« Faute de compromis, deux solutions se profilent : la révision ou la suspension par le Maroc de l'ALE », dixit Moulay Hafid Elalamy (MHE), lundi le 10 février, lors de la séance des questions orales, au sein de la Chambre basse. Dans le même registre, MHE exige que les BIM stores commencent à vendre les produits marocains, faute de quoi ils seraient contraints de mettre la clé sous la porte. Ses propos n'ont pas laissé les responsables turcs indifférents. Un intense tourbillon médiatique s'ensuit ! En réponse à une question centrale à la Chambre des représentants relative aux « bilans des accords de libre-échange », le ministre de l'Industrie, du Commerce et de l'Economie verte et numérique a affirmé, le lundi 10 février, que la Turquie a accepté de renégocier plusieurs axes de l'ALE, pour qu'il soit «mutuellement bénéfique». La protection du commerce de proximité et du secteur textile serait parmi les principales doléances du Maroc. Dans ce cadre, le ministre a relevé que les relations commerciales ont enregistré un déficit de 18 MMDH, notant que le volume des investissements turcs au Maroc ne dépasse pas 1%. S'agissant d'un différend purement « commercial » entre les deux pays, ce bras de fer est centré principalement sur le textile. En effet, la concurrence turque a fait perdre au textile marocain 44.000 postes d'emploi en 2017. La partie marocaine a fait part de ces préjudices aux autorités turques. Le Royaume a réclamé, dans ce sens, une solution ne portant pas atteinte à ses intérêts, faute de quoi l'accord sera «résolu unilatéralement». Une doléance qui, après un vif débat, a été acceptée par la partie turque. Au Parlement, le débat s'est cristallisé autour de la chaîne turque de supermarchés «BIM», qui s'est retrouvée du jour au lendemain au coeur de l'actualité marocaine. D'après MHE, la marque turque nuit aux commerces de proximité. Pour rester au Maroc, cette enseigne n'a qu'un seul choix c'est celui de commercialiser des produits marocains dans ses magasins. Le Royaume dévoile ainsi ses cartes sur le terrain. La condition du ministre est claire malgré le fait que «BIM», symbole de réussite des rapports commerciaux entre le Maroc et la Turquie, propose déjà un certain nombre de produits marocains. La chaîne possède un large réseau de magasins à travers le Royaume, opérant sur le territoire marocain, depuis plus de 8 ans. Aujourd'hui, BIM compte 500 magasins employant plus de 2.500 salariés. De son côté, la firme stambouliote n'a pas tardé à réagir. Dans une déclaration à Reuters, le directeur financier de BIM, Haluk Dortluoglu a affirmé : « Nous n'envoyons qu'environ 15% de nos produits au Maroc. 85% sont achetés auprès de producteurs locaux ». En revanche, le département du commerce est resté sceptique vis-à-vis des déclarations du responsable turc. « Si 85% des produits vendus par la chaîne BIM sont maintenant marocains, il faut s'en réjouir et nous serons les premiers. Mais, achetés au Maroc ne signifie pas qu'ils sont obligatoirement marocains. Il faudra vérifier », fait savoir un cadre du ministère de l'Industrie. Notons que MHE avait déjà déploré la vulnérabilité de la situation des petits commerçants. Il y a 5 ans, le ministre avait convoqué le président du groupe turc et lui a fait part de son mécontentement, en lui expliquant que l'ouverture de chaque magasin BIM veut dire que 60 commerçants baissent les rideaux. Pour rappel, l'accord de libre-échange conclu en 2004 avec la Turquie est le troisième plus important ALE, après l'Union européenne et les USA. Toutefois, cet accord ne représente que 1% des IDE (5% des IDE en Algérie) et engendre pour le Maroc un déficit de 1,2 milliard de dollars.