Le Festival international du film de Marrakech (FIFM) est une manifestation "qui glorifie le bon cinéma", a affirmé le réalisateur et acteur serbe Emir Kusturica. -Par Jihad Benchekroun, envoyé spécial- Ce festival est une sorte de "vitrine de l'impact individuel du cinéma", a ajouté le président du jury du 58ème Festival de Cannes (2005) dans un entretien exclusif à la MAP , soulignant que la politique d'ouverture sur le monde prônée par le FIFM favorise la communication entre le Maroc et le reste du monde. Commentant le cinéma d'aujourd'hui, le double lauréat de la Palme d'Or au Festival de Cannes (1985 et 1995) a relevé que le cinéma mondial se trouve actuellement face à un grand dilemme, à savoir la quête d'un certain équilibre entre le développement des NTIC et la masse des productions, déplorant au passage la faiblesse de la qualité des films tournés actuellement. "Les salles de cinéma ne pensent qu'à faire fortune en encourageant la commercialisation de films de bas niveau", a regretté Emir Kusturica, qui a reçu lundi soir un hommage dans le cadre de la 9ème édition du FIFM. Evoquant son projet de film sur la vie de Pancho Villa, Kusturica a indiqué que ce film sera "le plus grand défi", précisant que le tournage débutera l'année prochaine- probablement en janvier ou février- et mettra en scène la star américaine Johnny Depp. Kusturica a indiqué qu'il prépare un autre film sous le titre de "Cool Water", qui sera tourné en Palestine, ajoutant que ce long-métrage relatera une histoire paradoxale et drôle. - "JE NE ME PRENDS JAMAIS AU SERIEUX". Le natif de Sarajevo a affirmé par ailleurs qu'il ne se prend jamais au sérieux. "C'est peut-être pour ça que j'ai obtenu tant de récompenses dans ma vie", a souligné Kusturica. "Toutefois, si ma vie peut être instructive pour les jeunes, ça sera ma plus grande récompense", a-t-il souligné. "Je suis très heureux d'être qualifié d'artiste controversé", a dit le réalisateur serbe, ajoutant que "ce jugement démontre qu'en ce temps que le monde connaît des changements profonds j'essaye d'user des meilleurs moyens pour comprendre le monde, de projeter ma propre attitude dans mes Âœuvres, et de mettre en avant toutes les capacités humaines qui ne sont pas stéréotypées". "Dans la vie il faut être utopique et idéaliste pour pouvoir atteindre son but ", a estimé Kusturica. "Je me sens libre quand je joue de la musique, campe un rôle ou réalise un film", a indiqué le bassiste de "No Smoking Orchestra", ajoutant que la musique et le cinéma sont "deux genres compatibles qui reflètent les réactions humaines sur les plans culturel, religieux et politique". La 9ème édition du FIFM a rendu, lundi soir, un bel hommage à Kusturica, qui s'est vu décerner l'Etoile d'or de ce festival. A cette occasion, une série de films de l'artiste serbe sera projetée dans le cadre du FIFM, notamment le mythique "Do you remember Dolly Bell" (1981), "Time of the Gypsies" (1988), "Arizona Dream" (1993), "Underground" (1995) et "Maradona by Kusturica" (2008). Né le 24 novembre 1954 à Sarajevo, Emir Kusturica est promis à une carrière de footballeur qu'il abandonne pour étudier le cinéma à Prague à la FAMU , l'Académie de Cinéma. A son retour à Sarajevo, il écrit et réalise deux téléfilms, "Les jeunes mariées arrivent" (1979) et "Café Titanic" (1980), puis deux longs métrages pour le cinéma : "Te souviens-tu de Dolly Bell ?", qui obtient le Lion d'Or de la première Âœuvre au Festival de Venise en 1981, et "Papa est en voyage d'affaires", qui reçoit la Palme d'Or au Festival de Cannes en 1985. Après le succès international du "Temps des gitans" (1988), Emir Kusturica se rend à New York pour enseigner le cinéma à l'université de Columbia. Au bout de deux ans, il tourne aux Etats-Unis "Arizona Dream" avec Johnny Depp, Jerry Lewis et Faye Dunaway (1993). Le film obtient l'Ours d'Argent et le Prix Spécial du Jury au Festival de Berlin. Le cinéaste enchaîne avec "Underground", pour lequel il reçoit en 1995 une nouvelle Palme d'Or au Festival de Cannes. En 1998, il remporte le Lion d'Argent au Festival de Venise avec "Chat noir, chat blanc". Le groupe No Smoking Orchestra occupe une place importante dans les films et la vie de l'auteur. En 1986, il rejoint officiellement la formation en tant que bassiste et participe à plusieurs tournées. Quand il ne filme pas, Emir Kusturica consacre tout son temps à Kustendorf, ville parrainée par l'UNESCO, où il y enseigne le cinéma.