Par Saad Bouzrou Saïd Bouteflika est désormais dans de mauvais draps, et pour cause : la dernière sortie du général à la retraite et ancien ministre de la Défense Khaled Nezzar qui, dans un factum publié dans le site de son fils Lotfi, a tout dévoilé sur les décisions de celui qui a depuis longtemps écarté son frère affaibli par la maladie pour diriger officieusement l'Algérie. L'identité de celui qui décidait à la place d'Abdelaziz Bouteflika n'est plus un secret de polichinelle. Khalid Nezzar, ancien ministre de la Défense entre 1990 et 1993 en Algérie, vient de la divulguer à point nommé avec les manifestations qui appellent à l'arrestation de celui que le pouvoir et les médias algériens ont toujours présenté comme le «conseiller spécial» du président déchu, nommé en 1999 par un décret non publiable ! Avant de s'en prendre vertement, Nezzar précise dans son texte qu'il a rencontré S. Bouteflika une seule fois dans sa vie, avant de poursuivre : «le 7 mars 2019, j'ai reçu un appel émanant de lui par l'intermédiaire d'un ami. Il voulait me voir. Après quelques moments d'hésitation, j'ai décidé d'accepter. Nous nous sommes donc vus. L'homme était visiblement dans le désarroi. Il voulait connaître mon opinion sur ce qui se passait dans le pays et sur ce qu'il pouvait entreprendre pour faire face à la contestation populaire». →Lire aussi : Les Algériens appellent à l'arrestation de Saïd Bouteflika Après cette première rencontre, Nezzar a conclu qu'il était en face d'un homme incapable de lâcher le pouvoir et qui pouvait aller jusqu'à décréter l'état d'urgence ou l'état de siège pour brider la contestation et se débarrasser de ses adversaires : «A la question : «Et si cette énième lettre était rejetée, que feriez-vous ?» Il me répondit : «Ce sera l'état d'urgence ou l'état de siège !» J'étais surpris par tant d'inconscience. Je lui répondis : «Si Saïd, prenez garde, les manifestations sont pacifiques, vous ne pouvez en aucun cas agir de cette manière !» A cet instant, je me suis rendu compte qu'il se comportait comme le seul décideur et que le Président en titre était totalement écarté.». Le deuxième échange entre Nezzar et S. Bouteflika s'est déroulé au téléphone. Cette fois, ce dernier a trouvé le casus belli qui lui convient pour mener un coup d'Etat contre le plus fidèle des cerbères militaires, à savoir le général Ahmed Gaïd Salah : « Le 30 mars, vers 17 heures, nouvelle tentative du même Saïd Bouteflika pour me joindre, cette fois-ci au téléphone. Après m'être demandé s'il était encore utile de lui répondre, j'ai finalement décidé d'écouter ce qu'il avait à me dire. Au son de sa voix, j'ai compris qu'il était paniqué. Il me dit que le vice-ministre de la Défense et chef d'état-major de l'ANP était en réunion avec des commandants des forces et qu'il pouvait agir contre Zéralda d'un instant à l'autre. Il voulait savoir s'il n'était pas temps de destituer le chef d'état-major. Je l'en dissuadai fortement au motif qu'il serait responsable de la dislocation de l'armée en cette période critique », affirme le général à le retraite. →Lire aussi : Algérie : Saïd Bouteflika, la question qui fâche Ensuite, Nezzar explique avoir conseillé à S. Bouteflika d'appliquer «l'article 7 réclamé par le hirak et la désignation de membres de la société civile représentatifs pour assurer la transition et, ensuite, faire savoir immédiatement après que le président se retirait ». Mais le président et son pygmalion l'ont catégoriquement refusé : «La balle était de nouveau dans le clan des Bouteflika. Je pensais qu'ils allaient agir rapidement, d'autant que Saïd – il le disait – craignait d'être arrêté à tout moment. La mise en pratique d'une telle proposition nous aurait sortis de la crise. Ils n'ont pas voulu le faire».