Alors que la reprise des cours présentiels, au Maroc, n'est prévue qu'en septembre, les classes virtuelles, elles, se poursuivent jusqu'au mois de juin, ce qui sous-entend que les familles marocaines auront encore des frais à payer. Une question qui fâche de nombreux parents d'élèves, touchés de plein fouet par les conséquences économiques de cette crise sanitaire. Le Maroc compte 1,04 million d'élèves inscrits dans les écoles privées pour les trois niveaux de l'enseignement (primaire, collégial et secondaire), soit 17% de la totalité des apprentis, d'après les derniers chiffres du département de l'Education, en 2019. En matière d'enseignement à distance, le bilan présenté par le ministre de l'Education nationale indique que le nombre des classes virtuelles mises en place au niveau de l'enseignement privé avoisine les 108.000, soit un taux de 70%. De leur côté, les parents ont dû faire face à une pression de plus, celle du règlement des frais de scolarité réclamés par les établissements d'enseignement privé, alors qu'une enquête récente du HCP, a démontré que 34% des ménages se sont retrouvés sans aucun revenu en raison de la pandémie. Les écoles privées, pour leur part, n'ont pas bénéficié des indemnités de la CNSS, ni pour le mois de mars, ni pour avril, contrairement aux rumeurs circulant sur la toile. Selon Ali Fannach, Vice-président de la Fédération des associations des parents d'élèves au Maroc (FNAPEM), « en tant que porte-parole des familles marocaines, nous avons suivi ce dossier de très près, depuis l'annonce de l'arrêt des cours présentiels, et je peux dire que nous avons reçu de nombreuses plaintes des parents d'élèves, concernant les frais de scolarité pour les mois de mai et juin ». Il poursuit : « on sait très bien que beaucoup de parents se trouvent dans l'obligation de mettre leurs enfants dans les écoles privées pour des raisons majeures, liées aux horaires de travail. D'ailleurs, de nombreux parents n'ont pas de quoi s'acquitter des frais de scolarité pendant cette crise sanitaire ». Certes, de colossaux efforts ont été déployés, mais la continuité pédagogique reste insuffisante, pour Ali Fennach, qui explique qu'« il ne faut pas oublier que l'enseignement à distance ne remplace, en aucun cas, l'apprentissage en présentiel». Quant au coût de l'enseignement à distance, la FNAPEM affirme que « les classes virtuelles pèsent énormément sur les poches des familles, surtout que les frais d'internet restent à leur charge. Certaines familles se sont même retrouvées, des fois, obligées d'acheter des ordinateurs ou bien des tablettes pour que leurs enfants puissent suivre les cours », précise le vice-président de la fédération. En revanche, cette association, porte-parole des parents d'élèves, exhorte les patrons d'écoles privées à faire appel à leur sens de citoyenneté. « Ce que nous demandons est de prendre en considération ces circonstances exceptionnelles que traversent notre pays et qui impactent forcément la situation financière des familles marocaines. L'enjeu pécuniaire ne devrait pas être prioritaire dans le rapport entre l'établissement d'enseignement et le parent». Et d'ajouter : « si les directions des écoles se mettent à table avec les parents et écoutent leurs doléances, ils pourront arriver à un terrain d'entente », affirme Ali Fennach, en assurant que plusieurs solutions peuvent être envisagées, dans le cadre d'une concertation mutuelle entre les deux parties. Par ailleurs, Il faut savoir que 70% des programmes étaient réalisés jusqu'au 16 mars, date de fermeture de tous les établissements de l'enseignement et de la formation, mais il fallait tout de même assurer la continuité pédagogique des élèves. Selon les données officielles, seulement 4% des écoles privées n'ont pas respecté leur engagement en matière d'enseignement à distance, soit 232 établissements qui n'ont pas été impliqués dans le processus des classes virtuelles. Ces derniers ont-ils droit d'exiger le paiement des frais de scolarité ? D'un point de vue juridique, Maître Youssef RHARIB, avocat au barreau de Casablanca, explique que « ces écoles ne doivent pas exiger le paiement des frais de scolarité pendant cette période de confinement, ce qui veut dire pour les mois d'avril, mai et juin ». Face à cette situation exceptionnelle, plusieurs questions rentrent en jeu, notamment, en ce qui concerne la nature du contrat conclu entre l'établissement et l'élève, ou son tuteur et dans lequel sont fixés les droits et obligations des deux contractants. Dans le même registre, l'article 19 de la loi 06.00, formant statut de l'enseignement scolaire privé, stipule que « ce contrat doit comporter, particulièrement, les conditions dans lesquelles est dispensé l'enseignement à distance et par correspondance, notamment tout ce qui concerne les services d'assistance pédagogique et d'enseignement relatifs aux méthodes utilisées, aux travaux, exercices et opérations de correction », selon la même source, ces dispositions sont caractérisées par un certain « flou juridique » quant aux cas de force majeure comme celui que nous vivons aujourd'hui. Dans ce cas, il faut recourir à l'article 235 du Dahir formant Code des obligations et contrats qui stipule que : « dans les contrats bilatéraux, l'une des parties peut refuser d'accomplir son obligation jusqu'à l'accomplissement de l'obligation corrélative de l'autre partie, à moins que, d'après la convention ou l'usage, l'un des contractants ne soit tenu d'exécuter le premier sa part de l'obligation». Ainsi, Me Rharib explique que «puisque les engagements des écoles privées ne sont plus honorés d'une manière habituelle, leur droit à percevoir des frais de scolarité n'est plus justifié juridiquement». Bref, nous devons sortir de cette épreuve inédite avec les moindres dégâts possibles. Ce bras de fer n'est en faveur d'aucune partie des deux, ni l'établissement ni les parents. Au final, les premières victimes qui en paieront les coûts ce sont nos enfants et nos enseignants, or, l'heure est à la solidarité et l'unité nationale.