Une pléiade d'experts et professionnels des médias au Maroc, en Espagne et en France ont examiné, samedi à Tanger, la réalité et les perspectives de la presse régionale concernant son accompagnement des mutations et réformes que connait le Maroc. Les intervenants lors d'une journée d'étude, organisée par la Coordination générale du dialogue national "Médias et société" en collaboration avec le Syndicat national de la presse marocaine -section Tanger-, ont souligné le rôle primordial de la presse régionale dans le renforcement de la démocratie, de la transparence et la sensibilisation du citoyen aux questions d'intérêt public. A cet égard, le coordinateur général du dialogue national "Médias et société", M. Jamal Eddine Naji, a noté que la presse régionale constitue l'un des choix importants pour l'avenir de la société marocaine, en tant que "mécanisme structurant de la démocratie". La pratique médiatique dans le monde tend de plus en plus à un retour aux sources en mettant l'accent sur les questions touchant de près les citoyens, c'est-à-dire une information de proximité, a-t-il constaté, affirmant que la presse régionale "constitue un trait d'union entre le public et les autres intervenants". A ce niveau, M. Naji a émis plusieurs questionnements relatifs à la nature de la presse régionale voulue pour le Maroc, aux moyens de financement, à l'entreprise médiatique, aux rapports entre journaux, autorités et entreprises ayant recours à la publicité, aux types de l'information et au public cible. Les participants à cette rencontre, dont des journalistes, des parlementaires, des militants des droits de l'Homme et des acteurs de la société civile ont apporté, à travers leurs interventions, des éléments de réponse à ces questionnement "prioritaires et essentiels pour l'avenir de la presse régionale au Maroc". M. Abdessadek Benaissa, journaliste à Médi 1 Radio, a souligné, dans une allocution au nom Syndicat national de la presse marocaine û section Tanger, la nécessiter de structurer pour immuniser le secteur de la presse régionale, à travers un appui financier réel et une valorisation de l'information de proximité. Il a appelé aussi à la création de grandes entreprises médiatiques locales, la révision des conditions d'octroi des autorisations de création des journaux régionaux et la mise en place d'un conseil déontologique chargé du règlement des affaires liées à la presse. Pour sa part, le journaliste Khalid Mechbal a appelé à ne plus subventionner les journaux régionaux qui ne respectent pas les principes de la déontologie, ainsi qu'à tracer des règles claires pour la coopération entre les associations des journalistes des deux rives de la Méditerranée et à ouvrir un dialogue sérieux avec les publicitaires afin de traiter en équité avec les différents journaux. Le professeur universitaire Hamid Aboulass a, pour sa part, mis l'accent sur la formation en tant que moyen d'améliorer la qualité de la pratique journalistique régionale et locale, notant la nécessité de tracer des règles pour cette profession et de déterminer les critères que doit remplir un journaliste. Le parlementaire et professeur universitaire, M. Abdellatif Berhou, a noté la prédominance de la presse écrite sur les médias régionaux et l'importance qu'elle accorde aux conditions de vie des citoyens plutôt qu'aux querelles politiques aux niveau local. Il a de même relevé les lacunes des lois marocaines qui traitent la question de la presse en tant que phénomène homogène, sans égard aux spécificités de la presse régionale. Les participants ont également appelé à mettre en place un cadre juridique unifié pour la presse, qui est de nos jours encore soumise à des codes et textes de loi "distincts et contradictoires", tout en réglementant le droit d'accès aux sources d'information au niveau local. Concernant les expériences médiatiques des pays de la rive nord de la Méditerranée, M. Bernardo Diaz Nosty, de la chaire de l'Unesco en communication à l'université de Malaga et Mme Elena Blanco, du groupe médiatique "Sur" à Malaga, ont donné un aperçu sur la presse régionale et locale en Espagne, qui s'est renforcée depuis la mise en place de la régionalisation avancée. L'Espagne compte actuellement quelque 120 journaux locaux en plus des éditions régionales des quotidiens nationaux, pour une moyenne de ventes comprise entre 93.000 et 190.000 exemplaires par jour, et un taux de lecture de l'ordre de 100 exemplaires pour 1.000 personnes. Des chiffres atteints grâce à la créativité des professionnels, qui mises sur les papiers d'analyse et les photos. De son côté, la France fait figure de leader mondial dans ce domaine, avec un marché de 17,7 millions de lecteurs qui consomment 450 quotidiens régionaux, distribués à travers 60.000 points de vente, selon les chiffres présentés par les directeurs de syndicats de la presse régionale en France. Quelque 5.600 journalistes 25.000 correspondants français travaillent dans la presse régionale, alors que 47 pc des ventes sont assurées par les abonnements, ont-ils ajouté. Malgré la bonne santé du secteur, la presse régionale quotidienne en France reste menacée par la croissance des médias numériques (le nombre des lecteurs numériques augmente de 30 pc chaque année), ce qui l'oblige à davantage d'efforts pour fidéliser le lectorat, promouvoir la lecture chez les jeunes et diversifier son offre d'information. Cette première rencontre régionale sera suivie d'initiatives similaires dans d'autres régions du Maroc, ainsi que d'atelier et séminaires thématiques devant se poursuivre jusqu'à fin mai, traitant notamment du rapport entre les médias et l'école, la culture, les nouvelles technologies et la loi.