Elue en juin 2018, aux côtés de l'Allemagne, la Belgique, l'Indonésie et la République dominicaine, l'Afrique du Sud rentre au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU), à partir de janvier 2019, pour siéger comme membre non-permanent, pendant deux ans. Si cette présence au sein de l'instance internationale est un enjeu majeur pour la résolution du conflit du Sahara comme le prétendent les autorités algériennes –premier soutien du Polisario avec l'Afrique du sud–, les actions de Pretoria dans ce sens, contre les intérêts du Maroc pourraient surtout accroître les tensions avec le Royaume, pourtant, autrefois, pays ami et soutien du père de la nation arc en ciel, Nelson Mandela et de son parti l'ANC. Au cours de l'histoire, les relations entre les deux pays ont connu de grands changements, entre solidarité, collaboration et brouilles diplomatiques. Retour sur ces dates clés qui ont marqué les rapports entre le Royaume et l'Afrique du Sud. 1960 : Soutien du Maroc à la lutte de l'ANC « L'Afrique du Sud partage des liens d'amitié historique avec le Maroc, depuis que le Royaume a accueilli sur son sol les héros de notre lutte pour la libération, au début des années 1960 », déclarait, le 30 juillet 2016, le Directeur général de l'Afrique centrale et du Nord, au sein du ministère sud-africain des Affaires étrangères, Graham Maitland, au cours d'une réception organisée par la représentation diplomatique du Maroc en Afrique du Sud, à l'occasion de la fête du Trône. En effet, les rapports entre le Maroc et l'Afrique du Sud remontent au début des années 60, lorsque Nelson Mandela a séjourné à Oujda, une ville au nord-est du pays, entre 1960 et 1962. A cette époque-là, le Royaume qui faisait figure d'exemple dans la lutte pour la libération des pays africains du joug colonial, après l'exil et le retour victorieux du Roi Mohammed V, allait être le premier à apporter une aide financière et matérielle, par l'entremise du ministre des Affaires africaines, le Dr Abdelkrim Khatib, au Congrès national africain (ANC), –parti politique sud-africain de la lutte anti-apartheid. Fondé en 1912, il avait pour mission de défendre les intérêts de la majorité « noire » contre la minorité « blanche ». Il a été déclaré hors-la-loi par le Parti national pendant l'apartheid en 1960–, à sa branche armée Umkhonto we Sizwe (MK) et à son dirigeant. « Je lui ai dit : je veux voir Sa Majesté votre Roi. Nous avons créé une armée. Nos soldats sont entraînés. Nous voulons des armes. Nous voulons de l'argent », racontait Nelson Mandela, au cours d'un discours prononcé en 1995, dans lequel il rendait un vibrant hommage à « celui qui a été un des architectes de notre lutte armée », le Dr Khatib. Mai 1994 : Le Maroc et l'Afrique du Sud établissent officiellement des relations diplomatiques Le Maroc et l'Afrique du Sud ont officiellement établi des rapports diplomatiques, depuis 1994. Entre les deux Etats, il était alors question de renforcer les relations bilatérales, à travers des accords de coopération dans des domaines variés tels que le transport aérien, la promotion commerciale, la recherche agronomique, la coopération institutionnelle, etc. Pour renforcer cette coopération, le Royaume a élevé son Bureau des intérêts, qui opérait à Pretoria, depuis 1992, au niveau de l'Ambassade. « Les relations ont connu alors un essor remarquable sous la présidence Mandela, avec échange de visites de responsables gouvernementaux dont, du côté Sud-africain, les deux présidents F.W. de Klerk et N. Mandela ainsi que M. Thabo Mbeki, alors responsable du Département des relations internationales de l'ANC. Du côté marocain, on rappellera les visites du Ministre d'Etat, Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération, et celle du Ministre des Transports. Au plan économique, cette période fut marquée par la négociation et la finalisation d'un certain nombre d'accords de coopération qui seront, formellement, signés en mai 1998, au Cap, lors de la première session de la Commission mixte maroco-sud-africaine, sous la coprésidence de Mme Aicha Belarbi, Secrétaire d'Etat à la Coopération, et M. Aziz Pahad, Vice-ministre sud-africain des Affaires Etrangères », documente l'Institut Royal Des Etudes Stratégiques, sur les relations entre le Maroc et l'Afrique du sud. Septembre 2004 : Reconnaissance de la pseudo République arabe sahraouie (RASD) En septembre 2004, l'Afrique du Sud, alors dirigée par le Président Thabo Mbeki, prend officiellement position, reconnaît la Pseudo République arabe sahraouie démocratique (RASD) autoproclamée par les séparatistes du Polisario et décide d'établir avec elle des relations diplomatiques formelles. Comme on pouvait s'y attendre, cette nouvelle a été mal accueillie par le Royaume qui, jugeant inopportune la décision de Pretoria « de reconnaître la prétendue République arabe sahraouie démocratique, autoproclamée», a immédiatement rappelé son ambassadeur «pour consultation». Le choix, lourd de conséquences, des autorités sud-africaines, et pour lequel le Maroc a exprimé sa déception, a marqué le début de plus d'une décennie de froid diplomatique entre Rabat et Pretoria. Toutefois, les relations diplomatiques entre les deux pays n'ont pas été rompues, mais reléguées au rang de chargé d'affaires. Novembre 2017 : Réchauffement des relations diplomatiques En marge du 5e sommet de l'union africaine-Union européenne qui s'est tenu les 29 et 30 novembre 2017, à Abidjan, en Côte d'Ivoire, Sa Majesté le Roi Mohammed VI s'est entretenu avec le Président sud-africain, Jacob Zuma. A cette occasion, les deux dirigeants ont affirmé leur volonté de travailler ensemble pour « se projeter dans un avenir prometteur ». Pour ce faire, ils ont convenu de maintenir un contact direct et décidé d'une désignation prochaine d'ambassadeurs de haut niveau, à Rabat et à Pretoria. Août 2018 : Reprise des relations diplomatiques entre le Maroc et l'Afrique du Sud L'an dernier, le Maroc et l'Afrique du Sud ont, officiellement, décidé de renouer leurs relations diplomatiques. De ce fait, le Royaume a nommé un nouvel ambassadeur, treize années après le rappel du précédent, suite à la décision des dirigeants sud-africains de reconnaître la pseudo « RASD ». Le choix du Maroc s'est porté sur Youssef Amrani, ancien ministre délégué aux Affaires étrangères. Cette nomination aurait pu sonner le glas d'une longue période de froid diplomatique entre les deux puissances économiques africaines, mais depuis, l'ambassadeur, désigné par le Maroc, n'a toujours pas pris ses fonctions. Janvier 2019 : L'Afrique du Sud toujours opposée au Maroc sur la question du Sahara Malgré le renouement de ses relations diplomatiques avec le Maroc, les positions de l'Afrique du Sud sur la question du Sahara marocain n'ont pas évolué. En visite en Algérie, à l'invitation du ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, la ministre des Relations extérieures et de la Coopération internationale de la République d'Afrique du Sud, Lindiwe Sisulu, a réaffirmé, dans un communiqué rendu public le 14 janvier 2019, le soutien de son pays au Polisario. Quelques jours avant, c'est le président sud-africain Cyril Ramaphosa qui déclarait : «Nous sommes aux côtés du Front Polisario ». Au vu de ce développement, nous sommes en droit de nous demander ce que compte faire l'Afrique du Sud, durant son mandat, de deux ans, au Conseil de sécurité de l'ONU, sur la question du Sahara marocain.