieux, car il implique un problème de terrorisme. Elle doit également être consciente de ce que représentent ces camps, au moment où le Maroc devient un partenaire important pour de nombreux pays, dans le cadre d'une collaboration gagnant-gagnant. L'ONU doit en finir avec ce conflit artificiel qui ne mènera à rien, qui représente uniquement un danger pour toute une région et entrave le partenariat avec l'Afrique.