Le 12 mai dernier, le ministre de l'Education Nationale, de la Formation Professionnelle, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, porte-parole du gouvernement, Said Amzazi, annonçait l'annulation des examens sauf pour le baccalauréat, précisant que le passage pour les autres niveaux se fera sur la base des notes des contrôles continus, réalisés en présentiel. Dans la même foulée le ministre a indiqué que le retour aux classes ne se fera pas avant septembre 2020, sonnant ainsi en quelque sorte, la fin de l'année scolaire, même s'il a affirmé que la continuité pédagogique sera assurée jusqu'à la fin de l'année scolaire. Pour les parents d'élèves, et les élèves eux-mêmes, cela signifie clairement que l'année scolaire est bel et bien finie, en dépit des quelques cours à distance assurés par certains établissement, tant bien que mal. Les élèves, qui avaient déjà du mal à faire montre d'assiduité et de sérieux dans une formule dont ils n'avaient pas l'habitude, et pour laquelle, il faut le dire, les écoles, privées notamment, ne se sont pas données un grand mal, ont tout bonnement « lâché ». Ayant du mal à gérer cette situation, pour le moins inédite, les parents d'élèves ont dû faire face à une autre problématique, celle du règlement des frais de scolarité réclamés par les établissements d'enseignement du privé. Déjà le mois d'avril avait fait polémique à ce propos, mais les parents avaient dû se résoudre à s'acquitter des frais demandés, vu qu'un semblant d'effort continuait à être fourni, mais, et surtout, que l'issue de l'année scolaire n'était pas encore connue. Maintenant que c'est chose faite, alors même que les écoles privées exigent le paiement des mois de mai et de juin, ils s'interrogent pour quelle raison ils devront payer des cours dont leurs enfants ne bénéficient pas, et qui ne seront pas pris en compte dans l'évaluation et le passage au niveau supérieur. Les parents ne décolèrent pas Sur les réseaux sociaux, les parents expriment leur désarroi, voire colère, se disent prêts à ne pas payer mais appréhendent dans le même temps, la réaction des écoles privées qui «sont capables de tout, même du pire, pour garantir l'entrée de cet argent ». «Ces craintes ne sont pas nées du néant», nous explique le père s'un élève de 3è année collège. «J'ai un enfant qui devra en septembre demander un certificat de départ pour pouvoir s'inscrire dans un lycée vu qu'il passe au secondaire, mais je ne suis pas sûr d'obtenir ce certificat si je ne paye pas ces deux mois. Je dis cela parce que j'ai déjà eu une expérience dans ce sens : Ma fille aînée a passé son bac en 2018. L'examen national était prévu les 2 et 3 juin, mais l'école a exigé le paiement des frais du mois de juin, faute de quoi les convocations pour passer le bac n'étaient pas remises aux candidats », nous raconte indigné ce père de famille, qui assure ne pas vouloir revivre la même expérience. Le bon sens veut qu'on ne paie pas, mais depuis quand les écoles privées raisonnent avec bons sens, déplore-t-il. Les parents d'élèves ne sont pas non plus prêts d'oublier l'épisode de la demande d'aide formulée par les représentants des établissements d'enseignement privés, qui avaient adressé un message au Chef du gouvernement, demandant à bénéficier du Fonds public pour la gestion de la pandémie du Coronavirus. Ce message avait provoqué une vive colère du côté des réseaux sociaux, compte tenu des profits engrangent ces établissements. La FNAPEM entre en ligne Sollicitée dans cette affaire, la Fédération Nationale des Associations des Parents d'élèves au Maroc (FNAPEM) est entrée en ligne pour faire part de son refus de tout « chantage» qui pourrait être exercé sur les parents d'élèves pour le paiement de ces frais de scolarité. La fédération est « absolument contre toute forme de chantage à ce sujet », nous déclare Ali Fanash, vice-président de la FNAPEM. « L'enseignement à distance ne remplace en aucun cas l'apprentissage en présentiel. Tous les retours que nous avons eus des parents d'élèves nous assurent que les prestations que les établissements privés se devaient de fournir, ne l'ont pas été, et partant, nous estimons que les familles sont en droit d'exiger la totalité de ces prestations pour lesquelles on leur dit aujourd'hui de payer », explique le responsable à Hespress FR. Et d'ajouter que «dès le début du confinement, seulement 15% des établissements privés ont correctement travaillé avec les élèves, alors que d'autres ne font pas assez d'efforts ». Ali Fanash nous précise, en outre, que la Fédération a demandé à s'entretenir avec les représentants des établissements d'enseignement privés, mais ils ont refusé de donner suite. «Lors de nos différentes rencontres et sorties médiatiques, nous avons expliqué que toutes les familles sont en crise, que l'on doit tous s'entraider, vu que les établissements n'ont plus les mêmes charges qu'auparavant», nous dit notre interlocuteur. Il fait remarquer à cet égard, que la plupart des enseignants de ces établissements ne sont pas déclarés, et ont donc été licenciés ou travaillent bénévolement, et même ceux qui le sont, ont vu leurs dossiers transférés à la CNSS pour indemnité d'arrêt de travail. «En général, les charges des écoles privées sont sous forme de salaires, frais de transport et consommables, or tout cela n'existe plus, donc c'est zéro charges et 100% bénéfice. Pour quoi veulent-elles être payées ? Pour 2 heures de Whatsapp, alors même que les frais de connexion sont à la charge des familles ? », s'interroge Ali Fanash. Du point de vue juridique, poursuit notre interlocuteur, «il y a un engagement – ou contrat (même tacite) entre les écoles et les familles : un ensemble de services contre de l'argent. Selon la loi 06.00, les établissements ne sont même pas arrivés à fournir 50 % de tous ces services pendant le confinement. L'encadrement est fait par la famille, et les moyens de communication sont publics mais pas disponibles pour tous. Il n'y a pas toutes les conditions d'enseignement via whatsapp et autres, et ce n'est absolument pas aussi efficace que le présentiel ». Donc, dit-il, «ces établissements ne fournissent pas les services exigés, ils ne doivent pas, par conséquent, être payés. Mais nous pouvons essayer de trouver des compromis, en guise de solidarité en ces temps de crise, les familles pourraient, par exemple, payer la moitié des frais, et l'autre moitié sera supportée par les établissements ». Mais vu qu'ils refusent de nous recevoir, «la Fédération ne permettra pas que les élèves souffrent des conséquences des refus de payement des parents. Elle ne permettra pas non plus un quelconque chantage exercé sur les familles », conclut-il. L'enseignement français au Maroc s'y met aussi Cette grone contre les exigences financières des écoles trouve également écho du côté des parents des élèves des missions françaises dans le Royaume. Dans ce sens, le Groupement des associations des parents d'élèves des établissements d'enseignement français au Maroc (APEK, API, CAPE, PEEP) a affirmé être contre le maintien des frais de scolarité inchangés du troisième trimestre. Dans un communiqué rendu public, les parents d'élèves ont souligné que « les négociations avec l'Agence de l'Enseignement français à l'étranger sont toujours en cours pour ajuster cette facturation selon le service rendu et comme soutien aux efforts financiers complémentaires engendrés aux familles par l'enseignement à distance en cette période de crise ». Les parents qui se sont dits favorables à une facture « négociée », tenant compte du surcoût supporté par les familles, ont revendiqué le gel des augmentations des frais de scolarités sur les trois prochaines années, un moratoire sur les travaux non engagés en donnant la priorité au numérique, mais également une homogénéisation et une mise à niveau de l'enseignement à distance. A noter que, de son côté, Hespress FR a, à maintes reprises, sollicité Abdeslam Ammor, président de l'Alliance de l'enseignement privé au Maroc (AEPM), mais en vain. Le torchon continuera donc de brûler entre les différentes parties, devant le mutisme officiel (jusqu'à présent) des représentants des établissements d'enseignement privés, qui pour leur part, en veulent aux ministres du travail et de l'éducation nationale, qu'ils accusent d'avoir «égorgé et achevé le secteur ». Entre temps, des décisions arbitraires et vengeresses pourraient être prises, d'une part comme de l'autre, et pourraient fort bien engager l'avenir des élèves, déjà fortement perturbés par une situation à laquelle ils auraient eu tout le mal du monde à s'adapter.