La 4ème édition du festival rural "MATA" de Jbel Lahbib (commune rurale située entre Tétouan et Larache), un rendez-vous annuel offrant une diversité de tableaux artistiques faits de musique, de danse, de chorégraphie, et d'exposition de produits artisanaux et agricoles du terroir reflétant le style de vie de cette région, a tenu ses promesse dans la mesure ou il a attiré prés de 20.000 personnes. - Par Mustapha el Kadaoui - Organisé les 1er et 2 mai par l'Association Jbel Habib pour le développement social et la protection de l'environnement du monde rural, sur le flanc de la montagne Rkabi, cette manifestation culturelle à laquelle s'associe la population locale, est un véritable Moussem qui a réussi à s'imposer au fil des ans. +MATA, illustration parfaite du patrimoine culturel Jbala+ Illustration parfaite du riche patrimoine culturel de cette région qui sort ainsi de son enclavement, le festival MATA est surtout connu pour sa "fantasia" qui, en fait, n'en est pas une, car contrairement à la "Tbourida", les cavaliers n'utilisent ni "baroude" (poudre) ni fusils, surtout pas d'étrier et encore moins de selle. Et c'est ce qui le distingue de la fantasia traditionnelle. L'originalité de ce festival n'est autre que la course MATA qui met aux prises des dizaines de cavaliers appartenant à différentes tribus. Ces derniers montent à cru sur leurs chevaux, avant de s'élancer, par groupes, dans des tours "d'échauffement", en prélude à une course hippique éliminatoire, au grand bonheur des spectateurs qui peuvent ainsi admirer la beauté de ces quadrupèdes qui font la fierté des Jbalas. Aux cris des youyous entrecoupés de refrains "Hallalou hallalou Mata", exécutés par une voie féminine accompagnée de l'incontournable Taktouka Jabalia, les concurrents se regroupent enfin pour le clou du spectacle qui consiste en ce jeu très attendu appelé MATA. Ce dernier, un dérivé du verbe arabe de la même étymologie "IMTATA” qui signifie monter à dos d'un animal généralement le cheval, est une tradition d'origine arabe qui a fait son apparition dans cette région du Maroc au lendemain de l'avènement de la culture arabo-islamique. La compétition est organisée chaque année, juste après l'opération de pré-criblage des champs de blé, d'avoine et d'autres grains similaires, opération effectuée par les femmes de tout âge et les jeunes filles du village, dans la gaité et aux cris des youyous durant une journée qui commence tôt le matin pour se terminer en moitié d'après-midi. Une fois rentrées chez elles, certaines de ces femmes se réunissent pour confectionner une poupée, " la mariée " habillée et maquillée dans le strict respect de la tradition, avant d'être remise au chef des cavaliers venus des villages et des tribus de la région. +Les cavaliers rivalisent d'ingéniosité pour s'emparer de la "mariée"+ Le jeu, ou la compétition, consiste en des tentatives d'escapades de la part de ces cavaliers qui passent la poupée d'une main à l'autre jusqu' ce que l'un d'entre eux réussisse à tromper la vigilance des autres concurrents et à s'enfuir avec ce "trophée" sous le regard attentif et admiratif des milliers de sectateurs. Le vainqueur sera fêté comme il se doit au milieu de chants et de youyous exécutés par les jeunes filles, toujours au son de la musique Taktouka, en guise d'hommage au meilleur chevalier de la tribu ou du village qui peut ainsi prétendre convoler en justes noces avec la plus belle des demoiselles. Outre la course et le jeu de MATA qui s'est distingué cette année par la participation d'une cavalière, âgée d'une quarantaine d'années, les spectateurs ont eu droit à un spectacle de chorégraphie exécuté par Lhassada (moissonneurs) qui, au rythme de chants du terroir, avancent à petits pas armés de leur faucilles avec un des leurs exhibant fièrement les "Mounia". En effet, lors des moissons, chaque moissonneur (Hassad), après avoir coupé à la faucille une javelle d'épis (Al Ghomra en arabe), attache cette dernière pour en faire une botte et passe à la deuxième. A la quatrième, il attache le tout ensemble et la grosse botte est nommée Mounia. A la fin, les "Mounia” sont rassemblées et mises dans un filet fait de corde de palmier nain (doum) pour être transportées vers l'aire de battage. Cet exercice est effectué dans une ambiance chorégraphique et de gestes synchronisés de la part des "Hassada" qui portent un tablier en cuir leur descendant jusqu'aux genoux, et autres bouts de cuir formant des gants pour les protéger de tout risque, notamment celui de se blesser par la faucille. L'opération dure jusqu'au ramassage du dernier épi de la récolte du bénéficiaire de l'opération "Touiza". Ce rendez vous culturel revêt également un caractère sportif avec l'organisation d'une course de fonds et d'un tournoi de football. Créée le 3 novembre 2003, l'Association Jbel Habib pour le développement social et la protection de l'environnement du monde rural, entend, à travers l'organisation de ce festival, contribuer notamment au développement de la région, à la sensibilisation en matière de protection de l'environnement, à la lutte contre l'abandon scolaire et à la création de projets générateurs de revenus pour les familles démunies. Selon les organisateurs, la visite, le 10 février dernier à Jbel Lahbib, par SM le Roi Mohammed VI, la première du genre dans l'histoire de cette région, a constitué un motif de fierté et d'encouragement pour la population locale afin de déployer davantage d'efforts pour le développement de leur région et pour faire découvrir leur patrimoine culturel auquel ils tiennent tellement en particulier le jeu MATA.