Le bâti historique et le tissu urbanistique des médinas de Rabat et Salé connaissent actuellement une profonde métamorphose avec le méga projet en cours de réalisation de l'aménagement de la Vallée du Bouregreg. Par Driss LAMRINI A la faveur de ces travaux, dont l'enjeu économique est indéniable pour Rabat la ville impériale et Salé la cité millénaire, l'héritage patrimonial ainsi que l'espace de ces deux agglomérations seront considérablement impactés par ce plan, dont les principales composantes au niveau des infrastructures, sont le tramway, le nouveau pont Moulay El Hassan, le tunnel des Oudayas et le projet de "Bab Al Bahr ". A l'heure actuelle, le taux de réalisation de la majorité des projets de ce grand chantier, couvrant une assiette foncière de près de 6 000 hectares, dont environ 20 pc constructibles, se situe entre 50 et 100 pc, à l'exception de la cité "Bab Al Bahr", qui vient d'entamer la première phase de sa commercialisation. Par delà les considérations techniques, les concepteurs ont veillé à tous les détails inhérents aux interventions que requiert le travail en milieu historique sensible, d'autant qu'il s'agit d'un des sites le plus densément chargé d'histoire du Maroc, où le planning de conduite des chantiers a accordé une place prépondérante aux fouilles archéologiques. L'on réalise, à ce titre, combien le souci de préserver la richesse et la densité de l'héritage historique et urbanistique des deux médinas a commandé la mise en Œuvre de moyens conséquents. Réhabilitation du patrimoine historique Interrogé par la MAP sur l'impact prévisible du Projet de la vallée du Bouregreg sur le patrimoine des deux villes, M. Omar Benslimane, Directeur du Pôle Marketing à l'Agence pour l'Aménagement de la Vallée du Bouregreg (AAVB), a souligné que "les monuments concentrés autour de la Vallée du Bouregreg font de cet espace une contrée bénie pour la culture et le tourisme". C'est au regard de cette richesse que "l'Agence a mis en avant une politique intégrée de réhabilitation et de mise à niveau du patrimoine historique qui fait la fierté de Rabat et Salé", a-t-il assuré. "Plusieurs monuments bénéficieront d'une restauration et d'une mise en valeur des lieux, comme c'est le cas de la Qasbah des Oudayas portant sur la restauration des différentes façades, telle la façade maritime, la façade fluviale, la façade côté Médina ainsi que le rempart de Bab Al Bahr. Réconcilier l'habitant avec la médina De l'avis des experts, après une phase de densification démographique dans les années 50 et 60, on assiste aujourd'hui au phénomène du dépeuplement de la médina qui a commencé dans les années 80. Ainsi, à titre d'exemple la population de la médina de Salé s'élevait à quelque 70.000 habitants au début des années 70, aujourd'hui, elle est pratiquement vidée de la moitié de sa population entre 34000 et 35000 habitants. M. Mekki Zouaoui, enseignant chercheur à l'Université Mohammed V de Rabat et membre de l'association de Bouregreg, a relevé de son côté que parallèlement à ce phénomène de dépeuplement, l'artisanat recule au profit d'une expansion des activités commerciales de tous genres. "La fonction commerciale a pris le dessus sur la fonction résidentielle, c'est une forme de résistance et d'adaptation des médinas à ce phénomène", a-t-il dit. D'un point de vue urbanistique, les arguments ne manquent pas pour soutenir que le projet d'aménagement de la vallée de Bouregreg va changer la donne, notamment en matière des transports publics. Une fluidité de la circulation Pour M. Zouaoui , le projet de tramway, qui s'inscrit dans une stratégie globale de restructuration des transports publics urbains, va profondément changer la physionomie des deux villes et de leur agglomération qui vont se structurer autour de ce réseau, "tout en redonnant au cŒur des villes de Rabat et de Salé une solide accessibilité". Quant au nouveau pont Moulay El Hassan, s'étendant sur un linéaire reliant les deux villes, un composant infrastructurel qui est en adéquation avec son architecture et son insertion urbaine, M. Zouaoui a estimé qu'il "va impacter considérablement la fluidité de la circulation entre les deux villes". A ces aménagements s'ajoute le tunnel des Oudayas, qui s'étend sur 1022 m, et dont l'état d'avancement actuel des travaux relatifs au passage sous le bâti historique, au niveau de l'étanchéité de cette zone, atteint 70 pc. De même, les travaux de colmatage et de restauration de toutes les fissures existant au niveau des murailles historiques sont achevés à 100 pc. Ce projet a également pour objectif de remédier aux problèmes de la circulation que connaissent les deux villes, tout en protégeant les sites historiques et les habitants de l'ancienne médina des nuisances sonores et de la pollution. Autre infrastructure dont l'impact sera non négligeable est celle du port de pêche, qui de par sa situation sur l'embouchure et sa proximité d'une partie importante des murailles, pratiquement à 200 m, constitue un levier économique intégrant diverses activités économiques, touristiques et culturelles. De l'avis des experts, le concept est basé sur une graduation architecturale progressive entre l'univers arabo-andalou des médinas et le design architectural moderne des nouveaux ouvrages afin d'éviter toute altération du cachet historique des deux cités millénaires.