A un mois et des poussières du scrutin du 03 novembre, les Américains, dont certains ont déjà envoyé leur bulletin de vote, auront les yeux rivés mardi soir sur leurs écrans pour un duel choc entre les deux prétendants à la Maison Blanche, Donald Trump et Joe Biden. Pour leur premier face à face télévisé, les deux candidats sont attendus de pied ferme lors d'une élection qui s'annonce d'ores et déjà historique, où non seulement deux partis, mais deux visions radicalement opposées de l'Amérique s'affrontent. Animé par le journaliste de Fox News Chris Wallace, qui avait notamment confronté Trump lors d'une interview cet été, ce premier débat portera sur des sujets déjà connus des téléspectateurs: le bilan de Trump et de Biden, la Cour suprême, la pandémie de Covid-19, l'économie, les questions raciales et la violence dans les villes américaines et l'intégrité électorale. Dans cet exercice périlleux, aucun des deux candidats n'a droit à l'erreur. Si Trump part de la position peu enviable d'outsider, étant donné ses retards persistants dans les sondages nationaux et étatiques, Biden, quant à lui, devra à tout prix éviter les nombreux pièges qui seront tendus par son adversaire. Car, en effet, avant même que les candidats ne se retrouvent à Cleveland, en Ohio, la guerre psychologique a déjà commencé. Pas plus tard que dimanche, Trump a pointé du doigt les capacités cognitives de celui qu'il appelle Joe l'endormi, accusant son rival de se « doper ». « J'exigerai fortement un test de dépistage de drogue de Sleepy Joe Biden avant ou après le débat de mardi soir. Naturellement, j'accepterai d'en prendre un aussi. Ses performances lors des débats ont été INEGALES, pour le dire légèrement. Seuls les médicaments pourraient avoir causé cet écart ??? », s'est interrogé Trump sur Twitter. Ces remarques interviennent après que l'équipe de Biden a récemment déclaré au quotidien britannique « The Guardian » qu'elle espérait une répétition de sa performance exceptionnelle et énergique au débat de 2012 contre le colistier de Mitt Romney de l'époque, Paul Ryan, qui avait contribué à revigorer la campagne électorale du président Obama. Les performances du candidat démocrate depuis lors ont été entachées de gaffes verbales répétées. Pour certains observateurs, la stratégie de Trump, 74 ans, qui consiste à dépeindre Biden, 77 ans, comme étant sénile à coups de montages publicitaires, pourrait se retourner contre lui. « Le président Trump s'est acharné à persuader ses partisans que Joe Biden est confus et incohérent. Cela pourrait se retourner contre lui si M. Biden ne correspond pas à cette caricature », a notamment écrit le New York Times. De son côté, Biden aura la lourde tâche de rectifier les contre-vérités potentielles que Trump pourrait prononcer lors du débat, d'autant plus que Chris Wallace ne procédera pas à la vérification des faits avancés par les candidats en direct. Si cette vérification semble essentielle pour les stratégies des candidats, notamment pour le clan Biden, c'est loin d'être une tâche aisée. Comme l'a expliqué à CNN le doyen de Lawrence Herbert School of Communication de l'Université Hofstra, Mark Lukasiewicz, « le mensonge marche à la télévision en direct ». « La vérification des faits en direct est presque impossible et généralement pas très efficace », a-t-il soutenu. Ce premier débat intervient aussi dans un contexte particulièrement tendu, marqué par de profondes divisions idéologiques sur la brutalité policière et le racisme aux Etats-Unis, ainsi que la gestion de la pandémie de coronavirus, qui a coûté la vie à plus de 200.000 Américains. Pour couronner le tout, le décès de la juge Ruth Bader Ginsberg a déclenché une nouvelle bataille partisane belliqueuse au Sénat, un sujet que les deux candidats tenteront d'exploiter au maximum. Pour Trump, il s'agit de démontrer à sa base électorale que ses nominations à la Cour suprême lui garantissent des victoires cruciales dans la plus haute instance judiciaire du pays pour les années à venir, dans des dossiers sensibles allant du port d'armes à l'immigration, en passant par l'avortement. Quant à Biden, il tentera de mettre en relief l'hypocrisie des sénateurs républicains, qui avaient bloqué en février 2016 la nomination par Barack Obama d'un successeur au juge Antonin Scalia. A l'époque, Mitch McConnell et ses collègues avaient argué qu'un président ne devait pas nommer un juge à la Cour suprême lors d'une année électorale. L'ancien vice-président essaiera aussi d'avertir les électeurs que le choix de Trump pour remplacer la juge Ginsburg, à savoir Amy Coney Barrett, s'est déjà opposée publiquement à l'Affordable Care Act, dit Obamacare, le service d'assurance maladie très populaire aux Etats-Unis. Selon un nouveau sondage publié par le Washington Post-ABC dimanche, l'enthousiasme des électeurs américains atteint des niveaux records. Près de 6 électeurs inscrits sur 10 déclarant suivre l'élection « de très près », plus que tout autre élection présidentielle à ce moment de la course depuis 2000. Autant dire que mardi soir, Biden comme Trump, auront hâte d'en découdre.