Le confinement de leurs clients a été l'occasion de faire bouger les choses. Les notaires qui ont longtemps réclamé la dématérialisation des relations avec les différentes administrations en vue de réduire le délai de traitement des dossiers, voient ce grand chantier avancer, notamment à travers la dématérialisation de l'attestation de paiement des impôts et taxes grevant l'immeuble objet de cession. Le point avec Me Abdellatif Yagou, président du Conseil national de l'Ordre des notaires du Maroc (CNONM). MAROC DIPLOMATIQUE_ Que représente cette nouvelle mesure, en matière de dématérialisation des procédures administratives ? Me Abdellatif Yagou_ Cette nouvelle mesure représente le fruit d'un travail de longue haleine et d'un partenariat entre la Trésorerie Générale du Royaume (TGR) et l'Ordre National des Notaires du Maroc, dans le cadre de la modernisation et de la simplification des procédures administratives. Nous avons longtemps travaillé sur ce projet et ce confinement fut une occasion pour consolider nos efforts, avec tous nos partenaires concernés par la question du rapprochement de l'Administration des citoyens, par le biais de l'interconnexion entre la plateforme « Tawtik » de l'Ordre National des Notaires du Maroc et le système d'information de la TGR. Cette plateforme permettra, entre autres, le dépôt en ligne de la demande d'attestation justifiant le paiement des impôts et taxes grevant l'immeuble objet de cession, l'échange de données et d'informations nécessaires au traitement et au suivi de la demande et la délivrance sous format électronique de l'attestation. Ainsi, le dépôt de la demande et la délivrance de l'attestation du paiement des impôts et taxes grevant l'immeuble objet de cessions immobilières par voie notariale sont désormais dématérialisés. MD_ Cela va-t-il faciliter les tâches pour les citoyens ? Me Yagou _ Cette procédure pouvait prendre avant une période d'un mois et demi pour qu'elle soit réalisée et pour obtenir le document en question, aujourd'hui, ce n'est plus le cas, le délai a été réduit à 24H. Ce qui facilite les tâches pour toutes les parties concernées, notamment, les notaires et les citoyens. À travers cette plateforme, le notaire pourra également procéder au dépôt et à l'inscription des actes en ligne et réaliser la création de l'entreprise en 24 heures. Cette démarche en ligne constitue un gain de temps et de sécurité dans l'accomplissement de cette formalité. On peut dire qu'une telle mesure représente une avancée pour l'administration marocaine et va contribuer, notamment, à améliorer l'image de notre pays auprès des investisseurs étrangers. MD _ La digitalisation des procédures est-elle inévitable pour les notaires à l'heure actuelle ? Me Yagou _ Je tiens à rappeler que la dématérialisation constitue le point fort de la profession notariale, qui est pionnière dans ce domaine. Les notaires enregistrent leurs actes à l'heure actuelle en un clin d'œil, alors qu'avant cela pouvait prendre jusqu'à un an. Notre objectif, aujourd'hui, est d'atteindre une digitalisation complète de la profession. Parmi nos ambitions, permettre aux signataires d'un acte notarié de le signer à distance ou en visioconférence en toute sécurité. MD_ Concernant la signature électronique, comment procède-t-on au Maroc pour qu'une e-signature acquiert une valeur juridique équivalente à celle d'une signature manuscrite ? Me Yagou _ Le Maroc s'est doté d'un arsenal juridique lui permettant de reconnaître la signature électronique ; celle-ci est réglementée par la loi 53-05 relative à l'échange électronique des données juridiques. Dans ce cadre, la seule autorité agréée par l'Etat pour authentifier une e-signature, c'est bien Barid Al-Maghrib, qui a annoncé, récemment, la simplification de la procédure d'octroi des certificats de signature électronique Barid eSign, après l'obtention de l'accord du Régulateur (La Direction Générale de la Sécurité des Systèmes d'Information relevant du Ministère chargé de l'Administration de la Défense Nationale). Désormais, il n'est plus nécessaire de légaliser ni la signature ni le certificat lors du dépôt du dossier. D'ailleurs, c'est pour cette raison qu'au niveau du Conseil National, nous avons réclamé la nécessité d'accélérer la dématérialisation de l'acte notarié pour assurer la continuité de l'activité notariale, tout en insistant sur l'importance de l'élargissement de l'utilisation de la signature électronique eSign pour signer électroniquement les actes et les authentifier en ligne lors des différentes formalités moyennant un certificat électronique sécurisé et ce, conformément à la loi en vigueur. MD_ L'activité des notaires a baissé de 90%, selon le président du conseil régional des notaires de Casablanca. Peut-on estimer l'impact de Covid-19 sur la profession des notaires ? Me Yagou _ En effet, nous n'avons même pas atteint les 10% de nos activités professionnelles habituelles, depuis la reprise. Malheureusement, cette pandémie a impacté l'économie nationale de façon générale. La profession notariale, pour sa part, n'était pas à l'abri non plus, puisque la plupart des citoyens sont confinés et on ne peut pas leur demander de prendre le risque de sortir de chez eux pour la signature d'un acte notarié. En outre, les notaires n'ont pas tardé à prendre toutes les mesures préventives nécessaires dans le cadre de la lutte contre le coronavirus. Un arrêt d'activité a été décidé à la mi-mars dans le souci de se conformer aux directives du Gouvernement marocain qui a décrété l'état d'urgence sanitaire. Un mois plus tard, nous avons repris et ce de façon progressive et facultative, tout en veillant au strict respect des mesures sanitaires requises.