Dans une zone rurale, comme celle de Bouhouda, dans le profond pays montagneux de Taounate, où les moyens sont loin d'être abondants, où la population locale s'évertue à atténuer les rigueurs d'une nature peu clémente et où la poursuite des études tient du parcours du combattant à créer une bibliothèque relève plutôt de l'utopie ou, du moins, du pari irréaliste. - Par Morad Khanchouli - Pourant, cette bibliothèque existe. Depuis 5 ans déjà qu'elle fait, chaque jour, le bonheur des gens de cette bourgade mais aussi ceux des dizaines de douars limitrophes. Derrière cette belle aventure, un bon fils de la région et, avant tout, un féru de la culture. Animé par l'esprit de servir les gens de sa région et aider les jeunes à se dessiner un avenir meilleur, M'Barek Chentoufi veut faire de la lecture un catalyseur pour le développement futur de sa région natale. N'a-t-on pas dit que la lecture d'un grand livre est l'une des deux choses qui peuvent changer un être humain. "En menant cette aventure, nous avons voulu combattre la culture du fatalisme et montrer qu'un simple geste quotidien de lecture peut contribuer à changer la vie des jeunes générations", confie, à la MAP, M. Chantoufi, qui est l'homme à tout faire de l'association locale de coopération et de développement social. + 10.000 livres contre la désertification culturelle+ C'est dans un local modeste aéré de peintures aux couleurs gaies, au centre de Bouhouda, que siège cette bibliothèque avec son trésor de livres. En effet, plus de 10.000 livres sont là. Il y'en a pour tous les âges, du préscolaire aux études universitaires. Des contes célèbres en exemplaires suffisants, des bandes dessinées, des dictionnaires, des livres de grammaire, de conjugaison et de mathématiques, des publications spécialisées en littérature, en économie et même en philosophie, pour ne citer que ces disciplines-là, meublent les rayons de la bibliothèque. On y trouve des joyaux de Camus, Sartre, Hemingway, Victor Hugo, Najib Mahfoud, Abdellah Laroui et bien d'autres. Des chefs d'oeuvres de sommités de l'écriture et prix Nobel sont à portée de main. "En tenant à sélectionner les meilleurs livres de la scène culturelle, nous voulons lutter contre la désertification culturelle et semer les germes de la bonne citoyenneté", souligne M. Chantoufi, la cinquantaine dépassée, mais à l'allure et l'esprit débordants de jeunesse. Depuis sa création en 2005, dans le cadre de l'Initiative nationale pour le développement humain, cette bibliothèque connaît l'affluence de centaines d'enfants de la région, qui y trouvent leur compte. "Grâce à la bibliothèque, Nous passons une grande partie de notre temps vide à prendre du plaisir à lire et découvrir les livres, mais aussi regarder parfois des films culturels et pédagogiques sur la citoyenneté, l'environnement ou les droits de l'homme", expliquent les petits Achraf, Mohamed et Brahim, des habitués du lieu. Ces petits " chanceux " du monde rural peuvent aussi, dans le premier étage de la bibliothèque, recevoir des cours de soutien scolaires dans leurs principales matières, dont le français, l'anglais et les mathématiques. Et pour leur assurer de bonnes conditions de lecture, l'association locale de coopération et de développement social s'est dotée, dans le cadre de l'INDH, d'une salle de lecture avec six tables, 24 chaises et des tableaux magnétiques de grande qualité, ainsi que dix ordinateurs. Le transfert de la bibliothèque à un bâtiment flambant neuf, financé grâce à une aide de la Commission européenne, va permettre, indubitablement, alléger l'association du loyer de l'actuel local afin qu'elle se consacré à d'autres projets. D'une réalisation à l'autre, les ambitions de cette ONG grandissent davantage. M. Chantoufi rêve du jour où la bibliothèque de Bouhouda se dote d'antennes permanentes, ou des points de lecture, comme il se plaît à le dire, dans les contrées reculés de toute la région.
+Un festival de la lecture à la campagne+ Vendredi dernier à 10 h du matin, la porte de la bibliothèque Bouhouda connaît une animation inhabituelle. C'est l'heure des inscriptions aux différentes activités du festival de la lecture pour enfants. Une manifestation, qui en est à sa troisième année. Une palette d'activités sont proposées aux gosses, au cours de cette édition (27-28-29 mai) organisée en partenariat avec le ministère de la culture, autour du thème de la culture au service du développement humain. Les enfants sautent sur l'occasion pour participer à des ateliers de lecture, de poésie, de Zajal, de calligraphie, de peinture et de conte et pour apprécier les expositions de livres et de tableaux d'art plastique, installés sur place. "Nous voulons donner sa chance à chaque enfant du village pour qu'il puisse s'exprimer et canaliser son énergie ", relève Jamila Bahbah, formatrice à l'association. Comme à chaque édition, des hommes de lettres connus ont bien voulu répondre, encore cette année, à l'invitation de l'association pour discuter avec les enfants et leur expliquer l'importance de la lecture dans la construction de leur personnalité et dans l'élargissement de leurs horizons académiques et professionnels. Les élèves les plus brillants sont dûment récompensés, par des voyages culturels au Salon international de l'édition et du livre de Casablanca et au salon du livre de Tanger. L'association offre également chaque année des prix d'encouragement aux trois premiers de chaque classe des établissements scolaires de la région. Mais la véritable récompense, selon le chef d'orchestre de cette belle entreprise, est d'avoir réussi à mettre des enfants sur le bon chemin de la culture.